Alors que les sociaux-démocrates et le FPÖ sortent abîmés des dernières élections législatives, les conservateurs de l’ÖVP ne rejettent pas l’idée de former une coalition avec les Verts.
Cela pourrait être un cadeau empoisonné. Après leur score historique de près de 14% aux dernières élections législatives, les Verts autrichiens auraient pu constituer un puissant groupe d’opposition à un gouvernement droite-extrême droite dirigé par Sebastian Kurz. Mais voilà, après la relative déroute du FPÖ et les fortes réticences des sociaux-démocrates (SPÖ) à former une « grande coalition » avec les conservateurs de l’ÖVP, les écologistes constituent une option de plus en plus crédible pour former une majorité gouvernementale.
Les deux partis se regardent pour l’instant en chien de faïence, tant tout semble opposer une droite hostile à l’immigration et traditionnelle alliée du puissant lobby agricole, et un parti écologiste très libéral sur les questions sociétales, et farouche partisan d’une accélération de la transition écologique. Alors que les états-majors des différentes formations se sont réunis lundi et mardi pour tirer un premier bilan du scrutin de dimanche, ni les Verts, ni l’ÖVP n’a souhaité fermer la porte à la possibilité d’une « coalition turquoise-verte ».
« Ouvert » mais « pas dans la course » pour entrer au gouvernement, Werner Kogler s’est livré à un subtile exercice d’équilibriste hier, lors d’une conférence de presse à l’Hôtel de France. Pour que les négociations avec l’ÖVP portent leurs fruits, « il est nécessaire de clarifier les discussions », a déclaré le dirigeant vert, rappelant les principaux engagements de son parti en matière d’environnement, de transparence de la vie publique et de lutte contre la pauvreté infantile. « Il est clair que l’Autriche veut sortir de l’ornière », a-t-il également commenté, en référence à l’explosion de l’alliance ÖVP-FPÖ en mai dernier, suite à « l’Ibiza-Affäre ».
Les élus écolos favorables à la « coalition turquoise-verte »
La prudence de M. Kogler s’explique principalement par la crainte d’une rupture avec l’électorat traditionnel du parti, plutôt ancré à gauche, mais également avec ses soutiens plus récents, qui se sont politisés lors des marches pour le climat. « Je considère important de pouvoir regarder dans les yeux ces centaine milliers d’enfants, d’adolescents, d’adultes et de grands-parents récemment descendus dans la rue », a-t-il exprimé.
Car du côté des cadres et des élus, la majeure partie semble favorable à une alliance avec l’ÖVP, d’autant plus qu’elle a déjà fait ses preuves au niveau local, notamment à l’échelle des Länder du Tyrol (depuis 2013) et du Vorarlberg (depuis 2014).
Du côté de l’ÖVP, la victoire écrasante de Sebastian Kurz lui donne une marge de manœuvre quasi totale pour décider seul de son futur schéma d’alliance. Le probable futur chancelier devrait rencontrer la semaine prochaine un à un les représentants de chaque groupe parlementaire, sous le haut patronage du président de la république, l’écologiste Alexander Van der Bellen. « Si M. Kurz ne vient pas me voir, je lui passerai un coup de fil la semaine prochaine », a plaisanté à ce sujet Werner Kogler.
La dernière fois que les Verts et l’ÖVP avaient envisagé de faire alliance au niveau fédéral, c’était en 2002, et les discussions avaient rapidement abouti sur un échec. L’ouverture de la coalition aux libéraux de Neos ou à des personnalités issues de la société civile – notamment d’ONG environnementales – est régulièrement évoquée comme une manière de mettre de l’huile dans l’engrenage.