Mercredi 13 octobre, le vice-Premier ministre moldave a annoncé la mise en place d’un état d’alerte dans le secteur énergétique. En cause : la hausse du prix du gaz qui arrive en même temps que la signature d’un nouveau contrat avec l’entreprise russe Gazprom.

« Une alerte a été annoncée au sein du Comité des urgences concernant le secteur du gaz. Le but de l’état d’alerte est d’empêcher le déclenchement d’un état d’urgence et d’être préparé à tout scénario », a déclaré mercredi soir le vice-Premier ministre Andrei Spinu, également ministre des Infrastructures et du Développement régional de la République moldave. « L’état d’alerte est, pour les institutions responsables, le pouvoir de prendre des mesures concrètes pour protéger les citoyens et la sécurité énergétique du pays. » Selon M. Spinu, cet état d’alerte va donner plus de pouvoirs aux entreprises du secteur de l’énergie telles que Moldovagaz, Termoelectrica, CETs, Moldelectrica ou Energocom, sans pour le moment donner plus de détails. Il va également permettre d’instaurer des mesures de compensations pour les 2,6 millions de consommateurs.
L’augmentation des prix du gaz naturel affecte les pays du monde entier, notamment ceux qui dépendent entièrement de l’importation, tels que la Moldavie. Sauf que fin septembre, le contrat signé avec Gazprom a expiré, lançant des négociations difficiles pour établir un nouveau contrat. Selon le Financial Times, la compagnie russe a relevé le prix du gaz de 550 dollars US pour mille mètres cubes à 790 dollars, soit cinq fois plus que la moyenne payée l’année dernière par Chisinau pour le gaz. Des conditions inacceptables, selon le gouvernement moldave. Gazprom a alors annoncé une réduction de ses livraisons et depuis, la République de Moldavie ne reçoit que 67% de ses besoins en gaz naturel.
L’UE appelée à la rescousse
Le temps de négocier un nouveau contrat avec Gazprom, le pays a demandé à l’Union Européenne une aide d’urgence pour fournir le pays en gaz naturel. Des politiciens roumains ont déclaré qu’ils feront tout pour aider leur pays voisin, lié à la Roumanie par l’histoire, la culture et la langue. « L’Europe entière traverse cette crise énergétique. C’est une crise avec de nombreux substrats, avec des intérêts économiques et politiques. Il faut dire que la Russie a fortement manipulé le prix du gaz en exerçant une pression incroyable sur tous les États qui achètent du gaz de ce pays. Les citoyens doivent savoir que dans des situations extrêmes, la République de Moldavie ne sera pas laissée seule. La Roumanie est prête, avec le peu qu’elle a, à partager avec la République de Moldavie pour traverser cet hiver ensemble », a déclaré l’eurodéputé roumain, Eugen Tomac, lors de l’émission « Punctul pe Azi » de TVR Moldavie.
La Roumanie est actuellement en discussion sur la possibilité de livrer des quantités importantes de fioul et d’approvisionner en gaz naturel la République de Moldavie via le gazoduc Iasi-Ungheni-Chisinau, qui est devenu pleinement opérationnel il y a deux semaines seulement. Il faut rappeler que la Roumanie produit 90 % de son gaz consommé localement et est le deuxième producteur de gaz de l’UE depuis le Brexit. « La Roumanie peut être assez dangereuse pour Gazprom. Pour des pays comme la Moldavie en particulier, et la Bulgarie, Gazprom était généralement utilisé pour influencer la politique des pays de la région » avait déclaré Otilia Nuţu, spécialiste du secteur de l’énergie pour le think tank Expert Forum, dans une interview pour Le Courrier d’Europe Centrale début 2021.
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Une « punition » de la Russie
Sergiu Tofilat, expert en énergie en Moldavie, ajoute dans le journal Ziarul National de Chisinau que « la Russie, à travers le géant gazier Gazprom, voudrait punir les Moldaves qui ont voté un parti pro-européen – le Parti Action et Solidarité (PAS) – aux présidentielles et aux législatives, et non pas pour un parti pro-russe. » En novembre 2020, le pays a en effet choisi Maia Sandu comme présidente, qui souhaite améliorer les relations avec l’UE et combattre la corruption. En juillet 2021, des élections législatives anticipées ont été organisées, remportées par son parti, le PAS.
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Les relations avec la Russie se sont alors tendues, notamment sur la question énergétique. Juste après son élection, Maia Sandu s’est d’ailleurs penchée sur la question des dettes vis-à-vis de Gazprom. Elle ne souhaite pas reconnaître la dette de 7 milliards de dollars envers l’entreprise russe, soit deux tiers du PIB du pays, car il s’agit de la consommation de la région séparatiste pro-russe de Transnistrie. « Du côté de Chisinau, nous avons toujours payé nos factures. Ce serait injuste et malhonnête de le faire pour la Transnistrie », avait-elle alors déclaré. Plus récemment, elle a demandé le retrait des troupes russes de Transnistrie lors de l’Assemblée Générale des Nations Unies en septembre.