« C’en est fini de la Hongrie. Tout le reste n’est qu’une question de temps »

Pour l’écrivain hongrois Gergely Péterfy, il est temps pour l’opposition de se radicaliser après douze années de règne du Fidesz. Il appelle à couper les ponts avec les « collaborateurs » ainsi qu’à abandonner le parlement pour construire des institutions parallèles.

Ce texte a été originellement publié sur le site internet de l’hebdomadaire HVG. Il a été écrit par l’écrivain hongrois Gergely Péterfy, qui vit à l’étranger et s’est rendu en Hongrie pour voter. Traduit et adapté par Thomas Laffitte.

Photo : SZerda ZSófi photography https://www.facebook.com/szerdazsofi.photography/

C’est certainement légal d’avoir toujours un peu d’espoir pour sa patrie, même si la meilleure partie de moi-même est bien consciente qu’il n’y a aucun espoir. […]

En cours de route, on teste diverses théories du complot, la plus folle étant que la victoire de Márki-Zay sur Dobrev aux primaires était en fait prévu pour que cet homme évidemment plus faible et plus difficile à prendre au sérieux se retrouve à défier Orbán. […]

On a beau chercher, ça ne s’annonce pas bien. Ça ne s’annonce pas bien du tout. Cela n’a même ni queue ni tête. Il n’y a qu’une seule chose, une vieille conviction dont j’ai souvent parlé, qui tienne : c’en est fini de la Hongrie. Tout le reste, ça n’est qu’une question de temps. La langue hongroise, la culture, la littérature, Bartók, Kosztolányi, ces choses-là existent. Mais la Hongrie, en tant que construction étatique immédiate, n’existe pas. C’est comme la littérature latine médiévale : Rome a beau avoir disparu, la langue persiste. Lisez Janus Pannonius. Tout le reste n’est qu’une perte de temps.

Mais alors, pourquoi parle-t-on encore de ces choses-là ? Pourquoi perdre notre temps à essayer de sauver les apparences, juste pour se permettre d’avoir encore un peu d’espoir ? On pourrait juste aller droit au but et admettre que cette comédie n’a de toute façon plus aucun sens, que Márki-Zay n’a aucune chance, qu’en fait personne n’a la moindre chance, que la Hongrie n’est plus une démocratie, que les élections ne sont qu’une vaste blague, que le match est joué d’avance par une propagande qui vous lave le cerveau, par une fraude massive bien organisée et par la misère de la nature humaine.  

« Nous devons devenir encore plus indépendants de la Hongrie qu’auparavant, et que nous devons couper encore plus radicalement tous les liens avec ceux qui collaborent ».

Il y a déjà quelques années que j’ai décidé que je ne regarderais plus jamais le football hongrois, maintenant le moment est venu de dire : les élections hongroises, plus jamais ça. Ça n’en vaut pas le déplacement, l’essence, le temps perdu, la futilité. Car l’homme est ainsi fait que lorsqu’il fait quelque chose, il est obligé d’y croire. On devrait arrêter de penser comme ça en Hongrie. Seul le souvenir des vieux maîtres, des vieux poèmes et le poids des siècles nous poussent à penser qu’il serait indécent de ne pas se soucier du sort de son propre pays. Ce respect des traditions, forcé et fantaisiste, on devrait s’en débarrasser. […]

Il y a certaines choses à dire après le résultat de ces élections. Par exemple, que nous devons devenir encore plus indépendants de la Hongrie qu’auparavant, et que nous devons couper encore plus radicalement tous les liens avec ceux qui collaborent. Il y a bien longtemps qu’on a coupé tous les liens avec tous ceux qui se déclarent ouvertement du Fidesz. […]

L’autre chose est qu’il faut voir c’est que les grenouilles sont cuites lentement, et quiconque n’a pas sauté hors du pot à 40 degrés tentera en vain à 70 degrés. Les vieilles grenouilles s’en moquent bien, mais les jeunes, sous lesquelles ils sont sur le point d’en rajouter une couche, peuvent encore s’échapper. Si vous croisez une telle grenouille, prévenez-là.

La seule chose à faire pour l’opposition est de se retirer du parlement pour commencer à mettre en place des institutions parallèles, tout en suivant une logique radicale – peu importe à quel point ils coassent, ceux qui jouent selon les règles d’Orbán finiront toujours par perdre.

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