Les syndicats hongrois sont vent debout contre le projet de loi du gouvernement sur la flexibilisation du temps de travail. Au sein de l’usine du constructeur automobile Audi à Győr, le syndicat maison AHFSz s’oppose à une réforme qui aurait pour effet de « séparer les travailleurs de leur famille et de les rendre encore plus corvéables ».
« Nein, danke 2.0! ». En guise de clin d’œil au patronat bavarois, c’est en allemand que le syndicat autonome d’Audi Hungaria (AHFSz, basé à Győr) a choisi de s’opposer au projet de flexibilisation du temps de travail, annoncé il y a une semaine par le gouvernement de Viktor Orbán. Après avoir échoué à imposer cette réforme en avril 2017, en raison d’une fronde venue de ses propres rangs, l’exécutif dirigé par le Fidesz vient de revenir à la charge en annonçant vouloir augmenter à 400 heures le stock annuel d’heures supplémentaires (contre 250 actuellement – 300 si la convention collective le permet) et d’aménager le temps de travail sur trois ans, contre un an à l’heure actuelle.
« Chez nous, le temps de travail ne sera pas aménagé sur 36 mois ! Nous ne laisserons pas nos collègues êtres exploités, nous ne laisserons pas nous imposer une plus grande flexibilité ! », a notamment déclaré l’AHFSz dans son communiqué. Selon le syndicat du constructeur automobile, le projet de loi aurait pour effet de « séparer les travailleurs de leur famille, de les rendre encore plus corvéables ». Dans les faits, le projet du gouvernement vise effectivement à assouplir le temps de travail selon les carnets de commande des entreprises, et aurait pour effet mécanique de limiter le recours aux heures supplémentaires, actuellement majorées.
L’AHFSz s’en prend également à un projet « incompatible avec l’échelle des valeurs de l’Union européenne » et menace de « défendre de toutes ses forces les résultats obtenus au sein de la convention collective [d’Audi Hungaria] ». Quoi qu’il en soit, une grève serait un petit bouleversement en Hongrie, où les travailleurs n’ont pas pour habitude de descendre dans la rue pour exprimer des revendications sociales. « La plupart du temps, les gens s’adressent au gouvernement pour réclamer des augmentations de salaires ou des baisses d’impôts, mais ils ne donnent pas de suite à leurs revendications », comme nous le rappelait le politiste Ambrus Kiss au sujet de la grève historique chez Tesco en septembre 2017. Mais les temps changent en Europe centrale, où la raréfaction de la main d’œuvre tend à transformer les rapports de force entre patronat et salariat.
La fronde des ouvriers d’Audi à Győr n’est pas isolée. De nombreuses centrales syndicales ont d’ores-et-déjà annoncé leur opposition au gouvernement : la confédération Liga, la fédération nationale des conseils d’ouvriers, la fédération nationale des syndicats de transport, la fédération syndicale des métallos, le syndicat hongrois des médecins, ainsi que le syndicat libre des travailleurs du chemin de fer.