Alors que la loi criminalisant les sans-abri vient d’entrer en vigueur en Hongrie, le sociologue hongrois Balázs Krémer (Université de Debrecen) revient sur l’évolution du métier de travailleur social ces dernières années. Selon lui, la dimension sécuritaire a désormais pris le pas sur l’aide aux plus vulnérables. Entretien.
Entretien publié le 10 septembre 2018 dans Abcúg sous le titre « Rendfenntartásra használják a szegények segítőit ». Traduit du hongrois par Ludovic Lepeltier-Kutasi. |
En Hongrie, ça ne vaut pas vraiment le coût d’être travailleur social, parce que les salaires sont bas mais aussi à cause des conditions de travail. Beaucoup partent d’ailleurs à l’étranger. A l’université de Debrecen, vous enseignez à des personnes qui veulent pourtant exercer dans le secteur social. Ça intéresse qui encore de nos jours ce genre de métier ?
Beaucoup suivent le modèle familial, pour d’autres c’est une manière de régler leurs propres problèmes. Je pense ici aux personnes qui ont directement vécu la pauvreté ou qui ont côtoyé des alcooliques dans leur famille ; du coup c’est ce genre de vécu personnel qui les motive. C’est particulièrement vrai à la campagne.
Qu’est-ce qui a changé depuis le début de cette formation ?
Lorsque le cursus de carrières sociales a été lancé à ELTE (Université Loránd Eötvös à Budapest, ndt) en 1985, il s’agissait d’une formation très théorique. Le programme avait d’ailleurs été conçu par des juristes, des psychiatres, des psychologues, des sociologues et ç’avait été un vrai défi intellectuel d’articuler ensemble des éléments aussi variés et des expériences issues de terrains différents. Nos étudiants venaient eux-mêmes avec des savoirs professionnels divers ; ça allait du formateur de prison au soignant auprès de personnes âgées. Notre point de départ, c’était que l’insertion sociale des individus pouvait être appréhendée davantage selon des causes socio-économiques que des facteurs personnels. Puis s’est ajoutée à cela une approche « aidante », selon laquelle il fallait encourager les personnes à exploiter les potentiels économiques et sociaux existants et qui a voulu transformer sur cette base les relations entre les organismes [d’aide sociale]. Le courant théorique lié aux sciences sociales et à la politique sociale s’est ensuite peu à peu érodé.
Pour quelles raisons ?
Pour plusieurs raisons. La première est que la loi sur l’aide sociale de 1993 a assorti le travail en institution sociale d’un diplôme de l’enseignement supérieur, si bien que même ceux qui travaillaient depuis longtemps ont dû s’inscrire à l’université. Le point positif, c’est que des gens biens ont pris part à la formation, mais tout le monde sait ce qu’est une formation par correspondance. Les gens venaient une fois par mois, souvent des gens qui avaient une famille, qui travaillaient, et ce n’était pas vraiment possible de les contraindre à avoir des lectures. Le travail social est ainsi devenu petit à petit une formation destinée à des gens de bonne volonté, voulant faire le bien autour d’eux.
Pourquoi parlez-vous de ces personnes en ces termes ? J’ai pourtant l’impression à vous entendre, que vous n’êtes pas très content de ce tournant…
On a perdu ce socle rationnel qui faisait que les travailleurs sociaux étaient curieux de manière plus large du contexte économique et social. Ils ne se demandent plus ce à quoi sert leur investissement, ne s’interrogent pas sur l’environnement, le modèle culturel ou sur les perspectives qui s’offrent à eux, ne se posent pas la question de savoir de quelle manière telle ou telle chose peut améliorer la vie des gens. Bien sûr je ne voudrais pas minimiser l’importance de discuter avec les personnes en situation difficile, de leur demander si elles vont bien, car au moins elles sont considérées comme des êtres humains. C’est d’une grande aide pour traverser des situations impossibles, mais ça n’est pas ça le métier pour lequel ils devraient être formés. A l’intérieur comme à l’extérieur de la profession, c’est cette image qui domine désormais au sujet des travailleurs sociaux, comme quoi il suffirait d’être un peu comme le petit chaperon rouge avec sa « mère-grand » : chaleureux, méticuleux, attentionné.
