Élu mercredi lors du congrès du Parti Populaire Européen (PPE) à Zagreb, le polonais Donald Tusk s’en est pris violemment au grand absent de l’évènement, le hongrois Viktor Orbán, opposant « la vérité et la décence » aux « fausses nouvelles, aux manipulations et à la haine ».
À entendre l’ancien Premier ministre polonais et président sortant du Conseil européen Donald Tusk dans son discours d’investiture, il apparaît nettement que Viktor Orbán n’obtiendra pas de lui la mansuétude de son prédécesseur, le français Joseph Daul. Le nouveau président du PPE semble décider à en finir avec le Fidesz et à aboutir à son exclusion pure et simple de la droite européenne.
Suspendue du PPE depuis le printemps 2019, la formation hongroise n’avait d’ailleurs pas voix au chapitre lors de ce Congrès et ses membres n’ont pas fait le déplacement jusqu’à Zagreb, certains de l’accueil que leur réservait Donald Tusk. Il n’y avait en effet pas le moindre doute sur le plébiscite et l’élection du seul candidat, décrochée avec 93 % des voix des délégués du parti (491 oui, 37 non et 12 votes nuls).
Donald Tusk a axé son discours sur la lutte contre les « populistes », selon lui les réels adversaires du PPE, qu’il souhaite résolument placer au centre-droit de l’échiquier. C’est donc le chef du Fidesz et du gouvernement hongrois qu’il a ciblé à plusieurs reprises, mais sans le nommer directement :
« Nous ne pouvons en aucun cas céder la sphère de la sécurité et de l’ordre aux populistes, aux manipulateurs et aux autocrates, qui font croire aux gens que la liberté ne peut pas être conciliée avec la sécurité, que la protection de nos frontières et de notre territoire ne peut pas être conciliée avec la démocratie libérale et l’État de droit ».
Dans le passage qui suit, Donald Tusk semble appeler à exclure au plus vite le Fidesz. Le PPE a par ailleurs fait savoir que le sort de ses membres hongrois serait scellé au début de l’année prochaine, au mois de janvier ou de février :
« C’est le cœur de notre débat interne au sein du parti populaire européen. J’aimerais que nous l’achevions au plus vite par une conclusion sans appel. Nous ne sacrifierons pas des valeurs telles que les libertés civiques, la primauté du droit et la décence dans la vie publique sur l’autel de l’ordre et la sécurité […]. Quiconque est incapable de l’accepter se place de facto en dehors de notre famille ».
Donald Tusk a ensuite loué la politique de la chancelière allemande, Angela Merkel, lors de la crise migratoire en 2015-16, pour viser encore plus explicitement le dirigeant hongrois, sans prononcer son nom :
« Je me souviens que certains ont travaillé très dur, pendant des jours et des semaines, pour contenir la vague d’immigrants clandestins en provenance de Turquie, négociant pendant des heures, des centaines d’heures, notre accord avec Ankara, grâce auquel, l’afflux d’immigrants a diminué de plus de 90 %. Je n’ai besoin de rappeler à personne ici le grand rôle qu’Angela [Merkel] a joué. Pendant ce temps, quelqu’un d’autre a pris le beau rôle. Quelqu’un qui a également travaillé très dur, mais uniquement sur son récit et sa posture personnelle, en dressant une clôture et des posters de propagande contre la migration ».
Et de conclure :
« Nous devons mettre un terme à cela. Dans un combat politique, la vérité et la décence ne peuvent être complètement impuissantes contre les fausses nouvelles, les manipulations et la haine ».
En Hongrie, l’ensemble des partis d’opposition appellent de longue date le PPE à exclure le Fidesz de ses rangs. Le débat agite aussi le PPE et Donald Tusk s’est montré le plus féroce détracteur de Viktor Orbán. Lors du congrès du Parti populaire, l’année dernière à la même date, il avait tranché avec la ligne droitière du parti, incarnée par le français Laurent Wauquiez, en lançant une longue diatribe à l’endroit du dirigeant hongrois : « vous n’êtes pas un chrétien-démocrate ! ».
Toutefois, la seule volonté de son chef ne suffit pas au PPE pour exclure l’un de ses membres. Ceux-ci doivent l’approuver par un vote à la majorité de 50 %. Or les instances dirigeantes avaient renoncé, le 20 mars 2019, à un vote portant sur l’exclusion du Fidesz, au profit d’un vote sur sa suspension, car il était apparent que la majorité ne serait pas réunie.