En Hongrie, les pauvres se chauffent aux forints!

NDLR : Il n’y a pas que les forints qui sont recyclés, il y a également les sujets d’actualité. Pour couvrir avec originalité la vague de froid qui frappe l’Europe, certains grands sites d’informations n’hésitent pas à utiliser de vieilles images comme si de rien n’était. C’est donc l’occasion de sortir de nos archives cet article sur ce sujet insolite, publié le 8 novembre dernier :

A l’approche de l’hiver, souvent rude en Europe centrale, la Banque centrale de Hongrie (Magyar Nemzeti Bank – MNB) redistribue les billets retirés de la circulation sous une forme originale : des briques servant à chauffer les foyers les plus déshérités. Avec ses forints recyclés pour le chauffage, l’institution prend à contre-pied le gouvernement hongrois qui, de son côté, continue de faire la chasse aux pauvres et aux marginaux. Parallèlement, la monnaie hongroise encore en circulation tend à se rapprocher de sa version combustible du point de vue de sa valeur, puisqu’elle serait en passe d’atteindre prochainement son record de faiblesse.

La Banque centrale s’occupe de chauffer les pauvres…

Selon le service de presse de la Banque centrale, 40 à 50 tonnes de billets quittent la circulation chaque année. En 2009, la quantité au rebut était beaucoup plus importante car tous les billets de 200 forints avaient été remplacés par des pièces. Le remplacement avait eu lieu en juin 2009, quelques mois après le début de la crise financière qui avait frappé le pays dès octobre 2008, et quelques semaines après la plus forte dévaluation du forint (317 forints pour 1 euro en mars 2009). La grande quantité de billets de 200 forints récoltés a alors donné une idée à la Banque centrale hongroise : en faire des briques de chauffage à distribuer aux premières victimes de la crise.

Depuis quatre ans, les billets inutilisables sont déchiquetés puis concassés pour constituer des blocs compacts, bons à mettre au poële, comme des briquettes de lignite. La MNB distribue ensuite les briques à ceux qui en ont le plus besoin, via des appels d’offre lancés aux organisations caritatives.

… n’en déplaise au gouvernement

Cette pratique originale est d’autant plus cocasse lorsqu’on connaît les bisbilles chroniques entre l’institution financière et le gouvernement. Depuis plus d’un an ce dernier s’agace régulièrement des décisions de la Banque centrale et des déclarations de son gouverneur, Andras Simor.

On parle beaucoup de la politique « anti-pauvres » menée par le gouvernement actuel en Hongrie, notamment à travers les nombreux décrets pris récemment contre les sans-abris, à Budapest comme ailleurs (interdiction de squatter l’espace public et de glaner dans les poubelles, entre autres). Encore plus grave mais moins médiatisée, l’interdiction de ramasser du bois mort est entrée en vigueur à l’hiver dernier, mettant ainsi les populations rurales dans une situation de plus en plus intenable compte tenu du prix du gaz en Hongrie.

« Le forint a une bonne valeur de chauffage »

Pour argumenter sa démarche philanthropique envers les miséreux, la MNB fait valoir que « le forint a une bonne valeur de chauffage, similaire à celle du charbon ». Lorsqu’on observe l’évolution actuelle de la valeur monétaire des forints en circulation, la chose peut prêter à rire.

Depuis la rentrée de septembre dernier, la valeur du forint n’a cessé de baisser, passant progressivement de 270 à 307 forints pour 1 euro. Fin octobre, la MNB fixait encore son taux directeur à 6.0% pour le neuvième mois d’affilée. Même avec une hausse des taux d’intérêt prochaine – ce qui est prévisible afin de freiner la dégringolade du forint – les experts (ceux de la banque locale OTP en premier lieu) pensent que la monnaie nationale atteindra bientôt le taux historiquement faible de 1 euro pour 320 forints.

François Gaillard

Crédit photo : MTI

NDLR : Sujet recyclé les 8 et 9 février 2012 sur RTL.be et AFP

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7 Comments
  1. Pour ceux qui ne l’ont pas lue dans l’un de ses essais, voici l’analyse que faisait Pierre Waline de l’économie en Hongrie.Pertinente et bien ciblée. Lisez la donc attentivement.

    Dans les années 2004-2006, les Hongrois empruntèrent en masse sur la base du franc suisse, le taux d’intérêt étant alors moitié moins élevé que pour les emprunts basés sur le forint (12%). Ils sont aujourd’hui un million à continuer à rembourser (ou plutôt à „devoir” rembourser, car beaucoup n’y arrivent plus). Le hic est qu’entre temps, la valeur du franc suisse est passée de 140 à 240 forints et celle de l’euro d’environ 240 à 290 forints. De sorte que le montant des remboursements mensuels a pratiquement doublé…

    Un véritable drame. Pour y remédier, le gouvernement vient de faire voter une mesure assez surprenante: assurer un taux préférentiel (180 forints pour 1 CHF et 250 forints pour 1 €) aux personnes qui s’engageront avant le 31 décembre 2011 à rembourser d’un coup l’intégralité de leur emprunt dans les deux mois.

