Le gouvernement d’Andrej Babiš a prêté serment aujourd’hui. Face à la difficulté de constituer une majorité stable, le président Miloš Zeman a annoncé être prêt à laisser le Premier ministre désigné tenter plusieurs fois sa chance pour arracher la confiance du Parlement.
Malgré l’échec des pourparlers de coalition, le mouvement ANO d’Andrej Babiš se lance. Aujourd’hui, le président Miloš Zeman a officiellement nommé le gouvernement et celui-ci aura 30 jours afin d’obtenir l’aval du parlement. Les adversaires d’ANO continuent de refuser de tendre la main à Babiš, mais leurs positions faiblissent et et le temps joue en leur défaveur.
Grand vainqueur des élections d’octobre, ANO n’a pas réussi à trouver de partenaires de coalition depuis, mais cela ne l’a pas empêché d’avancer. Grâce aux voix de l’extrême-droite et des communistes, il a pu placer ses pions au parlement. Puis, fort du soutien du président Miloš Zeman, Babiš a été nommé premier ministre le 6 décembre. Aujourd’hui, c’est le reste de son équipe de 14 ministres qui a reçu la bénédiction du président.
Le gouvernement offre peu de surprises et ANO tente de présenter un visage technocratique: seuls le premier ministre, Babiš, et six ministres viennent du parti et le reste est composé de membres de la société civile non-affiliés. Selon la constitution tchèque, le gouvernement doit obtenir la confiance du parlement dans un délai de 30 jours et une session a déjà été fixée pour le 10 janvier. Cependant, le président Zeman a déjà annoncé qu’il laisserait Babiš aux commandes, aussi longtemps qu’il le faudra. Si Zeman est reconduit pour quatre ans par les électeurs en janvier 2018, le duo Babiš-Zeman sera dur à déloger.
D’ici le 10 janvier, c’est un jeu de nerfs qui continuera dans les coulisses entre partis et dans les partis mêmes. En effet, personne ne veut retourner aux urnes et risquer d’offrir à ANO une majorité absolue, mais personne ne veut vraiment se mouiller et collaborer officiellement avec lui. Le temps joue en la faveur de Babiš, car la pression monte au sein des partis concurrents, où de plus en plus de députés se montrent ouverts. En effet, la collaboration de Babiš avec les extrémistes force les partis démocratiques à revoir leur position au nom du ‘salut national’.
Si l’extrême-droite et les communistes ont appuyé ANO au parlement, gagnant au passage quelques postes clefs dans les comités, ils ne semblent pas tellement intéressés de participer au gouvernement. Cela leur ferait en effet perdre leur image de partis anti-système en les forçant à faire des compromis et à prendre des responsabilités. Pour ANO, ce n’est pas non plus la meilleure option, car il risquerait de perdre des électeurs en gouvernant avec les communistes non-réformés ou d’entacher sa réputation au niveau européen en gouvernant avec l’extrême-droite.
L’important pour Andrej Babiš est de faire croire qu’il serait prêt à s’allier aux extrémistes si les autres partis venaient à l’y forçaient et de mettre la balle dans le camp des sociaux-démocrates et conservateurs de l’ODS qui seraient prêts à le rejoindre. Déjà, des sociaux-démocrates haut placés tels que le coordinateur du groupe parlementaire, Jan Chvojka, laissent entendre qu’ils pourraient être ouverts à des négociations si le premier vote de confiance échouait, afin d’éviter la catastrophe d’un gouvernement soutenu par l’extrême-droite. Du côté de l’ODS, les forces populistes menées par Václav Klaus Jr., fis de l’ancien Président de la République, pourraient prendre les commandes du parti lors du congrès prévu pour janvier et se rapprocher d’ANO.
Bref, rien ne devrait se résoudre avant la nouvelle année et le thriller devrait se poursuivre comme trame de fond de la campagne présidentielle en cours. En effet, le soutien indéfectible de Zeman à Babiš sera sans doute un des enjeux de taille et transformera le scrutin en un référendum autant sur Zeman que sur Babiš. Étant donné la proximité de la session parlementaire du 10 janvier et du premier tour des présidentielles – les 12 et 13 janvier – on peut s’attendre à un chaud début d’année en Tchéquie ! Andrej Babiš a déjà annoncé solliciter la confiance du parlement le 10 janvier prochain.