Selon le site économique hongrois Portfolio.hu, le Premier ministre Viktor Orbán devrait nommer non pas une, mais deux personnes à la tête de la Banque centrale hongroise (Magyar Nemzeti Bank – MNB) début février. Malgré les nombreux avertissements des analystes de tous bords, l’actuel ministre de l’Economie György Matolcsy reste le grand favori pour remplacer András Simor au poste de gouverneur, dont le mandat prendra fin le 3 mars prochain.

L’annonce officielle par Viktor Orbán devrait avoir lieu entre le 5 et le 7 février prochains, lors d’un meeting Fidesz-KDNP à Gyula (frontière roumaine). Cette réunion sera également l’occasion de parler à huis clos des futures orientations politiques et économiques du pays. En attendant, les rumeurs vont bon train dans la presse hongroise, qui s’inquiète aussi de la réaction des marchés et du FMI.
Selon l’hebdomadaire économique libéral HVG, Mihály Patai, ancien président de l’Association hongroise des banques, serait également pressenti pour être vice-gouverneur aux côtés de Matolcsy (l’actuel vice-gouverneur Ferenc Karvalits doit quant à lui quitter ses fonctions le 27 mars prochain), malgré ses récents conflits publics avec le ministre. En novembre dernier, Patai avait démissionné de son poste de président de l’Association hongroise des banques suite aux nouvelles mesures fiscales du gouvernement, à savoir des nouvelles taxes dans le secteur bancaire.
Viktor Orbán enfin débarassé d’András Simor
En tant qu’ancien homme d’affaires influent en Europe, András Simor a été un gouverneur de Banque centrale particulièrement apprécié des marchés et des institutions financières internationales. Interviewé vendredi sur Kossuth Rádió, le Premier ministre Viktor Orbán a annoncé, comme soulagé, qu’il n’y aura « plus jamais de spéculateur offshore à la tête de la MNB ». Sans même prendre la peine de le nommer, il réglait ainsi ses comptes avec András Simor, qui tirera de toute façon bientôt sa révérence.
Avant de prendre la tête de la MNB en 2007, András Simor a été PDG et propriétaire de sociétés basées à l’étranger, en Autriche et à Chypre. Pour cette raison, il servait déja de cible privilégiée à Viktor Orbán pendant la campagne des législatives de 2010. Ainsi en 2011, en pleine tempête dans ses relations avec le gouvernement, Simor a dû rapatrier ses fonds en Hongrie et envoyer tous les justificatifs au président du Parlement. Mais, depuis qu’il est aux affaires, Viktor Orbán a en réalité des raisons d’en vouloir à András Simor qui tiennent bien plus de la politique économique et monétaire hongroise qu’aux intérêts personnels du gouverneur. En effet, la discorde a longtemps porté sur les taux directeurs du pays, que le Premier ministre aurait voulu voir abaissés à maintes reprises pour faire face à la crise. Malgré les pressions du gouvernement, qui disposait de moyens politiques exceptionnels pour le faire tomber, András Simor a tenu bon principalement grâce au soutien de l’Union européenne. La Banque centrale européenne (BCE) fut notamment une de ses meilleures alliées, soucieuse de voir la MNB rester indépendante et mener une politique de lutte contre l’inflation, par le maintien des taux directeurs à un niveau assez élevé pour que la valeur du forint reste stable.
La Banque centrale au cœur de la gestion de la crise
Malgré la tendance récente à la souplesse des Banques centrales (la BCE baisse elle-même progressivement ses taux d’intérêts et lance un programme de rachat des actifs), le FMI et l’Union européenne se méfient toujours du contrôle que le gouvernement hongrois voudrait exercer sur la MNB, bien tenté de faire chauffer la planche à billets. La nomination du futur gouverneur de la MNB est donc surveillée de très près et les marchés sont prêts à punir la Hongrie au moindre faux pas en matière de politique monétaire. Récemment, de simples déclarations dans la presse locale de la part du ministre Matolcsy, envisageant une « coopération étroite » entre le gouvernement et la MNB, ont entraîné une dévaluation immédiate du forint (HUF).
Lors de son entretien à la radio nationale, le Premier ministre s’est bien gardé de confirmer sa préférence pour György Matolcsy au poste de gouverneur. Il pourrait toutefois changer d’avis jusqu’au dernier moment, d’autant plus qu’il est prévenu par les spécialistes – y compris ceux de son propre camp – des dangers qu’entraînerait une telle décision : risque d’effondrement de la monnaie et des investissements, et ouverture d’un nouveau front avec l’UE. Mais au vu de la personnalité d’Orbán et des multiples petites mesures économiques prises par son gouvernement, tout porte quand même à croire pour l’instant qu’il prendra le risque de nommer un de ses fidèles lieutenants.
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