L’annonce d’Angela Merkel de se retirer de la vie politique en 2021 a suscité de nombreuses réactions en Pologne et en Hongrie, deux pays fermement opposés à sa politique européenne vis-à-vis des réfugiés.
La chancelière allemande a annoncé lundi 29 octobre qu’elle ne se représenterait pas à la présidence de l’Union chrétienne démocrate (CDU) lors de son congrès les 7 et 8 décembre. Par conséquent, elle ne briguera pas un nouveau mandat de chancelière en 2021, une décision qui ouvre une période d’incertitude pour l’Union européenne déjà ébranlée par la sortie de la Grande-Bretagne et l’affrontement entre libéraux et nationalistes qui se profile aux élections européennes de 2019.
Pologne : « Maintenant, tout sera pire encore. »
En Pologne, c’est essentiellement à droite de l’échiquier politique que l’on a réagi à l’annonce d’Angela Merkel, estimant qu’elle s’est tirée une balle dans le pied avec sa « politique de la porte ouverte ». Le chef du cabinet du président Andrzej Duda, Krzysztof Szczerski, souligne que Merkel « est tombée sous les coups de ses propres fautes politiques. En effet, le problème des migrants, et des erreurs commises dans la politique intérieure ont provoqué la fuite des électeurs du centre de l’échiquier politique en Allemagne ». « Ce n’était pas un renoncement glorieux », commente-t-il.
Pour Antoni Dudek, professeur à l’Université Cardinal Stefan Wyszyński à Varsovie, l’affaiblissement d’Angela Merkel « déjà usée en tant que personnage politique » s’est accéléré « suite à la crise migratoire en 2015 ». « Mme Merkel a délaissé son autorité au profit d’une politique de la porte ouverte qui a été complètement rejetée par la majorité des Allemands et la plupart des pays-membres de l’UE », estime-t-il.
Dans la presse de centre-droit, on regrette en revanche le retrait de la chancelière. « Quiconque sera élu chancelier, n’aura ni l’expérience ni la crédibilité qu’avait Angela Merkel. Évidemment, chaque chef du plus grand Etat de l’UE influencera la communauté, mais il se pourrait que l’Europe unie ne revête, pour elle ou pour lui, pas autant de valeur que pour la chancelière », souligne Anna Słojewska du journal Rzeczpospolita. Et de conclure : « La modération de Merkel nous manquera à l’époque où l’UE fait face à la fragmentation, provoquée par des facteurs comme le Brexit, le populisme, les migrations ».
« La modération de Merkel nous manquera à l’époque où l’UE fait face à la fragmentation. »
Maciej Nowicki, éditorialiste pour Newsweek, craint également la période d’incertitude qui s’ouvre, constatant la polarisation croissante de la scène politique en Allemagne, où les partis traditionnels comme la CDU et le SPD s’érodent au profit du parti Vert et de l’AfD. « Tout ceci a lieu à l’aube du Brexit, des gouvernements eurosceptiques en Hongrie et en Pologne. L’Italie populiste est en guerre ouverte avec Bruxelles […] Macron, la seule espérance du camp européen perd en popularité dans son pays », énumère-t-il. Selon lui, « Merkel a été critiquée pour avoir cherché un compromis à tout prix. Comment pourtant peut-on imaginer une Europe unie sans compromis, sans projet commun ? ». Il termine par ses mots emprunts de pessimisme : « Maintenant, tout sera pire encore ».
Hongrie : « la carrière politique d’Angela Merkel se termine dans la disgrâce »
En Hongrie, comme à l’accoutumée, c’est l’éditorialiste Zsolt Bayer qui a exprimé avec le plus de violence mais aussi de clarté les sentiments qui animent la droite nationaliste hongroise. Dans un éditorial publié dans le journal Magyar Idők, il écrit que « la carrière politique d’Angela Merkel a pris fin dans la disgrâce ». Il reproche à Merkel d’avoir « assassiné dans le dos et trahi le chancelier Helmut Kohl », l’homme dont le Premier ministre Orbán revendique l’héritage.
Mais ce qui vaut à la dirigeante allemande la détestation de Zsolt Bayer, c’est l’accueil massif de migrants, passés par la Hongrie lors de l’année 2015 : « Autour de 2015 elle s’est prise pour l’Europe. Et l’ancienne fille de pasteur protestant, qui a bravé le sens du courant pour « passer » de Hambourg à la RDA en tenant la main de son père, s’est appropriée le credo politique libéral mainstream, qui ne connait et ne nourrit qu’un objectif : changer l’Europe, cette Europe que les « premiers habitants » connaissent et acceptent. »
« [Merkel] ne nourrit qu’un objectif : changer l’Europe, cette Europe que les « premiers habitants » connaissent et acceptent. »
L’éditorialiste de Magyar Idők poursuit : « C’est là que conduisent toutes ces trahisons. Merkel enseignait encore il n’y a pas si longtemps à Orbán l’Europe, la démocratie, la société ouverte, la solidarité, et que sais-je encore. Maintenant elle prépare gentiment ses cartons et s’en retourne en ex-RDA. Un autre qui prépare son déménagement au même moment : c’est Macron. Le monde normal est entré avec effraction. »
L’hebdomadaire libéral HVG en profite de son côté pour souligner un faux semblant : Viktor Orbán, malgré son hostilité pour la ligne politique représentée par Angela Merkel et malgré les propres ambitions européennes qu’on lui prête, votera certainement pour le bavarois Manfred Weber à la tête de la Commission européenne au mois de mai. « Ce faisant, Orbán répond aux souhaits d’Angela Merkel, puisque c’est la chancelière elle-même qui a décidé de voir le politicien allemand à la barre de la Commission européenne ».