    Or, qui pourra le faire? Certainement pas la majorité déjà endettée jusqu’au cou qui, bien évidemment – et pour cause ! – ne dispose d’aucune épargne. A moins d’emprunter à nouveau la somme en forints ou de vendre le bien immobilier pour lequel elle avait souscrit l’emprunt. Une mesure qui favorise donc les emprunteurs „riches” ou relativement aisés disposant des liquidités nécessaires (estimés à à peine 15% du total).

    Car, si la grande majorité des emprunteurs (qu’on estime à 850 000 sur 1 million) l’a fait faute de disposer des fonds nécessaires pour leur achat, une autre partie (env. 150 000) a souscrit l’emprunt, bien que disposant de ressources, dans le seul but de profiter d’un taux particulièrement avantageux – sans se douter que la devise helvétique monterait un jour en flèche. Parmi eux plusieurs membres de l’actuel gouvernement et 70% des députés de la majorité (Fidesz)…

    Lorsque l’opposition a déposé un amendement pour que soient exclus de cette offre les membres du Parlement et du gouvernement, la majorité l’a aussitôt repoussé.

    De plus, le gouvernement a décidé unilatéralement, sans les consulter, que les frais (perte sur le change: environ 60 forints par franc suisse remboursé) seront à la charge des banques (en grande majorité étrangères). Le montant global porte sur des sommes astronomiques. Outre le fait qu’il s’agit là d’une ingérence de l’Etat dans des contrats de droit privé, les conséquences d’une telle mesure risquent de s’avérer catastrophiques: réduction de leurs activités en Hongrie et rapatriement des fonds par les banques, poursuite de la chute du forint et nouvelle hausse de franc suisse…

    La grande majorité qui ne pourra rembourser ses emprunts se verra alors enfoncée davantage dans la spirale du renchérissement de sa dette. Bref, une perspective peu réjouissante.

    Cher Jean Pierre j’espère en toute amitié que vous ne me porterez pas procès de prendre en exemple cette analyse qui pour beaucoup est des plus explicites!
    Zsák

  2. En voilà une idée, qu’elle est bonne. Il faudrait en faire autant avec l’euro.

    En attendant, les gestionnaires de nos forêts domaniales, les forêts françaises, feraient bien de couper le bois mort de nos forêts, pour qu’il soit plus facilement transportable dans les coffres de nos voitures.

    Se chauffer « gratuitement », et faire baisser les prix des combustibles fossiles, le rêve !!!

    Bon, si j’ai bien compris, ce n’est pas en Hongrie que les producteurs de poëles à bois vont faire des affaires.

  3. Tu as bien compris Nudi,
    Mais pas seulement parce que les billets de banque sont compactés en briquette, c’est aussi parce que la forêt en Hongrie est à peine gérée dans le temps et dans l’espace.Le prix du bois de chauffage s’aligne donc sur le prix d’autres énergies.
    Si chez nous le prix du stère de bois avoisine les 70 € , là le prix officiel est le même.
    Bien sûr les autochtones se débrouillent autrement pour alimenté la cheminée.
    Mais sachant que dans le prix du bois de chauffage le coût de la main d’œuvre et du transport interviennent pour moitié, des questions s’imposent,néanmoins.
    Zsák.

  4. Ah bon ? Pas gérées, les forêts en Hongrie ?

    En voilà des emplois à créer et des économies de devises à réaliser.

    Pour la France, il y a des forêts près de Paris. Les « voisins » n’ont que quelques kilomètres à faire pour remplir leurs coffres. Mais, faut dire qu’en France, le chauffage au bois est revenu à la mode. Les hongrois sont-ils encore trop riches pour s’y intéresser à nouveau ?

  5. Dire que les forets hongroises ne sont pas gérées, c’est simpliste. Il y a des experts qui s’en occupe, meme si ce n’est pas facile a cause des raisons financieres, comme c’est évidemment le probleme de tous les secteurs et pas seulement en Hongrie. Le probleme du bois, c’est qu’il est volé, des forets entieres sont disparues au cours des années dernieres due a la pauvreté mais aussi a la criminalité. Naturellement, la question surmonte la question du bois mort, car des arbres bien vivants sont régulierement coupés sans permission dans nos forets.

  6. En France, l’ONF (Office National des Forêts) a ses comptes en équilibre. Elle ne rapporte pas d’argent à l’Etat, mais ne lui coûte rien non plus.

    En Hongrie, il y a sûrement une industrie du bois à développer. Et pour les vols, un petit effort des gestionnaires des forêts, pour découper et rassembler aux bords des routes, ces bûches de bois mort ou pas. La nation hongroise y gagnerait en diminuant sa facture des produits énergétiques importés.
    Il y a des moments où il faut un geste au départ.

  7. Tout ceci sent un peu le réchauffer…
    Depuis 2 ans sur la route 84, des peupliers ont étés plantés en lignes impressionnantes dans les zones inondables et certains comprennent que l’acacia peut être en certains endroits remplacés par des essences moins nobles mais plus productives.
    Zs.

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