Barroso II : un Roumain poisson-pilote des Français

Parmi les 27 nouveaux commissaires européens nouvellement nommés par le président Barroso, peu en définitive ont été sujet à polémique. Toutefois, deux de ces nouveaux commissaires sont citoyens d’Europe centrale.

Après László Andor, le Hongrois accusé de s’être acoquiné avec les communistes dans sa jeunesse, c’est au tour du Roumain d’être attaqué. Dacian Cioloș devrait être – selon toute vraisemblance – le nouveau responsable du portefeuille agricole en février, ce qui ne plaît pas à tout le monde et en particulier aux anti-Politique Agricole Commune (PAC).

Corrompu…

Ancien ministre de l’Agriculture dans son pays, le candidat roumain ne peut être taxé d’incompétence. Ingénieur agronome diplômé de l’École nationale supérieure d’agronomie, aujourd’hui Agrocampus Ouest à Rennes, il a obtenu son doctorat à Montpellier, Dacian Cioloș connait son sujet sur le bout des doigts. Ce que lui reprochent surtout les anti-PAC avec à leur tête les Anglais, c’est d’être Roumain et francophile.

Pourquoi Roumain ? Parce que, selon eux, lorsque l’on est responsable d’un des budgets les plus conséquents de l’Union européenne ont ne peut être citoyen d’un pays dont la réputation de corruption n’est plus à faire. « Un Roumain ne peut pas avoir ce poste, il y a trop d’enjeux financiers pour confier l’agriculture à un pays où la corruption est encore très présente », n’a pas hésité à déclarer une journaliste de EU Observer, manifestant ainsi sa surprise, en rappelant que la Roumanie s’est vu geler les fonds destinés à l’agriculture suite à des accusations de corruption.

Comme dans le cas du futur commissaire hongrois, José Manuel Barroso a su prendre la défense de son candidat : « C’est une insulte à tout un pays, c’est une insulte à une personne. Ces affirmations sont contre nos valeurs et je ne peux pas les accepter», a dénoncé José Manuel Barroso en souligant encore que Dacian Cioloș avait «une vision moderne de l’agriculture et du développement rural », et qu’il avait « travaillé toute sa vie dans ce secteur ».

… et francophile !

La presse britannique qui avait déjà manifesté ses grandes inquiétudes avec la nomination de Michel Barnier au poste de commissaire au Marché intérieur a manqué de s’étrangler en apprenant la nomination de Dacian Cioloș. Il est vrai que l’homme cumule les défauts aux yeux d’un pays qui contribue largement au budget de la PAC. Marié à une Française de Montpellier, diplômé de deux des plus prestigieuses écoles d’agronomie de l’Hexagone, le candidat roumain est un ami de longue date de l’ancien ministre de l’Agriculture Michel Barnier. Enfin, il va sans dire que Dacian Cioloș compte de nombreux amis français dans le milieu agricole.

Un cadeau pour qui ?

Ce qui semble a peu près certain, c’est que le président roumain Băsescu a beaucoup évolué dans son attitude envers la France. On se souvient que lors de sa première élection présidentielle, celui-ci avait parlé d’un axe Washington-Londres-Bucarest. L’officialisation de l’amélioration des relations entre la France et la Roumanie s’est certainement faite lors de la visite du président français en février 2008. Aujourd’hui soutenu non seulement par Paris, mais aussi par Varsovie, le seul candidat que Traian Băsescu a proposé au président Barroso va gérer 55 milliards d’euros de budget pour la PAC. Un risque qu’il semble avoir eu raison de prendre.

Toutefois, la tâche de Dacian Cioloș ne sera pas si évidente. Le budget PAC va être réduit car ce n’est plus une priorité. Le nouveau commissaire sera pris dans l’étau de la Grande-Bretagne, l’Allemagne et la France. La réforme de la PAC est prévue dans trois ans. A ce moment là, ce sera la première fois que la France cotisera plus qu’elle ne recevra de subventions.

Enfin et surtout, le candidat roumain n’est pas qu’un technocrate. Il a travaillé et fait des stages dans des petites et moyennes exploitations agricoles en Bretagne, en Savoie, dont il semble connaître les difficultés. Il s’est déclaré sensible au développement rural et à l’aménagement du territoire, à la production biologique mais aussi à la mise en place d’instruments de régulation du marché en déclarant vouloir construire un modèle alimentaire européen.

Cécile Vrain

Journaliste et docteur en Histoire des Relations Internationales de l'Université de Paris 1, spécialiste de la Hongrie.

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