Enseignement : Faire grève en Hongrie, contre vents et marées

Une foule estimée entre 5 000 et 10 000 personnes s’est rassemblée samedi sur Kossuth tér pour soutenir le mouvement de grève des enseignants hongrois vilipendés par le gouvernement.

Source : page facebook du mouvement Tanítanék. https://www.facebook.com/tanitanek

Comment osent-ils faire grève alors qu’il y a une guerre dans le pays voisin et que des petits Ukrainiens rêveraient de pouvoir aller à l’école ? Voici en substance comment le gouvernement national-conservateur de Viktor Orbán et ses médias essaient de balayer sous le tapis la grève des enseignants qui a débuté mercredi dernier.

Le gouvernement a annoncé que seuls 15 000 pédagogues, 13 %, avaient pris part à la grève au premier jour du mouvement, mercredi. Selon les deux syndicats organisateurs, ils seraient plutôt 20 000. Ce chiffre n’est, de toute façon, pas à la hauteur de la frustration des enseignants.

Leurs revendications sont inchangées depuis les premières tentatives de grève, en 2016 puis en 2018 : l’égalité des chances et d’accès à une éducation de bonne qualité ; une réduction du programme scolaire et de la charge de travail, pour les élèves comme pour les enseignants ; moins de bureaucratie ; plus de budget pour l’éducation ; le libre choix des manuels scolaires, un enseignement décentralisé et adapté aux besoins locaux, un ministère de l’Éducation indépendant ; des salaires compétitifs et le rétablissement du droit de grève.

Des entraves juridiques

Y voyant une « manœuvre électorale de la gauche », le gouvernement a tout fait pour tuer le mouvement dans l’œuf. Une première grève éclair de deux heures en janvier a été jugée illégale par la Cour constitutionnelle. Puis un décret gouvernemental adopté dans l’urgence a imposé un service minimum des plus contraignants aux établissements, rendant toute grève quasiment impossible à mettre en pratique, de l’avis des deux syndicats enseignants. En réponse, une douzaine d’établissements sont entrés en désobéissance civile dès janvier, avec pour mot d’ordre : « la grève est un droit fondamental ».

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Soutien populaire à la grève

Une manifestation a rassemblé plusieurs milliers de personnes samedi devant le parlement, à l’appel du mouvement Tanítanék et des syndicats d’enseignants, rejoints par d’autres syndicats, de la chimie par exemple. La dirigeante du syndicat des enseignants, Erzsébet Nagy, a déclaré que le syndicat se tournerait vers la Cour constitutionnelle pour casser la loi sur la grève et, en cas d’échec, porterait l’affaire devant la Cour européenne des droits de l’homme à Strasbourg.

Mercredi dernier, une première manifestation avait aussi rassemblé plusieurs milliers de personnes, des lycéens essentiellement qui soutiennent leurs professeurs. « Sans professeurs, pas de savoir, et sans savoir, il ne reste qu’un pays stupide », ont-ils proclamé, avec le soutien de députés de l’opposition.

Un sondage de l’institut Publicus indique que la population hongroise, à l’encontre du gouvernement, soutient majoritairement ce mouvement de protestation qu’elle considère légitime.

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