Le fait que cela cesse d’être une discipline intellectuelle a également contribué au manque de distance critique vis-à-vis des vraies formations scientifiques. Pendant ce temps-là, ce cursus s’est massifié et est devenu très scolaire, très éloigné de l’idéal émancipateur et critique (…).
Quel est l’impact pratique de ces changements dans le métier de travailleur social ?
Le fait que l’essentiel n’est plus de faire baisser les souffrances et les maux, mais de suivre bêtement et mécaniquement les règles administratives ou de satisfaire les divers indicateurs ; ce que les projets européens ont d’ailleurs renforcé. La plupart des lieux de travail sont devenus des espaces de contrôle, de gestion, de police, comme par exemple dans les collectivités ou dans les autres administrations telles la protection de l’enfance ou le soutien aux chômeurs. Ces tâches servent davantage l’État que les usagers ; l’on n’a pas envie d’aider le client mais l’État en poussant le client à raisonner en respectant les règles. Pendant ce temps-là on ne sait plus vraiment ce que signifie l’aide. On pourrait désormais décider de se passer de professionnels de la protection de l’enfance si on demande en quoi la vie des enfants qu’il a en charge s’est-elle améliorée. Pourtant, si on regarde à la marge de nos sociétés, du côté de l’aide aux sans-abri ou aux toxicomanes, une vraie aide leur est apportée en dépit des directives officielles.
Pourquoi précisément sur ce terrain ?
C’est une question difficile, mais je pense que c’est parce que ça n’intéresse personne, tant que ces gens ne soient plus dans la rue. Tant qu’ils restent invisibles, l’État semble tolérer qu’on fasse ce que l’on veut avec eux dans les centres d’hébergement. C’est pareil avec les toxicomanes : il ne faut pas qu’il y ait de bordel, il ne faut pas qu’on les voit, ni qu’ils perturbent l’ordre public ; on veut enfin le calme. Dans cette zone, il est encore possible d’apporter son aide.
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Si l’on s’éloigne de ces espaces interstitiels, trouve-t-on encore cette vocation de solidarité chez les travailleurs sociaux ?
Chez beaucoup, oui. En se montrant curieux et à l’écoute, ils peuvent vraiment changer la vie des gens. Y compris dans des situations où les marges de manoeuvre sont étroites, ils repoussent les murs. Il ne me viendrait pas à l’esprit de dire que leur travail ne sert plus à rien. Il y a beaucoup de bons travailleurs sociaux, même si je n’en connais pas le nombre car l’on n’a jamais pris la peine de le quantifier – et ça serait difficile de le faire. Officiellement, l’on attend désormais d’eux que le bénéficiaire se rende à sa formation, signe tous ses papiers. On ne se soucie pas de savoir s’il souffre moins, si sa vie s’est améliorée ; ça n’intéresse personne mis à personne les travailleurs sociaux ayant une bonne conscience professionnelle.
De nos jours, nous ne savons plus dire à un travailleur social à quel moment il peut se mettre lui-même une tape dans le dos, en se félicitant du travail accompli. Souvent on parle de burnout ou de fatigue psychique, mais ce sont des choses qui sont liées à la profession dans son ensemble. Le vrai problème à mon avis au sujet de la pauvreté durant ces huit dernières années, c’est que les gens ont perdu leurs droits et qu’on peut désormais librement les harceler. Des outils importants de l’aidant ont été élimés et c’est la sanction qui est devenue la norme. On coupe l’eau durant les périodes chaudes ou on menace les gens de prendre leur enfant si une tête dépasse.
« La seule vision qui existe réside dans le gilet jaune porté par les travailleurs exerçant une tâche d’intérêt général : il agit comme une menace qui n’est pas proférée envers les pauvres, mais envers la majorité : voilà ce qu’il peut t’arriver si tu te comportes mal. »
Le travail social est piégé là-dedans jusqu’au cou.
Oui, dans l’ensemble ce sont devenus des exécutants.
Ces dernières années, un certain nombre de problèmes liés à l’éducation des enfants ont montré que les gens craignaient les travailleurs sociaux au lieu de voir en eux une aide.
