Conséquence de sa contre-performance aux élections législatives du 8 avril dernier, le parti d’extrême-droite est confronté à une grave crise identitaire ayant entraîné le départ d’une partie de ses cadres allés fonder le mouvement « Notre patrie ». Côté finances, la pénalité astronomique infligée en décembre dernier par la Cour des comptes devrait amener le Jobbik à une sévère cure d’austérité.
Rien ne va plus au Jobbik. Le parti hongrois d’extrême-droite doit faire face depuis la fin du printemps à un vaste mouvement de dissidence piloté par son ancien vice-président László Toroczkai. Exclu du parti le 8 juin dernier, celui-ci a fondé le 23 juin le mouvement « Notre patrie » (Mi Hazánk Mozgalom, MHM) avec la députée Dóra Dúró et l’une des figures de l’aile droite Előd Novák. Côté financier, le deuxième parti de Hongrie ne reçoit plus de financement public depuis le 1er juillet. Cette mesure de rétorsion décidée par le Trésor hongrois vise à contraindre le Jobbik à s’acquitter de la colossale pénalité de 662 millions de forint que lui a infligé la Cour des comptes en décembre dernier.
« Le parti s’est divisé, mais nous conservons la même vision du monde » a expliqué Előd Novák devant le millier de sympathisants rassemblés le 23 juin dernier dans la petite localité forestière de Ásotthalom à la frontière hongro-serbe. Ces militants d’extrême-droite sont venus célébrer la naissance du mouvement « Notre patrie » sur les ruines de l’éphémère courant Mi magunk (« Nous-mêmes »), constitué après la défaite de László Toroczkai à la présidence du Jobbik en avril dernier. Voulant « redonner son âme » à l’organisation néo-fasciste, l’ancien leader identitaire critiquait la stratégie de dédiabolisation opérée selon lui par l’ancien président du Jobbik Gábor Vona, prêt à nouer des alliances avec les écologistes de LMP et les libéraux de Momentum lors des élections législatives du 8 avril dernier.
L’aile droite du Jobbik s’organise pour peser au sein du parti
Avec son nouveau parti, László Toroczkai entend récupérer l’ancien électorat du Jobbik et une partie significative de ses élus locaux et cadres. « Le (parti) a laissé un grand vide derrière lui avec son recentrage » a récemment déploré la députée Dóra Dúró dans un entretien accordé à Magyar Idők. « On peut désormais parler d’une dissidence de plusieurs centaines de personnes et elle atteindra sans doute plusieurs milliers à l’avenir », a-t-elle également déclaré, détaillant avoir d’ores-et-déjà récupéré « 59 mandats locaux, dont la moitié de maires » et arguant que dans de nombreuses sections locales, « la majorité est avec nous ».
« Il faut que la Hongrie reste une île blanche en Europe »
Le mouvement « Notre patrie » souhaite incarner une opposition d’extrême-droite au Fidesz de Viktor Orbán, défendant d’une part la politique anti-réfugiés du Premier ministre hongrois, mais critiquant d’autre part la dégradation de la situation sociale « qui a poussé quasiment un million, ou au moins 600 000 Hongrois à quitter le pays », explique László Toroczkai. Il dénonce la natalité des Roms qui serait plus dynamique que celle des Hongrois, l’islamisation supposée de l’Europe ou encore la destruction de la famille traditionnelle sous l’influence hypothétique de la « théorie du genre ». « Nous sommes les seuls à veiller à la tradition selon laquelle il faut élever comme un garçon celui qui naît comme garçon et comme une fille celle qui naît comme telle », a résumé le leader du MHM à son happening de Ásotthalom. Avec une autre volonté affichée : « que la Hongrie reste une île blanche en Europe ».

Le Jobbik au bord de la faillite financière
Au-delà des clivages idéologiques, le départ du courant « Mi magunk » pour fonder « Notre patrie » cache un autre argument, financier cette fois, qui pourrait avoir raison du Jobbik. Ce dernier est sous le coup depuis décembre dernier d’une colossale pénalité de 662 millions de forint infligée par la Cour des comptes en raison de « financements illégaux » via la location de panneaux d’affichages à des prix inférieurs à ceux du marché par l’ancien oligarque du Fidesz devenu sa bête noire, Lajos Simicska. Pour récupérer la moitié de la pénalité, le Trésor hongrois a décidé de se servir directement dans la dotation trimestrielle de 150 millions de forints versée par l’État au parti à partir de ce 1er juillet.
Ce manque à gagner étalé sur six mois risque de mettre sérieusement en difficulté les finances du Jobbik, d’autant que le parti doit également s’acquitter du montant réel de l’amende (331 millions de forint) auprès du fisc ainsi que d’éventuelles pénalités de retard. Alors que son président Tamás Sneider estime que « le parti va réussir à surmonter cette épreuve », nombreux sont ceux qui s’interrogent en interne sur la capacité du Jobbik à mener campagne lors des élections européennes du printemps prochain.
Enfin, le Jobbik devrait également composer avec les conséquences financières de la dissidence du mouvement « Notre patrie ». Dans un entretien accordé hier à la radio publique hongroise M1, László Toroczkai a déclaré revendiquer une partie de la dotation publique du Jobbik, dans la mesure où 46% de la base lui a témoigné de son soutien lors du congrès d’avril et que ses alliés ont contribué à l’élection des 26 députés composant son groupe au Parlement.