Viktor Orbán se refuse à prendre des mesures strictes pour combattre l’épidémie, préférant blâmer les Hongrois pour leur supposé manque de civisme et misant sur un hypothétique vaccin à la fin de l’année. Sa stratégie et son inaction suscitent de plus en plus d’inquiétudes.
La République tchèque a mis en place un confinement partiel très strict il y a une semaine. La Slovaquie songe à suivre la même voie, et ne repousse l’échéance qu’au prix d’une politique de dépistage extrêmement ambitieuse, visant à dépister l’entièreté de la population âgée de dix à soixante-cinq ans, soit pas moins de quatre millions de personnes. L’armée a été mobilisée pour y parvenir. En Pologne, le premier ministre Morawiecki a annoncé, depuis le stade national à Varsovie converti en hôpital de campagne, qu’un reconfinement était à l’étude à compter de la mi-novembre.
En Hongrie, rien de cela. Pour l’heure, la vie y est quasi normale, malgré la nette accélération de l’épidémie : seuls les bars et restaurants doivent fermer à 23 heures et le port du masque est obligatoire dans les transports et les commerces. Viktor Orbán veut à tout prix éviter une nouvelle mise à l’arrêt de l’économie qui pourrait être dévastatrice pour les petites entreprises et compromettre sa réélection au printemps 2022.
Ce vendredi matin dans son intervention hebdomadaire sur la radio publique, le premier ministre s’est félicité de ce que la Hongrie reste moins touchée que d’autres pays d’Europe de l’Ouest, et n’a pas annoncé de nouvelles restrictions. Il semble ignorer la situation critique dans laquelle se trouve la République tchèque, l’un des pays où l’épidémie progresse le plus rapidement.
La solution passe, selon les explications de Viktor Orbán, non par de nouvelles règles, mais par le respect des règles déjà en vigueur, notamment en ce qui concerne le port du masque. Pour cela, le montant des amendes sera nettement revu à la hausse. Il mise sur un vaccin dont les premières doses, a-t-il assuré, pourraient arriver dès la fin de l’année. Optimiste, Viktor Orbán compte même sur trois vaccins différents disponibles en Hongrie, dont un russe et un chinois.
L’inquiétude gagne ses partisans
L’inquiétude est palpable au sein de la population et grandit à mesure que les mauvaises nouvelles s’accumulent sur le front épidémique. Certes, le bilan des décès reste relativement favorable, par comparaison à de nombreux pays européens : environ 1 700 décès ont été recensés depuis le début de l’épidémie. Mais, signe que la seconde « vague » est plus sévère que la première, plus de personnes sont décédées depuis début octobre qu’entre mars et septembre.
« Je comprends qu’il faille préserver l’économie, mais cela ne peut plus durer. Partout où je vais, j’entends constamment la question de savoir quand nous allons enfin agir, et combien de personnes doivent encore mourir pour que quelque chose se passe enfin », a déclaré le représentant du Fidesz d’une grande ville de l’ouest de la Hongrie, sous couvert d’anonymat, au magazine économique HVG.
« Le pays tout entier regorge d’événements festifs, familiaux et gastronomiques pleins à craquer », ajoute-t-il. Il se dit particulièrement choqué par les images de ces milliers de supporteurs agglutinés sans masques faciaux dans le stade de football de Ferencváros. Samedi 24 octobre, seize mille supporters se sont en effet entassés dans un stade de vingt-quatre mille places pour assister au derby de football entre les deux clubs emblématiques de Budapest. Initialement, les autorités n’avaient même pas imposé le port du masque, avant de se raviser, mais bien des supporters n’ont de toute façon pas suivi la règle, rapporte 444.hu.

HVG rapporte également le témoignage d’un autre député du parti au pouvoir, selon qui le gouvernement semble avoir oublié l’ancienne génération, celle qui a le plus besoin de protection, plaidant pour des créneaux horaires réservés aux séniors dans les commerces, comme au printemps.
Pris entre le marteau (l’épidémie) et l’enclume (la vie économique), Viktor Orbán se trouve dans une position des plus inconfortables, avec des échéances électorales au printemps 2022. Entre la courbe de mortalité et celle du chômage, il semble avoir choisi.