Hier soir, un homme d’origine rom a été tué par des coups de fusil dans le Nord-Est de la Hongrie. La police enquête, mais n’a pas encore reconnu officiellement le meurtre.
Le 9 avril, c’était l’immeuble d’une représentante de la communauté tzigane de Tatárszentgyörgy – village malheureusement connu pour ses nombreuses attaques contre les Roms – qui a été ravagé par un incendie. Aucune victime, mais l’acte a été cette fois jugé criminel par la police. Quelques semaines plus tôt, ce même village fût le théâtre morbide d’assassinats à l’encontre d’une famille tzigane, et personne n’a encore été inquiété. Les nombreuses violences impunies dont la communauté rom hongroise fait les frais depuis des mois choquent de plus en plus l’opinion publique et commencent, petit-à-petit, à concerner les autorités.
Hier soir vers 21h30, un tzigane de 53 ans est abattu lorsqu’il quitte son domicile du village de Tiszalök pour se rendre au travail. Selon les témoins, un individu blanc de grande taille l’attendait devant sa maison dans un véhicule noir à vitres teintées. Muni d’un fusil 9mm, il a touché sa victime en pleine tête et en plein cœur. Celle-ci décédait 20 minutes plus tard. László Bartha, porte-parole de la sécurité nationale, annonçait ce matin à l’agence MTI attendre que l’enquête révèle si cet « incident » est de la même nature que les récents crimes anti-Roms des semaines passées.
Au regard de la violence inouïe envers les différentes communautés tziganes du pays ces derniers mois, la police est souvent accusée d’être trop prudente dans ses enquêtes, voire même de laisser faire… Depuis quelques semaines, un quartier à majorité Rom en marge du petit village de Tatárszentgyörgy, situé à une trentaine de kilomètres au Sud de Budapest, a été la cible de plusieurs incendies criminels à répétition, dont certains accompagnés d’assassinats.
Le 23 février dernier, une attaque à la bombe artisanale, suivie d’un assaut armé qui a fait deux morts et deux blessés dans un foyer gitan de cette localité avait déjà suscité l’émotion dans tout le pays. Alors que la famille tentait d’échapper aux flammes qui dévastaient leur maison fraîchement construite, Robért Csorba et son fils de 5 ans ont été froidement abattus par balles et ses deux autres enfants, âgés de 3 et 6 ans ont été grièvement blessés. Malgré l’extrême cruauté de cet événement, les Roms ont beaucoup de mal à se faire entendre par les autorités. Les habitants du quartier accusent même la police d’avoir volontairement bâclé l’enquête qui n’a encore à ce jour rien donné, et sont néanmoins persuadés qu’il s’agit de l’oeuvre sinistre de la Magyar Gárda. Ils sont aussi convaincus que l’enquête ne mènera à rien, sachant que cette milice armée se trouve sous l’aile protectrice du parti d’extrême droite Jobbik, dont l’importance est sans cesse croissante dans le paysage politique hongrois.
Compte tenu de son caractère sensationnel, beaucoup de médias étrangers se sont emparés de l’affaire, comme l’équipe de télévision de Russia Today qui a recueilli en début de semaine les propos d’Erzsébet Csorba, mère et voisine de Robért : « La police a prétendu ne pas voir les 18 blessures par balles dans le corps de mon petit-fils. Comment est-ce possible de ne pas constater cela ? Le rapport dit aussi qu’un problème électrique est à l’origine de l’incendie alors qu’il y a des traces de la présence d’une bombe partout dans la maison ».
Lidia Horváth, leader de la communauté Rom de Tatárszentgyörgy qui a elle aussi vu son domicile incendié début avril, a expliqué à MTI que depuis le drame de février, non seulement les tziganes de ce ghetto, mais aussi ceux du centre du village vivent dans un climat de réelle terreur. De son côté, Béla Kovács, Président du Jobbik pour une Hongrie meilleure, a entretenu la polémique lors de son interview par la chaîne de TV anglophone russe en affirmant : « les crimes perpétrés par les gitans augmentent tous les jours et si rapidement dans le pays que les gens ont peur de sortir le soir ». Un discours sur l’insécurité sans réel fondement, mais qui séduit beaucoup les classes populaires hongroises depuis longtemps. Il a aussi habilement refusé d’admettre un lien quelconque entre son parti et la Magyar Gárda, qui pourtant assiste à chacune des manifestations du Jobbik.
A Budapest, Rob Kushen du Centre des droits des Roms Européens estime que l’action des autorités sur ces affaires n’a fait aucun progrès, et que tant que leur travail pour le maintien de la paix n’avancera pas, les conditions du désastre ne feront que s’amplifier. Rappelons enfin que dans la seule année qui précède le drame d’hier soir, presque une vingtaine d’attaques à l’aide d’armes à feu, de bombes à pétrole et d’armes blanches ont été fomentées à l’encontre de foyers tziganes. 7 personnes ont été tuées lors de ces attaques et il est difficile de dénombrer le nombre de blessés. En réponse à cela, pas un seul responsable n’a encore été appréhendé.