D’une certaine façon, le meurtre qui a eu lieu à Inárcs parle de la même chose. Il y a vingt ans, il était évident que les travailleurs sociaux aident l’usager, mais de nos jours, ils n’ont plus leur confiance ni plus vraiment celle de la majorité de la société. Le pouvoir politique et la façon dont on a désorienté le respect des règles de droit ont créé une situation telle, qu’à Inárcs un homme a pu penser que le travailleur social était son ennemi et qu’il devait le tuer.
Il s’agit quand même d’une situation extrême, et il est difficile de l’attribuer aux huit dernières années de gouvernement.
Bien sûr, les choses avaient déjà changé dans les années 1990. Mais tout ça est devenu bien plus dur et inhumain ces derniers temps. La question n’est désormais plus de savoir comment améliorer la vie des gens selon un raisonnement bête et méchant. Il n’y a plus de vision professionnelle à ce sujet. La seule vision qui existe réside dans le gilet jaune porté par les travailleurs exerçant une tâche d’intérêt général : il agit comme une menace qui n’est pas proférée envers les pauvres, mais envers la majorité : voilà ce qu’il peut t’arriver si tu te comportes mal.
Mais en quoi la situation était-elle différente il y a dix voire quinze ans ? Nous avons déjà discuté du fait que la formation dysfonctionne depuis plus longtemps que ça.
Ce que je pense, c’est qu’avant les travailleurs sociaux avaient davantage d’outils. Ils pouvaient réclamer pour les bénéficiaires des aides, des soins, recourir à des spécialistes, des psychologues, des addictologues, des psychiatres. Ils avaient des carnets d’adresses bien fournis, qu’ils pouvaient mobiliser en cas de besoin. Il était légitime et admis que le travailleur social était là pour aider les usagers, mais aussi mobiliser l’administration, le maire, les autres fonctionnaires.
En quoi est-ce lié à la politique du gouvernement envers les pauvres ? On pourrait penser que, précisément, les relations envers les personnes les plus vulnérables ne devraient pas trop être influencées par ça.
C’est une question difficile. Peut-être est-ce lié au fait que [les travailleurs sociaux] sont trop sollicités, ou bien au fait qu’avant il y avait une plus grande solidarité entre les différents métiers. Aujourd’hui c’est la menace qui prime. Il m’est revenu aux oreilles ce genre d’histoires comme quoi l’assistant social est allé s’asseoir avec les enseignants à l’école pour critiquer leur travail. Mais il n’avait pas pris en compte le fait que l’une des enseignantes était la femme du maire. Deux jours après, le maire a convoqué le responsable de l’assistant social et lui a dit : soit c’est toi que je vire, soit tu le vires.
Parce qu’avant, les maires n’abusaient pas de leur pouvoir ?
En tout cas ils reconnaissaient plus facilement les compétences. D’ailleurs ils ne prêtaient même pas attention à qui dit quoi, et ne sanctionnaient pas quelqu’un pour avoir exprimé une position professionnelle. Auparavant, on n’était pas confrontés à ces cas où le maire menace le directeur d’un foyer pour personnes âgées parce que celles-ci n’auraient pas assez bien voté lors des élections. Personne n’aurait imaginé ce genre de choses. Désormais elles ont bien lieu, voire elles structurent le travail des travailleurs sociaux.
Vous avez déjà eu vent de ces cas de figure ?
Oui à plusieurs reprises.
Vous avez dit que les travailleurs sociaux occupent désormais un rôle administratif et de maintien de l’ordre. Comment les étudiants se positionnent-ils par rapport à ça ?
Les cursus universitaires en carrières sociales se sont terriblement effondrés et beaucoup d’instituts de formation se sont créés. L’on n’y enseigne pas les différents pré-requis scientifiques de la profession, ni les compétences en matière d’évaluation d’une situation, ni l’ouverture d’esprit, la connaissance et l’attitude nécessaires à la recherche de solutions. C’est parfois dévastateur ce qui est fait dans les plus mauvais établissements. Ce n’est pas un hasard s’ils prennent peu d’étudiants dans certains endroits, où l’on peut avoir son diplôme avec un très bas niveau intellectuel. L’ouverture « par le bas » de ces cursus sociaux vers des personnes issues des classes moyennes basses ou populaires n’explique et ne justifie qu’en partie cette situation.
