En Hongrie, charge politique contre les gender studies

En Hongrie, un responsable du Parti populaire chrétien-démocrate (KDNP) a brutalement réagi au lancement, à la rentrée prochaine, d’un master de gender studies à l’Université Loránd Eötvös de Budapest.

L’Université Loránd Eötvös (ELTE) a récemment annoncé sur son site Internet l’ouverture d’un master de gender studies (études de genre) à la rentrée prochaine. L’objectif est de former les étudiants hongrois aux champs scientifiques explorant les rapports sociaux entre les sexes, du point de vue notamment de la sociologie, de l’anthropologie et de la psychanalyse. La nouvelle, reprise par le très conservateur site 888.hu, a provoqué une réaction en règle de Lőrinc Nacsa, président de la Fédération des jeunes chrétiens-démocrates hongrois (IKSz), l’organisation de jeunesse du Parti populaire chrétien-démocrate (KDNP), allié gouvernemental du Fidesz de Viktor Orbán.




Dans une lettre adressée au recteur d’ELTE Barna Mezey – publiée sur le site HVG.hu (en hongrois) – Lőrinc Nacsa déplore l’ouverture d’une formation portant sur un domaine « aux allures de science, gavée de politiquement correct, et qui n’apportera rien à la société hongroise ». Caricaturant les positions des chercheurs en sciences sociales engagés dans ce champ, le président du IKSz estime que « contrairement à certains pays scandinaves, la Hongrie ne peut pas se permettre de dépenser de l’argent pour que la signalétique des sanitaires hommes/femmes ou encore la neutralité des jouets et des livres scolaires ne viennent perturber l’appartenance sexuelle des petites filles et des petits garçons ». Selon Lőrinc Nacsa, « les genres sont déterminés biologiquement et ne sont pas des constructions sociales ».

Telle charge politique s’inscrit dans un contexte tendu pour les sciences sociales en Hongrie. En septembre dernier, le magazine libéral HVG s’était ainsi ému de la disparition silencieuse de plusieurs cursus universitaires, notamment celui d’anthropologie culturelle ou d’études sociales à ELTE. La maigreur des bourses de recherche dans l’enseignement supérieur public traditionnel contraste avec les milliards de forint investis par l’État dans la clinquante Université nationale de l’administration publique (ENAP) ou de façon plus controversée par la fondation de la Banque nationale hongroise (MNB) dans l’Université Pallas Athéna (PAE) et la faculté « d’économie hétérodoxe » de l’Université Corvinus.

Jusqu’à présent, les gender studies avaient déjà leur centre de recherche à ELTE, mais n’étaient enseignés qu’à l’Université d’Europe centrale (CEU), financée par l’OSF de George Soros. Un alignement que Lőrinc Nacsa qualifie de « folie et de non-sens », signe de la victoire « du lobby gay ».

Ludovic Lepeltier-Kutasi

Journaliste, correspondant à Budapest. Ancien directeur de publication et membre de la rédaction du Courrier d'Europe centrale (2016-2020) et ancien directeur de la collection "L'Europe excentrée" (2018-2020).

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