Dans les villages de Hongrie, le programme de travaux publics rapporte des centaines de milliers de voix au Fidesz

En Hongrie, plus il y a de personnes incorporées dans le travail d’intérêt général dans une commune, plus l’on vote pour le Fidesz, selon la récente étude d’un économiste.

On compte à l’heure actuelle près de 84 000 « közmunkások » en Hongrie. Ce sont des chômeurs qui ont été incorporés dans un système de travail d’intérêt général, par choix ou sous la menace de perdre toute allocation. La plupart vivent dans des petites communes où les possibilités d’emplois sont rares sinon inexistantes, et sont donc très dépendants de l’aide sociale et de ces menus emplois sous-payés.

Les « közmunkások » qui n’ont pas de qualification perçoivent 85 000 HUF brut soit 56 525 forints net par mois, soit environ 150 euros pour un travail à temps plein de 40 heures hebdomadaires, tandis que ceux qui ont une qualification perçoivent une rémunération nette de 73 692 forints soit 200 euros. Ils font essentiellement de l’entretien de la voirie et des bâtiments publics.  

Balázs Reizer, chercheur au Centre de recherche en sciences économiques et régionales (KRTK) du réseau de recherche Eötvös Loránd, a examiné la relation entre ce programme de travail et le soutien au Fidesz. Le chercheur a croisé les résultats des élections législatives et locales avec les statistiques du programme.

Il en ressort – sans surprise – que les habitants des communes les mieux dotées par le közmunka votent plus pour le Fidesz que les autres, que ce soit aux élections législatives ou aux municipales. La relation est double : les communes où le Fidesz a obtenu de bons résultats aux élections nationales ou locales sont ensuite dotées d’un plus grand nombre de ces emplois.

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Si plus de gens votent pour le Fidesz là où la proportion de travailleurs publics est plus élevée, « ce n’est parce que le programme de travaux publics est si bon pour eux, mais parce qu’ils ont peur de perdre ce gagne-pain », écrit Telex, qui a rapporté l’étude. Le « közmunka » s’apparente à un système clientéliste « presque féodal », ajoute le média, dans lequel l’État choisit à sa guise la dotation des municipalités en employés qu’il rémunère lui-même, puis le maire choisit arbitrairement les bénéficiaires de ces emplois. 

Dans les petites agglomérations où il n’y a pas d’autres opportunités d’emploi, ces travailleurs publics sont exposés à la volonté du maire et ce dernier peut être récompensé ou puni en augmentant ou en diminuant le nombre de places de travaux publics en fonction des résultats des élections.

Dans quelle mesure les travaux publics peuvent-ils influencer le résultat d’une élection ?

Selon les données du Bureau des statistiques, près de 84 000 personnes étaient incorporées dans ce programme au mois de juillet. Mais elles étaient plus de 200 000 en 2014 et encore près de 190 000 en 2017.

Balázs Reizer affirme que ces travaux publics ont apporté 5 à 6 sièges de députés au Fidesz lors des élections législatives de 2014, lors desquelles il avait obtenu 133 des 199 sièges de l’Assemblée. Cela signifie que, sans ce programme, le parti de Viktor Orbán n’aurait pas décroché sa majorité constitutionnelle des deux-tiers qui lui permet de gouverner les mains libres.

Corentin Léotard

Rédacteur en chef du Courrier d'Europe centrale

Journaliste, correspondant basé à Budapest pour plusieurs journaux francophones (La Libre Belgique, Ouest France, Mediapart).

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