La tension monte entre Budapest et Kiev au sujet de la minorité hongroise de l’oblast de Subcarpatie. La semaine dernière, cinq élus locaux hongrois ont été inscrits sur une liste des « ennemis de la Nation », tandis que circulait sur Internet une vidéo montrant une cérémonie jugée illégale de naturalisation au consulat hongrois de Berehove. Les milieux nationalistes ukrainiens dénoncent un « séparatisme rampant » dans la région.
Le site nationaliste ukrainien Myrotvorets a placardé la semaine dernière les noms de cinq élus locaux issus de la minorité hongroise de Subcarpatie sur sa page Facebook. « Nous avons mis sur la « Chystylyshche » les cinq premiers auteurs de violations envers la Constitution et la loi sur la citoyenneté ukrainienne », s’est justifié le site, pointant leur acquisition – illégale, selon Kiev – de la citoyenneté hongroise au cours des dernières années.
Signifiant « purgatoire », la liste « Chystylyshche » rend régulièrement public les noms, dates de naissance, coordonnées et portraits de ceux qu’elle désigne comme des « ennemis de l’Ukraine ». De sinistre mémoire, c’est sur cette liste qu’avaient été publiées en avril 2015 les adresses de l’écrivain ukrainien Oles Buzina et de l’ancien député Oleg Kalachnikov, quelques jours avant leur assassinat.
Fondé en 2014 par l’actuel vice-ministre ukrainien George Tuka, Myrotvorets est également l’émanation d’une ONG éponyme dirigée par Roman Zaitsev, ancien employé du bureau du service de sécurité de Louhansk. Le site est notamment décrit par les médias russes comme une vitrine de l’agence de sécurité et de renseignement du gouvernement ukrainien (SBU). Le 7 mai 2016, le site avait aussi publié les données personnelles de 4508 journalistes « ayant coopéré avec des terroristes » pour avoir demandé une accréditation auprès des autorités séparatistes du Donbass.
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Tensions entre Kiev et Budapest sur le sort de la minorité hongroise d’Ukraine
Quelques jours après la publication de cette liste, une vidéo a été mise en ligne dans laquelle on voit le consul hongrois de Berehove remettre la citoyenneté hongroise à des ressortissants ukrainiens. Partagées sur « 1+1 video » par l’agence de presse publique Ukrinform, ces images ont provoqué l’indignation à Kiev du ministre des Affaires étrangères Pavlo Klimkine. Rappelant l’interdiction de la double citoyenneté par la loi ukrainienne, il a menacé d’expulser le diplomate hongrois du territoire national si Budapest ne le rappelait pas avant.
Son homologue hongrois Péter Szijjártó a réagi dimanche au cours d’une conférence de presse à l’aéroport de Budapest. « Nous devons nous battre avec les outils du droit international (…). Sur le terrain de la politique internationale, nous avons l’avantage de faire partie de clubs que les Ukrainiens aimeraient rejoindre », a-t-il déclaré, rappelant le veto exercé par le gouvernement hongrois pour maintenir l’Ukraine en dehors de l’OTAN. « Si l’Ukraine expulse le consul, cela ne restera pas sans réponse proportionnée » a menacé M. Szijjártó.
Le fondateur de Myrotvorets George Tuka a commenté le développement de l’affaire dimanche midi via un post Facebook, dans lequel il a dénoncé le comportement du gouvernement hongrois « qui abuse publiquement des lois ukrainiennes (…) sans chercher de voies de dialogue ». Il a reproché à Budapest d’exercer un chantage sur l’Ukraine et dénoncé un « séparatisme rampant » dans l’oblast de Subcarpatie (ou « Transcarpatie » du point de vue ukrainien), partie du royaume de Hongrie jusqu’en 1920 et dans lequel vit une importante minorité hongroise estimée entre 100 et 120 000 individus (soit 10% de la population de l’oblast).
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