Le président polonais Andrzej Duda a annoncé jeudi dernier sa volonté d’organiser un référendum l’année prochaine portant sur la modification de la constitution de la République de Pologne. Il estime que ce document adopté en 1997 est « dysfonctionnel et suranné » et souhaite demander l’avis des citoyens à l’occasion de « l’année du centenaire de l’indépendance ».
Le président n’a pas encore précisé quels changements il souhaite voir effectuer dans la constitution de la République, constatant seulement que le rôle de l’office de la présidence n’est pas suffisamment défini dans ce document, notamment la question de son commandement suprême des Forces armées. Il semblerait que l’idée de modifier la constitution par référendum ait germé à l’esprit du Président à la suite d’un conflit avec le ministre de la Défense nationale, Antoni Macierewicz.
L’annonce inattendue du Président a d’abord suscité l’étonnement, tant dans l’opposition que dans les rangs de la majorité et au sein du gouvernement. Le parti Droit et Justice (PiS) a rapidement pris ses distances, avant de rappeler que le chef du parti, Jarosław Kaczyński, « a plusieurs fois indiqué le besoin de modifier la constitution considérée comme le fruit de l’époque postcommuniste ».
Des juristes et des constitutionnalistes se montrent inquiets par cette proposition d’Andrzej Duda. Le professeur Ryszard Piotrowski a par exemple affirmé qu’il n’y a pas pour l’heure besoin de changer la constitution, mais bel et bien de la respecter, ce qui n’est pas le cas actuellement selon lui. Les milieux juridiques pointent aussi le fait que seule la voie parlementaire permet de modifier la constitution, le référendum ne pouvant qu’avoir un caractère de sondage.
« Une bonne occasion pour les Polonais de mettre un coquard à Droit et Justice »
L’opinion publique semble rejoindre majoritairement celle du professeur Piotrowski. Un sondage réalisé par Centre de recherche sur l’opinion publique (Fundacja Centrum Badania Opinii Społecznej, CBOS) indique que 60% d’interrogés estiment que la constitution n’est pas respectée à l’heure actuelle par le président et le gouvernement du Droit et Justice, tandis que 28% ne voient aucune atteinte à la constitution de la part des autorités. Les citoyens accusent le gouvernement de détricoter les structures juridiques du pays (avant tout le Tribunal Constitutionnel), du non-respect des libertés fondamentales et d’atteintes à la liberté d’expression et de conscience.
Il apparaît également que la majorité des Polonais soit attachée à la constitution : 65% constatent que la constitution ne devrait pas être modifiée, même en cas de problème majeur pour la société, contre 20%. 65% estiment également que la constitution possède un véritable impact sur leur existence.
L’avis de la société sur la constitution est polarisé. Ses défenseurs sont avant tout de jeunes (76%), de gauche (76%), de grandes villes (82%) et avec une formation supérieure (78%). Ses détracteurs sont principalement des personnes d’un certain âge attachées à la droite, habitant dans de petites villes et à la campagne, avec une formation secondaire tout au plus. Mais là encore, seulement la moitié de personnes de droite constate que la constitution est aujourd’hui tout à fait respectée.
Au jour des sondages, il semble que les Polonais soient plutôt hostiles à l’idée de modifier la constitution : seulement 30% sont d’avis que la constitution devrait être modifiée, contre 37% en 2008 et 45% en 2004. Le nombre de défenseurs de la constitution a augmenté de 16 points de pourcentage à partir du 2004.
Dans ce contexte, il paraît peu probable que la société soit favorable au changement lors d’un éventuel référendum l’année prochaine. Le député Michał Kamiński (Démocrates européens) déconseille au parti au pouvoir de recourir à l’avis des citoyens et estime que l’appel à l’opinion publique pourrait constituer « une bonne occasion pour les Polonais de mettre un coquard à Droit et Justice ».