Alors que le film Csak a szél de Bence Fliegauf sort en France, le procès des auteurs présumés des attentats anti-roms arrive à son terme à Budapest. L’occasion de revenir sur cette vague de violences racistes qui a coûté la vie à six personnes en Hongrie en 2008-2009 et dont le film s’est directement inspiré.
De juillet 2008 à leur arrestation en août 2009, quatre personnes affiliées à l’extrême droite hongroise, pour certaines connues des services de police, se sont livrées à une série de violences directement orientée contre des Roms. 9 attaques dans 9 villages différents sont reprochées aux accusés, depuis les coups de feu tirés dans le quartier rom de Galgagyörk jusqu’à l’attaque nocturne de Kisléta. Des ONG – dont Amnesty International – ont recensé une quarantaine d’attaques et intimidations au total. Bilan : six morts et cinq blessés graves. A cela, il faut ajouter le traumatisme d’actes sans précédent, menés sur le long terme avec une froide détermination.
Les quatre accusés ont longtemps bénéficié du laxisme de la police, qui rechignait sérieusement à reconnaître le caractère terroriste des actes perpétrés : incendies, coups de feu. Au mieux, cela était vu comme de simples règlements de comptes, du ressort des autorités locales. Au pire, il n’y avait pas de suite, ou l’accident était invoqué dans le cas d’un incendie manifestement criminel.
A Nagycsécs en novembre 2008, un frère et une sœur d’une quarantaine d’années sont tués par balles, et leur maison brûlée. C’est la première attaque mortelle. Le tournant dans l’opinion n’a eu lieu qu’au mois de février 2009, avec les assassinats de Tatárszentgyörgy. Un père et son fils de 5 ans sont abattus au fusil de chasse alors qu’ils tentent de s’enfuir de leur maison incendiée au cocktail Molotov. L’émoi provoqué par l’assassinat d’un enfant et l’arrivée de médias étrangers comme Russia Today ont forcé les autorités à se pencher sur une affaire qui n’intéressait ni les journaux ni le monde politique hongrois. Jusqu’à son arrestation en août 2009, le commando a fait trois nouvelles victimes. En avril, ils tuent un homme de 53 ans qui se rendait à son travail. Le trois août, ils abattent un femme dans son sommeil et blessent grièvement sa fille.
En France, les critiques égratignent la Hongrie au passage
« La Hongrie rurale d’aujourd’hui n’est pas belle à voir. Des familles de Tsiganes ont été assassinées, exécutées, les unes après les autres, enfants compris, par des milices » écrit notamment Guillemette Odicino dans Telerama. Si le film s’inspire des attentats racistes qu’ils ont perpétré, il ne vise pas à dépeindre une Hongrie où l’on massacrerait des Tziganes à tour de bras. Les critiques que nous avons pu lire concernant Csak a szél (« Just the wind » en France) vont pourtant dans ce sens de l’interprétation. Elles ne rendent pas justice à deux qualités pourtant évidentes du film : son réalisme et son absence de manichéisme. Ce que Bence Fliegauf dénonce, c’est le racisme latent de la société hongroise vis-à-vis des Tziganes, et la méfiance qui imprègne chaque relation entre Roms et non-Roms. Il dénonce une situation de violence pernicieuse qu’Amnesty International avait souligné en 2010.
A l’époque de cette flambée de violence, le gouvernement hongrois n’avait pas été critiqué. Il aura fallu un rapport d’Amnesty International, un changement de régime avec la chute du socialiste néolibéral Ferenc Gyurcsány, et un film primé à Berlin, pour qu’enfin la presse française s’intéresse au sujet.
Avec le procès, il est apparu que l’objectif des accusés n’était pas uniquement de tuer (sur 9 attaques, 4 furent mortelles). Ce qu’ils visaient, c’était de déclencher des violences interethniques à l’échelle du pays, de provoquer des réactions brutales, de pousser les Roms à la faute. Le choix de villages du nord-est de la Hongrie ne s’est pas fait par hasard. Les tensions étaient déjà là, il suffisait de mettre le feu aux poudres. Ils ont échoué.