Croatie: un nouveau président, faute de mieux

Hier, la Croatie a élu son troisième président de la République depuis l’indépendance acquise en 1991. Avec près de 65% des suffrages, le discret social-démocrate Ivo Josipović (SDP) remporte l’élection haut-la-main face à son ancien camarade de parti, le maire de Zagreb, Milan Bandić. Dans la perspective de l’intégration, dans un ou deux ans, de la Croatie à l’Union européenne, le résultat de cette élection semble idéal, mais impose au nouveau président de mettre de l’ordre dans la vie politique du pays.

La Croatie traverse une crise politique depuis des mois. Le parti jusqu’à maintenant au pouvoir, le HDZ (droite) s’est complètement discrédité avec les nombreuses affaires de corruption qu’il traîne derrière lui et dans le gouvernement. Le président sortant, le centriste Stjepan Mesić, avait pourtant, depuis 2000, réussi à mettre Bruxelles en confiance en stabilisant au mieux des gouvernements. La Constitution croate, qui n’autorise pas plus de 2 mandats présidentiels,  lui empêchait de se présenter.

L’ombre de Bruxelles sur le scrutin

Victime de la triste réputation de son parti, le candidat du HDZ n’a recueilli que 12% des voix au premier tour. Le SDP se retrouvait alors avec un candidat officiel face à l’un de ses dissidents dans un second tour qui a tourné à la mascarade. La présidence étant avant tout symbolique en Croatie, un prof de droit effacé, peu charismatique et réputé honnête tel que Josipović a donc pu largement s’imposer. Ce violoniste renommé va néanmoins devoir muscler son jeu pour garantir l’impartialité des institutions, rétablir la confiance des citoyens en la justice du pays et négocier au mieux leur entrée, tant attendue, dans l’UE.

De la classe politique aux électeurs, la Croatie semble sous l’hypnose du docteur Bruxelles. Phénomène chronique pour un pays d’Europe considéré en « transition démocratique », tout le monde doit « s’européaniser ». Au moment où la Croatie doit négocier son virage européen, le mécanisme d’intégration a joué dans l’élection un rôle de maître chanteur. En posant la stabilité politique comme condition suprême d’adhésion, il a orienté le scrutin vers un choix unique qui n’en est pas un.

Selon beaucoup d’observateurs, la victoire de Josipović annonce logiquement des élections législatives anticipées, pour que la Croatie trouve, du moins officiellement, une issue à sa crise politique.

François Gaillard

Cofondateur de Hulala et ancien membre de la rédaction

1 Comment
  1. excelente analyse sur le juridisme obligé de la Croatie dans la conjoncture présente.

    Joseph Krulic

Leave a Reply

Your email address will not be published.

×
You have free article(s) remaining. Subscribe for unlimited access.