Le site OKO.PRESS a révélé que la police a effectué, à l’été 2017, une grande opération de surveillance de plusieurs figures de l’opposition. Une opération « sans précédent dans l’histoire de la Troisième République de Pologne », écrit OKO.PRESS, et des pratiques qui rappellent un ancien temps…
L’affaire révélée au début de l’automne par des médias polonais, remonte à ces quelques journées du mois de juillet 2017, durant lesquelles se sont déroulées une série de manifestations pour la défense de l’autonomie de la justice en Pologne. Et au cours desquelles la police s’est intéressé d’un peu trop près à des figures de l’opposition parlementaire et de la société civile. Ces « personnes qui nous intéressent », comme les policiers nomment alors leurs cibles, ont été suivies du matin au soir et jusque tard dans la nuit. Le ton des conversations révélées par le grand journal d’opposition Gazeta Wyborcza ne laisse pas de doute quant à la nature de l’opération de police.
« – Dis-moi, est-ce que tu as aperçu des personnes dans notre intérêt ? À savoir MM. Kinasiewicz, Kasprzak, Jakrzewski ?
– Pour l’instant seulement Bajkowski.
– Ça va, dès que tu les vois, suivez-les et tenez-moi au courant.
– Comme toujours. Ça va, c’est compris. »
Quelques jours plus tôt, la Diète a approuvé une série de lois qui, de l’avis de l’opposition, est de nature à annihiler l’indépendance de la Justice. Le 20 juillet, des dizaines de manifestations éclatent à Varsovie et dans plusieurs villes du pays. Au cours des quatre jours suivants, on recense 250 rassemblements dans tout le pays, organisés par des partis politiques comme la Plate-forme civique, Moderne et Razem, mais aussi des mouvements citoyens comme l’association du « Comité de défense de la démocratie » (KOD). Une des plus grandes manifestations a lieu sous la Diète et le Sénat polonais.
Ce sont les organisateurs de cette action qui sont dans le collimateur de la police, au moyen d’une opération « sans précédent dans l’histoire de la Troisième République de Pologne », comme l’écrit OKO.PRESS, du nom de code « Sejm ». Le 21 juillet, 30 officiers du WWP (Département de Renseignement et de Patrouille) et 54 officiers d’infiltration sont réquisitionnés pour participer à l’opération « Sejm ». Au total, 2 337 policiers participeront à la sécurisation des rassemblements ce jour-là. Bien que l’opération de surveillance ait été gardée secrète, 22 minutes d’enregistrement ont été envoyés par un anonyme à la Gazeta Wyborcza. OKO.PRESS a passé au peigne fin plus de 1 300 enregistrements, collectés dans le cadre du procès intenté par Ryszard Petru, l’une des personnalités placées sous surveillance.
Outre Ryszard Petru, Wojciech Kinasiewicz, Paweł Kasprzak et Tadeusz Jakrzewski, tous trois membres du mouvement civil « Obywatele RP », ont été suivis en filature et écoutés plusieurs jours durant par la police. Celle-ci a également surveillé Maciej Bajkowski de l’association « Citoyens Solidairement en Action[1]Obywatele Solidarnie w Akcji et Mateusz Kijowski du Comité pour la défense de la démocratie (KOD), ainsi que Ryszard Petru, à l’époque dirigeant du parti Nowoczesna (Moderne).
Face aux accusations des médias et des opposants ciblés, la police et le ministère de l’Intérieur nient le caractère exceptionnel du dispositif et sa finalité. Pour les porte-paroles de la police, il s’agissait seulement de protéger les rassemblements citoyens et l’opération qualifiée de « surveillance préventive » a été déclenchée uniquement pour prévenir tout risque de violence. « Lors de la manifestation, des opinions qui auraient pu susciter des réactions diverses des citoyens et mener à des actes d’agression ont été exprimées ».
Les suites qui seront données à cette affaire demeurent incertaines. Le procès intenté par Ryszard Petru traîne toujours devant les tribunaux, et les responsables de la police ne semblent collaborer que partiellement, la totalité des matériaux n’ayant été transmise à la justice que de façon partielle. Il manque encore les enregistrements des conversations des policiers du WWP, ceux de l’État-major et des officiers de l’opération « Reconnaissance ».
Notes
↑1 | Obywatele Solidarnie w Akcji |
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