En Autriche, les écologistes au pouvoir avec les conservateurs, « en pionniers »

Le vert pour les écologistes, le turquoise pour les conservateurs. La coalition vert turquoise qui doit gouverner l’Autriche pour les cinq ans qui viennent a pris ses fonctions ce mardi.

Ce mardi, cent jours tout juste après les élections législatives anticipées qui se sont déroulées le 29 septembre 2019, la coalition gouvernementale formée par le parti conservateur ÖVP de Sebastian Kurz et le parti Vert de Werner Kogler est entrée en fonction. Les nouveaux ministres ont pris leurs quartiers dans leurs bureaux et se réuniront mercredi pour le premier Conseil des ministres.

Ces élections censées se dérouler en 2022 ont été anticipées à la suite de l’« affaire Ibiza » qui a emporté le parti d’extrême-droite FPÖ et provoqué la chute de la coalition gouvernementale. Au mois de mai, une vidéo tournée en 2017 a fait surface, montrant Heinz-Christian Strache, le patron du FPÖ, marchandant le soutien d’un oligarque russe. Le vice-chancelier autrichien et chef du parti d’extrême droite y exprime son admiration pour le modèle hongrois et notamment la mainmise de Viktor Orbán sur les médias de son pays. L’affaire a provoqué la démission de Heinz-Christian Strache.

Une coalition inédite

Les deux partis, Vert et conservateur, ont annoncé leur accord final pour une coalition au soir du 1er janvier. Leurs chefs, Werner Kogler et le chancelier Sebastian Kurz, ont été reçus le lendemain par le président fédéral Alexander Van der Bellen, lui-même la figure historique des Grünen, un parti qu’il avait conduit aux portes du pouvoir au cours des années 2000. Pour lui, il n’y aura pas de vert-turquoise qui tienne. « Je veux un gouvernement rouge-blanc-rouge », a-t-il intimé aux seize ministres qui ont défilé devant lui ce mardi, signifiant par là qu’il faudra savoir transcender les lignes partisanes.

La chose ne va pas de soi, étant donné la nature inédite de cette coalition, d’autant plus que les conservateurs s’étaient choisis l’extrême-droite pour partenaire de coalition dans le gouvernement Kurz I. Sebastian Kurz, en position de force avec 37,5 % des voix aux dernières législatives, entend-il réellement laisser plus qu’un strapontin aux Verts qui ont, eux, enregistré 13,8 % des suffrages en septembre ? Quant à ces derniers, les Verts, n’ont-ils pas fait trop de compromis pour accéder au pouvoir ?

Les écologistes ont en tout cas voté comme un seul homme pour entériner l’accord de coalition avec l’ÖVP (93 % d’approbation), samedi lors de leur congrès à Salzbourg. « Les Verts font un travail de pionniers », a estimé Werner Kogler. Parmi les quelques voix dissonantes, celle des jeunes Verts, représentés par Flora Lebloch, qui a estimé que « Sebastian Kurz est un homme de pouvoir autoritaire, […] nous travaillerons à le sortir de la politique ».

Frontières et climat

Avec neuf femmes pour sept hommes, l’exécutif est l’un des plus féminins d’Europe. L’ÖVP s’est attribué douze postes, contre cinq pour les écologistes. La synthèse tient dans ces formules choc du chancelier Sebastian Kurz : « concilier le meilleur des deux mondes » et « protéger le climat et les frontières ».

Ce gouvernement autrichien s’est fixé un ambitieux objectif en matière de politique énergétique et climatique : 100 % d’énergies renouvelables en 2030 et la neutralité carbone à l’horizon 2040, soit une décennie plus tôt que ne l’impose l’accord de l’Union européenne.

Voilà pour l’objectif, mais en ce qui concerne les moyens de l’atteindre, les écologistes ont mangé leur chapeau. En effet, la droite a refusé le projet de création d’une taxe sur les émissions de CO2, telle qu’elle existe dans d’autres pays de l’Union. Les Verts, qui auront un ministère dédié à l’écologie, doivent se consoler avec l’augmentation de la « taxe climat » sur les billets d’avion, déjà en vigueur. Le gouvernement s’est en revanche engagé à réduire la part de la voiture dans les déplacements quotidiens au profit des transports en commun et du vélo.

Les conservateurs ont dû aussi mettre un peu d’eau dans leur vin, en abandonnant la notion de « préférence nationale » par laquelle ils draguaient l’électorat du FPÖ. Mais ils pourront mettre en œuvre l’interdiction du voile à l’école, la construction de nouveaux centres de rétention pour les demandeurs d’asile, et un dispositif controversé de détention préventive destiné à lutter contre le terrorisme de nature islamiste. Le nouveau ministre de l’Intérieur, Karl Nehammer, entend rester fidèle à la « ligne cohérente en matière de migration et de sécurité » de l’ÖVP.

Pas sûr que l’attelage ne tienne la route pendant cinq années…

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