Ils s’appellent Géza, Maria, Dóra, Nas, Balázs et Sebastian. Ils sont originaires de Hongrie, de Roumanie, de Pologne ou de Bulgarie. Ils vivent à Londres depuis 3, 5 ou 10 ans. Ils aiment Londres, malgré ses prix scandaleux, son métro bondé et sa taille qui isole parfois. Le 23 juin, ce pays dans lequel ils résident pourrait décider de quitter l’Union Européenne, faisant naître doutes et questionnements quant au futur des résidents qui ne possèdent pas de passeport britannique.
Sont-ils préoccupés, inquiets ou indifférents face à ce que les médias anglais qualifient de « vote d’une génération » ? S’ils n’ont pas le droit de voter à ce scrutin, ils ont quand même des choses à dire. A la question de ce qu’ils pensent du référendum, peu ont vraiment d’avis. Par désintérêt ou manque d’information, le référendum ne passionne pas nos six protagonistes et ne les inquiète pas non plus. Même si certains n’envisagent pas de rester à Londres de façon permanente, tous aimeraient poursuivre leur expérience anglaise pour encore quelques années.
Balázs, hongrois, 32 ans, ingénieur logiciel dans une banque d’investissement, trouve irresponsable de remettre une décision si importante entre les mains de gens ordinaires qui, pour la plupart, ne savent pas de quoi il s’agit vraiment. Pour lui, ce n’est qu’un moyen de gagner les élections à venir.
Dóra, la trentaine, hongroise et chef de projet, pense que cette campagne est largement empreinte de désinformation. « Je pense que ceux en faveur du Brexit utilisent l’immigration comme un outil pour obtenir ce qu’ils veulent. Une sortie de l’Union européenne serait une décision complètement irrationnelle, surtout que notre présence (les immigrés) a un impact positif sur l’économie et non l’inverse ».
« Je ne vais pas rester ici pour toujours. Ma famille me manque, je rentrerai en Pologne un jour »
En cas de Brexit, personne ne fera rien. Comme le dit Balázs, « cela prendra des années avant que les changements se mettent en place, si changement il y a ». Et puis, peu d’entre eux se voient s’installer à Londres sur le long terme, à l’image de Sebastian, 36 ans, coiffeur et londonien d’adoption depuis 10 ans : « Je ne vais pas rester ici pour toujours. Ma famille me manque, je rentrerai en Pologne un jour. J’adore Londres, c’est une ville où il se passe toujours quelque chose et je rencontre sans cesse des gens intéressants mais c’est aussi très grand. Ce n’est pas facile de voir ses amis aussi souvent qu’on voudrait, tout le monde habite dans des endroits différents de Londres ».
Maria a 25 ans. Elle vient de Roumanie, est comptable pour une institution financière et vit à Londres depuis 6 ans. Elle a étudié dans cette ville qu’elle ne compte pas quitter de sitôt. « Je voudrais obtenir la nationalité britannique, comme ça je serai tranquille si jamais la Grande-Bretagne sort de l’Union européenne ». Sur l’impact d’un potentiel Brexit sur les immigrés, Maria est confiante. Elle n’imagine pas les banques se séparer de tous leurs employés européens, car ces employés dit-elle, sont nécessaires au business. Tout comme Balázs, elle pense qu’un quelconque changement prendra des années à se mettre en place et plus encore, cela prendrait des années de transférer le statut de capitale financière européenne de Londres à une autre ville européenne.
A 30 ans, Géza vit à Londres depuis décembre 2014. Il rentre souvent en Hongrie, pour voir sa famille et ses amis. Le Brexit n’a pas changé ses plans pour le futur : continuer sa carrière de designer d’expérience utilisateur à Londres. Il n’est pas certain de savoir ce que le Brexit changerait concrètement dans sa vie.
« Je veux un passeport britannique parce que tu peux aller partout dans le monde avec un passeport britannique »
Si la majorité d’entre eux ne prévoit pas de s’installer durablement en Angleterre, l’obtention de la nationalité britannique reste un objectif affiché. Sebastian pourrait dès à présent en faire la demande mais il n’en voit pas l’intérêt. Balázs, à l’inverse, le fera dès que possible « pour avoir la possibilité de rendre sa nationalité hongroise si besoin ». Géza et Maria veulent également demander la nationalité. Nas, barman bulgare de 23 ans, partage cette ambition. « Je veux un passeport britannique parce que tu peux aller partout dans le monde avec un passeport britannique ». Lui non plus ne se voit pas s’installer en Grande-Bretagne. « Je vais prendre tout ce que je peux ici et puis je partirai. Ça ne fait pas bon genre de dire ça, n’est ce pas ? »
Il sourit, un peu embarrassé par cette spontanéité. Puis il se ravise, expliquant qu’eux (les expatriés de l’Est) occupent les postes que les Britanniques ne veulent pas. « On n’a pas peur de commencer en bas de l’échelle et de monter pas à pas. Les Britanniques eux, veulent commencer en haut directement. Si le Brexit gagne et qu’on doit partir, ils auront des problèmes. Plein de postes seront vacants. Les Britanniques ne veulent pas nettoyer les rues ou faire le boulot que je fais. » Malgré cette assurance affichée, Nas espère que ‘Remain’ sera victorieux en ce 23 juin. Le résultat inverse serait préoccupant pour la Grande-Bretagne et pour ses relations avec les autres pays.
« Le pire ici, ce sont les légumes »
Maria confesse que les légumes texture plastique, c’est bien ce qui l’embête le plus à Londres. Pour Géza, c’est plutôt le métro aux heures de pointe. Nas aime tout de Londres. Balázs, lui, a un penchant pour les grands parcs londoniens … et les écureuils. Le sentiment d’être dans une ville où tout se passe, où tout est possible, est présent. C’est peut-être ce qui fait que, malgré un climat pré-référendaire tendu, aucun n’est prêt à quitter Londres.