L’heure des règlements de compte internes a sonné pour l’opposition hongroise

Suite à la débâcle de l’opposition le 8 avril dernier aux élections législatives, le parti écologiste LMP et la formation nationaliste Jobbik traversent une grave crise de turbulence.

Le 25 mai dernier, le député LMP Ákos Hadházy a fait l’objet d’une procédure disciplinaire l’excluant pour une durée de deux ans de toutes les instances décisionnaires du parti. On lui reproche d’avoir négocié avec les autres formations d’opposition des accords de désistement peu avant les élections législatives du 8 avril dernier. Ainsi, en dépit de la ligne de stricte autonomie décidée en décembre par le congrès du parti écologiste, six candidats LMP se sont retirés début avril en faveur de la gauche ou de l’extrême-droite pour battre le Fidesz. En retour, les socialistes n’ont pas présenté de candidat dans les circonscriptions où concourraient Ákos Hadházy et Bernadett Szél.

Les libertés prises par Ákos Hadházy avec la discipline interne ont permis à l’opposition de résister un peu mieux à la déferlante du Fidesz, notamment à Budapest. Dans les six circonscriptions lâchées par le LMP, cinq candidats de l’opposition ont pu être élus. Là où les socialistes se sont retirés en faveur du LMP, c’est en revanche la droite de Viktor Orbán qui s’est imposée.

« Il apparaît que je suis l’un des seuls à penser que la situation (politique) exceptionnelle nécessitait alors de faire alliance avec des forces politiques éloignées de notre vision du monde », a développé Ákos Hadházy dans un entretien accordé à l’hebdomadaire HVG vendredi dernier. Il a également déploré que « l’on cherche à punir ceux qui se sont mobilisés pour limiter la victoire du Fidesz » et a invité son parti à regarder en face sa part de responsabilité dans la défaite de l’opposition.

Les instances du LMP devraient également prendre des sanctions contre les six candidats évoqués plus haut. Ákos Hadházy a annoncé qu’il n’avait pas l’intention de quitter le parti, ce qui augure une longue période de débats houleux autour de l’épineuse question de la ligne « ni droite ni gauche » défendue par les proches d’András Schiffer, l’un des fondateurs du LMP en 2009. C’est déjà sur cette question qu’une partie de la formation écologiste avait fait dissidence en 2013 pour fonder le parti Párbeszéd.

Le Jobbik au bord de la scission

Du côté de l’extrême-droite, la récente tentative de László Toroczkai de créer un courant interne au Jobbik fait depuis jeudi l’objet d’une procédure disciplinaire. Le maire de Ásotthalom, candidat malheureux face à Tamás Sneider pour la présidence du parti, reproche à la direction de transformer le Jobbik en parti « libéral de gauche » et de se détourner ainsi de son électorat naturel.

« La liste du Jobbik a obtenu 20,5% en 2014 et seulement 19% aux dernières élections. Quelle que soit la façon dont je regarde les choses, il s’agit d’un recul, ce qui est une première dans l’histoire du parti. Et puis il y a une nouveauté de taille ! En 2014, notre base d’un millions de votants était très stable. Ce qui n’est plus le cas désormais. », a déclaré aujourd’hui  László Toroczkai à l’hebdomadaire pro-gouvernemental Magyar Idők.

Le leader de l’aile droite du Jobbik a également annoncé ne pas vouloir quitter le parti fondé en 2003 par plusieurs étudiants d’extrême-droite.. « On dit qu’il faut que l’aile radicale parte créer un nouveau parti, mais je pense que c’est à ceux qui veulent emmener le Jobbik vers une orientation libérale de gauche de fonder un nouveau mouvement, parce que le Jobbik est à l’origine le parti des vrais nationalistes », a-t-il enfin souligné.

Ludovic Lepeltier-Kutasi

Journaliste, correspondant à Budapest. Ancien directeur de publication et membre de la rédaction du Courrier d'Europe centrale (2016-2020) et ancien directeur de la collection "L'Europe excentrée" (2018-2020).

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