La découverte de documents dérobés aux services de sécurité de la République populaire de Pologne chez un ancien officier des renseignements interroge : des archives compromettantes sont-elles encore dans la nature ?
Plus de 100 documents des services de sécurité de la République populaire de Pologne ont été retrouvés. Ces dossiers du Służba Bezpieczeństwa (SB, « Service de sécurité ») avaient disparu après la chute du rideau de fer. Ils étaient en possession d’un ancien officier des renseignements qui les avaient dérobés.
Les documents retrouvés par les autorités polonaises comportent des dossiers personnels d’agents de l’État polonais qui opéraient à l’étranger, ainsi que d’autres archives relatives à la période de loi martiale en Pologne (1981-1983). Ces archives peuvent contenir des informations importantes, pour la justice comme pour les historiens, affirme le procureur.
D’après Andrzej Pozorski, chef de la commission « chargée de poursuivre les crimes contre la nation polonaise » à l’Institut du souvenir national (IPN) et procureur général adjoint, il est peu probable qu’un officier se soit donné autant de mal pour voler et cacher des documents sans valeur.
Alors que le régime communiste s’effondrait en Pologne, des agents du Service de sécurité ont dérobé des documents et les ont illégalement conservés jusqu’à aujourd’hui.
L’IPN, chargé de renseigner et de poursuivre les crimes communistes, a coordonné l’opération de recouvrement de ces documents, en coopération avec l’Agence de sécurité intérieure (ABW), le service de contre-espionnage polonais. Ils ont ainsi pu récupérer des documents la période 1979-90, dont certains portent la mention « top secret ». Ces fragments d’archive étaient dissimulés dans des appartements de l’ancien officier ainsi qu’au domicile de certains de ses proches.
Cet ancien officier travaillait pour les services de renseignement avant et après la chute du communisme et y avait atteint un poste haut placé. Il risque désormais jusqu’à huit ans de prison, s’il est reconnu coupable de possession de documents, qui selon la loi devraient être transférés à l’IPN. « L’affaire confirme qu’au tournant des années 1990, alors que le régime communiste s’effondrait en Pologne, des agents du Service de sécurité (SB) ont dérobé des documents et les ont illégalement conservés jusqu’à aujourd’hui », ajoute Pozorski.
Cette découverte confirme que de nombreux membres de l’appareil sécuritaire communistes sont passés entre les gouttes de la politique de lustration.
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Cette découverte confirme que de nombreux membres de l’appareil sécuritaire communistes sont passés entre les gouttes de la politique de lustration. Ces dissimulations permettaient aux anciens membres du SB de maquiller leurs activités pendant la période communiste et de poursuivre ainsi leur carrière après la chute du régime. Ainsi, en 2016, à la suite du décès du général Czesław Kiszczak, ministre de l’Intérieur de 1981 à 1990, l’IPN a saisi des centaines de pages de documents à son domicile après que sa veuve ait tenté de les vendre. Il est par ailleurs possible que, dans d’autres cas, ces documents dérobés et dissimulés le soient pour servir un futur chantage à l’encontre de personnes encore en activité dans le monde politique ou dans l’appareil d’État.
Les autorités polonaises traquent également toute forme de marchandisation de documents d’archives. Ainsi, l’Institut de la mémoire nationale, veille au bon transfert aux archives de l’Institut des documents datant de la Seconde Guerre mondiale. Récemment, les procureurs de l’IPN, ainsi que la police, ont saisi ainsi près de 300 documents datant de 1939-1944, produits par les autorités d’occupation allemandes à Łódź. Les détenteurs de ces archives ont essayé de vendre ces documents sur internet pour plusieurs dizaines de milliers de Zlotys.