Un site d’information proche du pouvoir a dévoilé hier une liste de chercheurs coupables de travaux collant trop près à une « grille de lecture libérale du monde ».
L’offensive contre le monde de la recherche publique se poursuit en Hongrie. Après l’annonce la semaine dernière d’un plan de centralisation du réseau d’instituts de recherche actuellement sous la tutelle de l’Académie des sciences (MTA), le site d’information Figyelő a publié hier une liste noire de chercheurs coupables « de privilégier les recherches sur le genre et l’homosexualité » (sic). L’origine de l’attaque n’est pas anodine : le média est la propriété de Mária Schmidt, historienne officielle du Fidesz au pouvoir et proche conseillère du Premier ministre Viktor Orbán.
Selon Figyelő, si la centralisation de près de la moitié du budget de la MTA répond à une décision « avant tout d’ordre technique », le site d’information reconnaît qu’il s’agit également d’accorder « au gouvernement, et donc à travers lui à l’opinion publique, un meilleur droit de regard sur le travail des employés des instituts de recherche sous la tutelle de l’Académie ». Et de déplorer « après examen du travail de l’Institut en Sciences sociales » la prédominance de la « grille de lecture libérale du monde » dans le choix des thèmes de recherche. Explicitement visés : la situation des minorités sexuelles, les gender studies ou la question de l’accueil des réfugiés. Pour le média conservateur, les chercheurs seraient donc mieux inspirés d’aider, par exemple, le gouvernement à régler la crise démographique que traverse la Hongrie depuis les années 1980.
Un listage de plus en plus systématique des opposants
Répondant à la « liberté des chercheurs » par une « autre forme de subjectivité », Figyelő dresse la liste noire de ces salariés de l’Académie, « financés par les impôts », et dont les travaux privilégieraient trop les thématiques évoquées plus haut. Au menu, une dizaine de noms, parfois de renommée internationale, coupables de travailler entre autres sur les questions d’identité/altérité dans la construction sociale du genre, sur la place des pères dans l’éducation des enfants, le thème de l’homosexualité au sein de la minorité rom, la place des femmes dans les phénomènes d’exclusion sociale, etc.
Ce listage des chercheurs réputés coller trop près à une vision libérale du monde fait écho à la liste de « journalistes ennemis » publiée en septembre 2017 par le site pro-gouvernemental 888.hu. Le média détenu par un autre conseiller de Viktor Orbán – Árpád Habony – avait dressé l’annuaire de journalistes agissant comme des « propagandistes de George Soros » dans leur traitement de l’actualité hongroise. Le site Figyelő n’en est pas pour autant à son premier essai : il avait publié en avril dernier dans sa version papier la liste des « mercenaires » du milliardaire hongro-américain en dévoilant le nom de plusieurs dizaines de salariés de l’Université d’Europe centrale et de divers ONG et médias percevant des financements de George Soros.
Les journalistes hongrois condamnent le listage de « journalistes ennemis »