Pourquoi dites-vous « dévastateur » ?
Parce que dans de nombreux centres de formation, les enseignants sont vraiment très faibles, peu préparés professionnellement, et très peu exigeants envers les autres et envers eux-mêmes. Il y a deux choses avec lesquelles ils s’accommodent : d’une part, avec le fait qu’ils proposent un diplôme pour lequel il n’y a pas un endroit où l’on demande aussi peu d’investissement ; d’autre part, ils forment les étudiants à la vie pratique, ce qui signifie qu’ils ne font que leur enseigner la version actuelle du droit social, ce qui ne vaut pas grand chose car il change quatre fois par an. La créativité est absente, c’est pour ça qu’il s’agit de formations professionnalisantes très scolaires.
Donc tout ce dont nous parlons ici n’est même pas considéré comme un problème dans ces cursus ?
Non, pas du tout. Pire : il est assez surprenant de constater que pour régler les problèmes de formation, on n’y fait que répéter le mantra suivant : « il faut faire plus de pratique », au-lieu de discuter de l’interdépendance, de la critique de la pratique, de ses limites récurrentes, de son absence de résultat. Dans ces cas on se borne au fait « qu’il n’y a pas assez d’argent »;
Vous-même, vous évoquez ces sujets avec vos étudiants ?
S’ils me posent la question durant le cours, alors je dis mon avis, en leur précisant que je ne parle pas en tant qu’enseignant mais que je donne mon opinion personnelle. Si je ne le faisais pas, je mettrais en danger tout ma crédibilité d’enseignant. Mais je dois aussi ajouter que je n’ai pas l’habitude de condamner mes étudiants qui ne veulent pas exercer dans le domaine social à tout prix et qui pensent qu’ils s’épanouiront et progresseront davantage dans leurs carrières si leurs compétences et leurs capacités étaient beaucoup mieux exploitées dans d’autres domaines. Beaucoup de personnes changent de voie après avoir obtenu leur diplôme ou partent à l’étranger ; c’est un fait. Certains de nos anciens étudiants mènent des carrières fantastiques dans des centres d’appels ou dans le commerce.

Enfin, c’est un succès très relatif.
Pas dans le sens où, d’habitude, l’on embauche à ce genre de poste de direction marketing des personnes qui sont entrés à l’université avec un niveau plus élevé. Si l’on regarde les compétences, nous parvenons à apprendre à nos étudiants à lire des textes complexes, interpréter des statistiques, faire une présentation orale, trouver des terrains d’entente avec des gens différents et qu’on ne connait pas.
Oui mais ça n’est pas ça qui va améliorer le sort des pauvres.
Bien sûr, et moi aussi je serais plus heureux s’ils pouvaient utiliser leurs compétences sur le terrain social, en devenant des travailleurs sociaux avec un statut respecté. Ces changements d’orientation ne vont pas tout de suite améliorer le sort des pauvres, mais ces étudiants ont appris à être tolérants envers les imperfections et les faiblesses humaines. Si ce rapport aux choses trouve sa place dans un emploi mainstream, alors ça fera du bien à tout le monde.
Nous avons surtout évoqué les aidants qui évoluent dans la sphère publique, mais que pensez-vous de ceux qui travaillent dans des ONG ? Là-bas dans quelle mesure retrouve-t-on cet état d’esprit ?
Il y a beaucoup de sortes d’ONG. Il y a parmi elles certaines qui font un business cynique, d’autres qui relaient la propagande gouvernementale, et bien sûr il y a les organisations confessionnelles et les ONG internationales qui exercent souvent un rôle plus fondamental que l’État. Mais il ne faut pas trop généraliser car nous pourrions trouver des contre-exemples. Plus largement je dirais qu’une ONG, c’est avant tout une catégorie d’enregistrement administratif qui ne dit rien de son contenu professionnel ou moral, et qui fait cohabiter des réalités très différentes.
