Élargissement de l’UE : le commissaire hongrois passera-t-il l’épreuve du Parlement européen ?

C’est un bras droit de Viktor Orbán, le juriste hongrois Lázsló Trócsányi, qui hérite du portefeuille de l’Élargissement et du voisinage dans la Commission Von der Leyen. Il devra veiller au respect de l’État de droit dans les pays candidats. Mais cette nomination suscite un tollé et pourrait bien être bloquée par le Parlement européen.

Cet article de Radio Slobodna Evropa a été été traduit et publié sur le site du Courrier des Balkans le12 septembre 2019.

Ursula von der Leyen a présenté mardi 10 septembre la composition de la nouvelle Commission européenne, dans laquelle le portefeuille de l’Élargissement a été attribué à Lázsló Trócsányi, proche collaborateur du Premier ministre hongrois Viktor Orbán. @Commission européenne

Ursula von der Leyen a présenté mardi 10 septembre la composition de la nouvelle Commission européenne, dans laquelle le portefeuille de l’Élargissement a été attribué à Lázsló Trócsányi, proche collaborateur du Premier ministre hongrois Viktor Orbán. Le nom de Lázsló Trócsányi, ancien ambassadeur et ministre de la Justice jusqu’en juin dernier, avait été proposé par le gouvernement hongrois : selon la règle, les pays membres désignent chacun leur candidat au poste de commissaire et c’est ensuite au président ou à la présidente de cette institution de confirmer leur nomination et de leur attribuer un portefeuille.

Cependant, Ursula von der Leyen et la nouvelle Commission doivent encore obtenir le feu vert du Parlement européen, qui confirme par un vote à la majorité des deux tiers la nomination de chaque commissaire. Or, le Parlement européen est en conflit ouvert avec le régime de Viktor Orbán à cause, selon la formule consacrée, de l’érosion des normes et valeurs démocratiques en Hongrie.

Tanja Fajon, eurodéputée sociale-démocrate slovène, a déjà confirmé qu’elle voterait contre Lázsló Trócsányi. « Le candidat hongrois Lázsló Trócsányi a été l’architecte d’un État non-libéral, il est l’ancien ministre de la Justice du gouvernement d’Orbán. Il a mené une lutte acharnée contre les ONG. Il est responsable du déclenchement de l’article 7, la procédure européenne utilisée contre les États membres ayant commis une infraction aux droits fondamentaux. Comment peut-on s’attendre à ce qu’il veille à la situation de l’État de droit dans les pays candidats, alors qu’il est personnellement responsable de la dégradation de la législation dans son propre pays ? »

Srđan Cvijić, du bureau bruxellois de la Fondation Open Society, doute que la nomination de Lázsló Trócsányi soit confirmée par le Parlement européen. « Il est très probable que le Parlement européen rejette la nomination de Lázsló Trócsányi à ce poste. Dans ce cas, soit il devra échanger son portefeuille avec un autre aspirant commissaire, soit Viktor Orbán devra désigner un autre candidat qui ne soit pas lié à la machinerie du Fidesz », estime-t-il. Selon lui, Viktor Orbán a proposé son ministre de la Justice « pour faire un affront à l’UE », sachant qu’il ne passerait pas l’épreuve du vote au Parlement.

« Si la Hongrie était candidate à l’adhésion aujourd’hui, elle ne remplirait sans doute pas les critères nécessaires en termes d’État de droit. »

Lotte Leicht, directrice du bureau UE de l’ONG Human Rights Watch, est du même avis : la candidature hongroise pour le poste de commissaire européen est « une insulte à l’UE et à son engagement en faveur des droits humains ». Et d’ajouter : « en tant que ministre de la Justice, Lázsló Trócsányi a été un architecte crucial des infractions aux droits de l’Homme, à l’État de droit et aux institutions démocratiques en Hongrie. » Lotte Leicht rappelle que ces infractions ont finalement poussé le Parlement européen à lancer en septembre 2018 contre la Hongrie la procédure prévue à l’article 7, pour violation des normes européennes sur l’État de droit. « Si la Hongrie était candidate à l’adhésion aujourd’hui, à mon avis, elle ne remplirait sans doute pas les critères nécessaires en termes de droits de l’Homme et d’État de droit », ajoute Lotte Leicht.

La nomination de Lázsló Trócsányi a suscité la réaction indignée de nombreux experts sur les réseaux sociaux. Florian Bieber, spécialiste des Balkans à l’Université de Graz, a ainsi lancé sur Twitter que « Lázsló Trócsányi, en tant que participant au démantèlement de l’État de droit dans la Hongrie d’Orbán, ne devrait pas siéger à la Commission avec la charge de l’Élargissement. Il n’a aucune crédibilité pour les eurosceptiques et pour le programme en matière d’État de droit dans les Balkans occidentaux. »

Le commissaire européen à l’Élargissement a pour mission de surveiller le respect de tous les critères par les pays souhaitant rejoindre le club européen. Tous les pays des Balkans occidentaux sont candidats, la Serbie et le Monténégro étant les plus avancés dans le processus des négociations d’adhésion. Dans ce processus, une attention tout particulière est accordée aux chapitres 23 et 24, qui portent sur l’État de droit.

La lettre d’Ursula von der Leyen à Lázsló Trócsányi, dans laquelle elle l’informe de sa nomination à l’Élargissement, se concentre principalement sur le fait que le futur commissaire devra superviser et encourager la lutte contre la corruption et le crime organisé dans tous les pays de la région. Cependant, lors de la conférence de presse au cours de laquelle elle a présenté son collège de commissaires, elle a refusé de répondre à la question d’un journaliste sur la crédibilité de l’ancien ministre de la Justice hongrois pour promouvoir l’État de droit dans les Balkans occidentaux.

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Courrier des Balkans

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