Au Bélarus, le pouvoir ne cède pas de terrain, la rue non plus

Au Bélarus, ni Alexandre Loukachenko, ni le comité de transition qui s’oppose à lui ne cèdent de terrain. La tension monte dans les sphères du pouvoir comme dans la rue, les usines et les universités. Mais de part et d’autre, on préfère pour l’heure éviter une confrontation directe.

Depuis l’annonce par le Kremlin à la fin août laissant entendre que la Russie se réservait le droit d’apporter son soutien militaire à Alexandre Loukachenko, l’opposition au pouvoir en place sait qu’elle doit redoubler de prudence pour ne pas prêter le flanc à tout ingérence de Moscou. La menace a été d’autant plus explicite et prise au sérieux que plusieurs personnes ont signalé la concentration de troupes russes, prêtes à franchir la frontière entre les deux pays dans la région de Pskov.

Cette épée de Damoclès n’a pourtant pas tari le flot de manifestants qui se sont rassemblés, dimanche dernier, tout aussi nombreux, si ce n’est plus, que la semaine précédente. Ils seraient 100 000 à avoir défilé dans les rues de la capitale. Des rassemblements ont continué à s’organiser également en province, comme par exemple à Brest, dans la partie occidentale du pays. Les manifestants ont fait montre, une fois de plus, de contrôle et de non-violence lors de leur mobilisation. Ils ont donné à voir des cortèges disciplinés, refusant de provoquer les forces de l’ordre qui entouraient le palais présidentiel à Minsk.

De leur côté, les services de sécurité ont poursuivi dans leur pratique d’arrestations arbitraires : un peu plus de 600 personnes ont été interpelées par les forces de l’ordre bélarusse. Les forces de sécurité ont souvent procédé en tenues de civils, molestant des manifestants à coups de matraques. Afin de se prémunir contre de telles arrestations, les étudiants qui prennent désormais part aux rassemblements ne se déplacent qu’en groupe et de manière coordonnées, tenant ainsi en respect les vans banalisés des forces de sécurité.

Le journaliste Franak Vicakora relève tout de même que des protestataires se montrent « plus audacieux et plus anti-Loukachenko parfois même agressifs », lançant des « Loukachenko en prison! »,  « Aux chiottes Loukachenko », « C’est toi le rat », etc. Des affiches anti-Poutine et le slogan « La souveraineté n’est pas à vendre » sont même apparus pour dénoncer l’alliance « Putishenko » qui se dessine, ce qui est notable dans un pays où la population est réputée russophile.

Des listes de dénonciation de policiers ont été diffusées sur internet et certains se voient arracher leurs masques. Bon nombre d’entre eux cherchent alors à cacher leur visage, par crainte de représailles si le régime de Loukachenko venait à tomber.

Le pouvoir poursuit son travail de sape des différentes grèves […], empêchant le mouvement d’atteindre une une masse critique et véritablement menaçante pour le régime.

De son côté, le pouvoir poursuit son travail de sape des différentes grèves qui éclatent ça et là dans le pays, pour le moment avec succès, empêchant le mouvement d’atteindre une une masse critique et véritablement menaçante pour le régime. La première semaine de septembre a pourtant été le théâtre de la mobilisation des étudiants, nouveaux acteurs sur l’échiquier du mouvement de contestation. Des meetings ont notamment eu lieu dans l’Institut des langues et de l’Université d’État de Minsk.

De paire avec les arrestations ciblées à l’encontre des manifestants ou encore des meneurs de grèves dans les usines, le régime maintient une pression accrue sur le Conseil de transition. Ce conseil (en biélorusse : Каардынацыйная рада, Kaardynatsynaïa rada ; en russe : Координационный совет, Koordinatsionny soviet) est une structure composée de 600 membres et dirigée par un présidium de sept membres, créée par la candidate à la présidence Svetlana Tikhanovskaïa et qui s’est réuni pour la première fois le

Conférence de presse du Conseil de transition. Source : wikimedia commons.

Svetlana Aleksievitch, lauréate du prix Nobel de littérature, a été convoquée pour être intérrogée par les autorités ; Sergueï Dylevski, qui est à la tête de Minski Traktorny Zavod (MTZ) a été arrêté, tout comme la juriste Lilia Vlassova. Par ailleurs, de nombreuses pressions ont également été exercées sur des journalistes du site d’information Tut.by. Le domicile de la rédactrice en chef du site, Olʹga Šukajlo, a fait l’objet d’une perquisition au matin du 8 septembre.

Ce Comité de transition continue d’affirmer qu’Alexandre Loukachenko n’est plus le président du Bélarus, et s’adresse aux différentes capitales européennes et instances internationales, pour que des sanctions plus dures soient mises en place à l’encontre des piliers du régime de Loukachenko.

Le pouvoir en place au Bélarus ne s’est pas arrêté là, puisque lundi dernier, à Minsk vers 17h, Maria Kalesnikova a été enlevée par des hommes cagoulés. Après être resté sans nouvelle ni signe de vie de l’ancienne membre du triumvirat d’opposition à Loukachenko, les autorités ukrainiennes ont indiqué que les forces de sécurité du Bélarus ont tenté de la faire quitter le pays de force. Alors que deux membres de son équipe ont franchi, sous la contrainte, la frontière bélarusso-ukrainienne, Maria Kalesnikova s’y est refusée en déchirant son passeport. À l’heure actuelle, elle est toujours retenue du côté bélarusse de la frontière.

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