Après avoir fermé les yeux pendant plusieurs années sur les pratiques illégales de la police hongroise, Frontex a annoncé mercredi qu’elle suspendait ses opérations de surveillance des frontières de l’Union européenne en Hongrie.
C’est un nouveau hiatus entre le gouvernement de Viktor Orbán et l’Union européenne et une première dans l’histoire de Frontex. L’agence de surveillance des frontières extérieures de l’UE a annoncé mercredi qu’elle suspendait ses opérations en Hongrie aux côtés de la police hongroise. « Frontex a suspendu toutes ses activités opérationnelles sur le terrain en Hongrie », a affirmé son porte-parole, Chris Borowski, rapporte l’AFP.
Pourquoi l’agence européenne a-t-elle pris cette décision ?
« Nos efforts communs pour protéger les frontières extérieures de l’UE ne peuvent réussir que si nous veillons à ce que notre coopération et nos activités soient pleinement conformes aux lois de l’UE », a-t-il déclaré, toujours à l’AFP.
Or, il se trouve que le 17 décembre 2020, la Cour européenne de justice (CJUE) a jugé que la politique d’asile pratiqué par la Hongrie « a manqué à son obligation d’assurer un accès effectif à la procédure d’octroi de la protection internationale », rappelle le site Info Migrants. Autrement dit, la Hongrie empêche les migrants d’accéder au territoire hongrois et de déposer une demande d’asile, ce qui contrevient aux règles internationales.
L’ONG Comité Helsinki (Helsinki Bizottság) estime que plus de 50 000 migrants se sont vu dénier leurs droits aux frontières de la Hongrie (et donc à la frontière extérieure de l’UE) depuis 2016. Cette ONG pour les droits de l’Homme a abondamment documenté les pratiques systématiques de « pushbacks » qui consistent à interpeller les migrants interceptés sur le territoire hongrois et à les refouler immédiatement de l’autre côté de la frontière.
#ECJ : #Hungary has failed to fulfil its obligations under #EUlaw in the area of procedures for granting #InternationalProtection and returning illegally staying third-country nationalshttps://t.co/ATb3CgbPxg pic.twitter.com/CcaJL3uvmS— EU Court of Justice (@EUCourtPress) December 17, 2020
Dans une note publiée le 8 janvier, l’ONG Comité Helsinki a directement mis en cause le rôle de Frontex, accusée de complicité passive avec les autorités hongroises en fermant les yeux sur ses pratiques illégales. « Depuis 2016, les preuves de violations graves et systémiques des droits fondamentaux aux frontières extérieures de l’espace Schengen ont été présentées, soulevant également la responsabilité de l’Agence », écrit l’ONG.
Le journal La Croix rappelle que Frontex a déjà été accusée de complicité de violations des droits humains dans des opérations de refoulement en mer Égée, entre la Grèce et la Turquie.
Selon les chiffres de la police hongroise, diffusés sur son site internet, celle-ci a procédé à 2 200 « pushbacks » au cours des trois premières semaines de l’année 2021.
L’année dernière, la police a refoulé illégalement plusieurs centaines de personnes chaque semaine, et approximativement un millier de migrants par semaine lors du dernier trimestre.
Légende : en bleu clair, le nombre de franchissements illégaux empêchés ; en bleu, le nombre de personnes arrêtées puis renvoyées de l’autre côté de la frontière (les « pushbacks » ; en bleu foncé, le nombre de personnes arrêtées et sous le coup d’une procédure administrative.

Le gouvernement hongrois a réagi à l’annonce du retrait de Frontex par la voix de son porte-parole Zoltán Kovacs. « Ce n’est pas comme si nous avions reçu beaucoup d’aide de Frontex. Il semble pourtant que Bruxelles veuille nous enlever le peu que nous avons obtenu. La Hongrie ne cédera pas aux pressions des forces pro-migration. Nous continuerons à défendre le peuple hongrois et les frontières du pays – et de l’UE ».