Embarrassé par de récentes révélations sur les largesses de l’ancienne Première ministre Beata Szydło, Mateusz Morawiecki a entrepris un grand ménage au sein de son gouvernement.
Le Premier ministre polonais Mateusz Morawiecki, censé de redorer le blason du parti nationaliste Droit et Justice (PiS) depuis son accession à ce poste en janvier 2018, ne cesse d’éteindre les incendies dont il est parfois auteur. Le voici cette fois-ci faisant le ménage après son prédécesseur Mme Beata Szydło : il a orchestré un coup de théâtre en limogeant en l’espace de quelques jours 17 vice-ministres de son gouvernement. La raison officielle : une meilleure organisation de l’exécutif. Officieusement : la côte du PiS a baissé après que Mme Szydło a octroyé en 2017 à tous ses ministres ainsi qu’à des proches collaborateurs un total de 2,1 millions de zlotys (500 000 euros). Celle-ci s’est même octroyé la somme de 65 000 zlotys (15 500 euros).
En temps normal, on appellerait cela un remaniement gouvernemental. Or, le gouvernement Morawiecki est devenu particulièrement obèse. Sur un total de 18 ministères, il compte une bonne centaine de vice-ministres. En annonçant les départs, M. Morawiecki a en même temps assuré mettre fin au système de primes au sein de son gouvernement. Une allusion claire aux largesses de Mme Szydło. A noter toutefois que ces limogeages n’ont pas touché les ministères de l’Intérieur, de la Défense et des Affaires étrangères. Les deux premiers sont dirigés respectivement par Mariusz Błaszczak et Joachim Brudziński, deux hommes de confiance Jarosław Kaczyński, chef du PiS et homme fort de la politique polonaise.
Quelques noms surprennent et jettent le doute quant à la volonté réelle du gouvernement de combattre la pollution alors que le pays bat tous les records en la matière. Ont été débarqués Piotr Woźny, responsable de la lutte contre le smog au ministère de l’Entreprenariat et des Technologies ; Andrzej Piotrowski censé promouvoir les sources d’énergie renouvelables au ministère de l’Energie, et Paweł Sałek, responsable des questions climatiques au ministère de l’Environnement.
Le Droit et Justice sait se montrer généreux avec ses ministres
L’affaire des récompenses a débuté au mois de décembre de l’année dernière, lorsqu’un député de la Plate-forme civique (PO), Krzysztof Brejza, a interpellé la Chancellerie du Premier ministre au sujet de primes et autres récompenses attribuées aux membres du gouvernement précédent, celui de Beata Szydło (2015-2017).
Au total, ce sont trente-quatre personnes qui ont perçu des gratifications sous le gouvernement de Beata Szydło, dont vingt-et-un ministres « constitutionnels » (15 500 – 20 000 euros chacun), douze ministres de la Chancellerie du Premier-ministre (8 800 – 14 000 euros chacun), ainsi que la Première-ministre elle-même, Beata Szydło (15 500 euros).
Cette pratique marque une rupture avec le gouvernement de la Plate-forme civique (PO), au pouvoir de 2007 à 2015, a affirmé Małgorzata Kidawa-Błońska de la PO : « ni Donald Tusk ni Ewa Kopacz ne s’octroyaient de récompenses à eux-mêmes ou à leurs ministres ». Le Droit et Justice accuse en retour le gouvernement PO d’avoir distribué des primes aux magistrats et à l’administration, ce que ne nie pas Mme Kidawa-Błońska.
« Hypocrisie, fausseté, mensonge… »
L’opposition s’est naturellement engouffrée dans la brèche. Le vice-président de la Diète, du parti populiste Kukiz’15, Stanisław Tyszka, souhaite que les ministres rendent cet argent perçu indûment, selon lui. Ce n’est pas l’avis de l’autre vice-présidente de la Diète, Małgorzata Kidawa-Błońska de la Plate-forme civique, qui juge « impensable de rendre les récompenses distribuées mensuellement » mais veut « régulariser la question par la loi au lieu de distribuer l’argent sous la table ».
L’eurodéputé de la Plate-forme civique, Dariusz Rosati, penche pour la solution proposée par Tyszka. « Nous allons demander la restitution de cet argent. […] Surtout aux ministres jugés négativement », en référence aux ministres de la Défense et des Affaires Etrangères débarqués cet hiver, Antoni Macierewicz et Witold Waszczykowski.
La proposition du premier-ministre Morawiecki d’« amincir » son gouvernement est loin de faire l’unanimité. Le chef du club parlementaire de la Plate-forme, Sławomir Neumann a usé de trois qualificatifs : « hypocrisie, fausseté, mensonge ». Il se réfère au fait que les secrétaires d’État étant aussi des députés pourront percevoir à la fois la rémunération de secrétaire et de député.
Crédit photo : Damian Burzykowski / newspix.pl