Des artistes hongrois se mobilisent contre la persécution des sans-abri

Quatre-vingts artistes se sont mobilisés, dimanche après-midi devant le parlement à Budapest, contre une loi qui vise à débarrasser l’espace public des sans-abri en Hongrie.

György Dragomán : « Si les misérables n’ont pas de dignité et de liberté, ceux qui les en privent non plus. » / Ferenc Szijj : « Ces personnes qui vivent dans la rue et dans les passages souterrains sont nos sans-abri » / Krisztián Peer : « Celui qui a froid, meurt. » Photo : Le Courrier d’Europe centrale.

Au total, 83 écrivains et artistes hongrois ont fait entendre leur voix sur la place Kossuth, à leur manière, en inscrivant des messages sur des feuilles A4.  Ils ont répondu à l’appel de Márta Erdőhegyi, militante de La Ville pour tous (A város mindenkié), elle-même ancienne sans-abri. « Ceux qui voyagent en hélicoptère et en jet privé n’empruntent pas les passages souterrains », a-t-elle lancé au cours du seul discours de cette manifestation, visant le train de vie du gouvernement Fidesz et de son chef Viktor Orbán.

La loi fondamentale stipule désormais qu’il est « interdit de faire de l’espace public un habitat », en vertu d’un amendement à la Constitution approuvé par le Parlement hongrois le 20 juillet et entré en vigueur ce lundi 15 octobre. Il vient durcir une loi de 2013 qui faisait déjà du sans-abrisme un délit passible d’une amende. Concrètement, les personnes vivant dans la rue qui refuseraient sur injonction de la police de rejoindre un foyer seront passibles de prison.

Dessin : Pápai Gábor / caricaturiste pour le journal Népszava.
Une loi qui « sert la dignité humaine » selon le gouvernement

Mais on ne peut pas dire que cette loi qui interdit de facto aux sans-domiciles fixes de vivre dans la rue a mobilisé la société. Au contraire, seul un petit millier de personnes est venu dimanche pour protester aux côtés de ces artistes, dans un contexte de démobilisation totale de la société civile après la troisième victoire du Fidesz en avril.

L’association pour le droit au logement La Ville pour tous estime pourtant qu’après une série de lois qui permettent leur « persécution officielle », « il s’agit de l’action la plus indécente que ce gouvernement ait jamais commise contre les personnes sans-abri ». Quel est le but du gouvernement, venir en aide aux sans-abri ? Non, répond l’association, selon qui il s’agit de « nettoyer les rues de sorte que personne ne soit confronté aux conséquences d’un système social inégalitaire ». Celle-ci prévient : « il n’y aura pas moins de sans-abri, ils seront juste moins visibles ».

Cette nouvelle loi « sert les intérêts de la société dans son ensemble », a soutenu jeudi Attila Fülöp, le secrétaire d’Etat aux affaires sociales et à l’inclusion. « Elle vise à garantir que les sans-abri ne soient pas dans la rue la nuit et que les citoyens puissent utiliser l’espace public sans entrave ». Il y a, selon Attila Fülöp, suffisamment de places dans les institutions qui fournissent des soins aux sans-abri – 19 000 places au total – et l’Etat dépensera 9,1 milliards de forint (28 millions d’euros) pour aider les personnes dans le besoin cette année.

A Budapest, les sans-abri sans solution

Corentin Léotard

Rédacteur en chef du Courrier d'Europe centrale

Journaliste, correspondant basé à Budapest pour plusieurs journaux francophones (La Libre Belgique, Ouest France, Mediapart).

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