De ce point de vue, je trouve un peu abusif de donner trop de valeur aux ONG en général, sans tenir compte de leur autonomie morale et professionnelle. Il y a derrière cela un autre aspect qui est en partie de la responsabilité des médias. Auparavant, les ONG produisaient du capital social localement, gagnant la confiance et le soutien de la population. Elles se sont intégrées à la société locale, puis d’un coup de baguette magique elles se sont retrouvés sur la scène nationale. On en a fait des acteurs publics de premier plan, ce qui a nuit au travail de nombreuses associations de qualité.
Pourquoi ?
Je ne remets pas en cause leur détermination et leur envie de bien faire, mais ces organisations ne parviennent pas à concrétiser professionnellement ce qu’elles génèrent émotionnellement. Il s’agit de personnalités connues, reconnues, qui génèrent des « likes » sur Facebook, et on a parfois l’impression que ce sont elles qui peuvent donner des explications à toutes les questions qui touchent la société. Je ne vois pas très bien quels enseignements peut-on tirer de leur notoriété, de leur charisme et de leur bravoure. Si on prend Nóra L. Ritók[1]Pédagogue, fondatrice de la Fondation Igazgyöngy, active dans la lutte contre la pauvreté et la ségrégation., c’est une personne que je respecte, admire et aime beaucoup, et c’est pour ça que je lui envoie avec plaisir mes étudiants, parce que c’est fantastique ce qu’elle parvient à faire avec sa fondation. Mais je serais bien embêté de devoir analyser son activité professionnelle concrète, indépendamment de sa personnalité et qui pourrait être généralisable par d’autres en tant que retour d’expérience professionnelle. Je pense à des gens qui ne se sortent pas autant du lot, qui n’ont pas une personnalité aussi charismatique et courageuse que celle de Nóra.
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A votre avis, s’agit-il d’un problème récurrent dans d’autres ONG similaires ?
Oui c’est le cas dans beaucoup d’entre elles. Tout comme un professionnel de l’enfance aurait du mal à dire ce qui a amélioré le sort des familles, je ne suis pas convaincu que nous aurions des réponses plus plus convaincantes du côté de BAGázs[2]ONG spécialisée dans l’aide à la minorité rom de Hongrie, très active en province. ou de Indahouse[3]ONG qui gère des foyers d’urgence.. Les gens qui y travaillent sont de qualité et ce qu’ils font est magnifique ; là n’est pas la question.
C’est pour ça que je n’aimerais pas les embêter, au contraire : je leur lève mon chapeau et leur adresse tous mes respects. Mais pas forcément dans leur rôle de travailleurs sociaux, mais en tant que citoyens, qu’êtres humains. Une fois nous avons discuté avec Zsuzsa Ferge[4]Éminente sociologue hongroise, fondatrice de la politique sociale en Hongrie. de l’intérêt de manifester. Je lui ai alors évoqué le cas des marines américains pendant la Seconde guerre mondiale, qui avaient l’ordre de répliquer à l’attaque de leur navire par tous les moyens, avec des pistolets comme avec des lances-pierres. La situation est un peu celle-là : devoir répliquer à l’assaut d’un avion avec un lance-pierre.
Ça fait du bien, mais ça ne sert à rien ?
Si, ça sert à quelque chose ! A condition de ne pas lever les mains quand l’avion attaque, à condition de sauver notre autonomie au moins sur le plan intellectuel, à condition de faire librement ce en quoi nous sommes convaincus, ce que nous savons faire, en exprimant la responsabilité qui nous incombe vis-à-vis des autres au-delà de notre seule conscience personnelle. Faire tout ça n’est pas rien ; c’est même beaucoup.
Notes
↑1 | Pédagogue, fondatrice de la Fondation Igazgyöngy, active dans la lutte contre la pauvreté et la ségrégation. |
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↑2 | ONG spécialisée dans l’aide à la minorité rom de Hongrie, très active en province. |
↑3 | ONG qui gère des foyers d’urgence. |
↑4 | Éminente sociologue hongroise, fondatrice de la politique sociale en Hongrie. |