État de droit : La Slovaquie et la Tchéquie pas solidaires du couple polono-hongrois

Dans la crise qui couve dans l’Union européenne, il n’y a pas de Groupe de Visegrád qui tienne.

Polonais et Hongrois auraient certainement voulu pouvoir estampiller leur fronde contre le reste de l’Europe de la marque « V4 ». Mais voilà, ils doivent faire sans les Tchèques et les Slovaques, qui ne les ont pas suivis dans leur blocage du budget et du plan de relance européens, conditionnés au respect de « l’État de droit ».

A Prague et Bratislava, on a préféré se tenir tranquilles, du côté de la majorité européenne, sans pour autant se froisser avec ses partenaires rebelles du Groupe de Visegrád. Les premiers ministres slovaque Igor Matovič et tchèque Andrej Babiš se sont bien gardés de commenter les vétos polonais et hongrois, encore plus de les critiquer.

Le ministre tchèque des Affaires étrangères, Tomáš Petříček, a tout de même acté le désaccord de son pays avec l’aventurisme polono-hongrois : « La situation montre que nous pouvons ne pas être toujours d’accord avec nos partenaires du Groupe de Visegrád. Pour la République tchèque, le compromis trouvé sous la présidence allemande de l’UE est tout à fait acceptable », a-t-il déclaré, rapporte Radio Prague.

« Je ne pense pas qu’il soit réaliste que l’État de droit soit exclu des règles quand on parle de l’utilisation des ressources européennes. » – Ivan Korčok.

La Slovaquie est sur la même ligne. Sollicité par le « Courrier d’Europe centrale », le chef de sa diplomatie, Ivan Korčok, se montre toutefois optimiste et explique que, si « le veto de la Pologne et de la Hongrie complique l’accord sur les budgets et le Plan de relance pour l’Europe », « ce n’est pas la fin des négociations » pour autant. Le ministre slovaque veut lancer un appel à la raison à ses collègues de Pologne et de Hongrie, afin qu’ils ne bloquent pas, in fine, le compromis négocié par la présidence allemande.

« Le veto de Varsovie et de Budapest n’est pas la fin des négociations, mais le temps pour trouver un accord est très court. Je ne pense pas qu’il soit réaliste que l’État de droit soit exclu des règles quand on parle de l’utilisation des ressources européennes. La solution ne passe pas par-là », dit Ivan Korčok, évacuant la possibilité de satisfaire les demandes de Budapest et Varsovie. « Il existe une menace réelle que l’UE continue de fonctionner avec un budget temporaire et qu’il y ait un retard dans le prélèvement des ressources du plan de relance », prévient-il. « C’est la dernière chose dont l’UE a besoin aujourd’hui pendant la pandémie ».

Chacun joue sa partition

Comment analyser cette désunion du Groupe de Visegrád, finalement très prévisible ? Selon Michal Vít, professeur de sciences politiques à la Metropolitan University de Prague, « depuis que la crise migratoire n’est plus à l’agenda, le « V4 » a perdu sa force politique dans l’Union et est redevenu une plateforme secondaire pour chacun de ses membres. Le Groupe de Visegrád est revenu à sa fonction initiale, son dénominateur commun : une plateforme de coopération technique ».

Le fond du désaccord n’est pas idéologique, estime Michal Vít. Chaque pays fait valoir ses propres intérêts, avance son propre agenda, lesquels sont divergents. « Orbán est très fort pour jouer avec les poids lourds de la géopolitique, la Chine, la Turquie, la Russie. Et il sait manœuvrer pour tirer en même temps autant de ressources que possibles de l’UE ».

Le chef du gouvernement slovaque ne trouve rien à redire à la ligne conservatrice du dirigeant hongrois, explique le politologue, « mais la Slovaquie a misé sur des relations fortes avec les pays clés de l’Union européenne, à commencer par l’Allemagne, la France et les Pays-Bas. Elle est plus connectée à l’Union, déjà parce qu’elle a adopté l’Euro, et ses partis sont plus liés à leurs partenaires européens ».

Quant au tchèque Andrej Babiš, il reste un homme d’affaires avant d’être un dirigeant politique. « Sa priorité absolue est de sécuriser les fonds européens pour son entreprise Agrofert », qui est l’un des plus grands conglomérats de Tchéquie. « Il n’a pas de stratégie et intellectuellement il ne peut pas suivre un Orbán ou un Kaczyński », estime Michal Vít.

Signe du désintérêt d’Andrej Babiš pour la politique européenne, il n’a pas jugé bon de réagir aux attaques lancées par Budapest contre la commissaire européenne tchèque, Věra Jourová, vice-présidente de la Commission européenne et chargée du respect des valeurs de l’Union européenne et de la transparence. Le gouvernement hongrois exige sa démission, l’accusant d’être partiale, par la voix de son porte-parole incendiaire, Zoltán Kovács, qui a de nouveau porté l’accusation selon laquelle la commissaire serait « payée par Soros », dans un tweet publié vendredi.

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