À Varsovie, Covid-19 ou pas, les Erasmus comptent bien profiter de leur année

En ce début d’année universitaire polonaise, Varsovie accueille de nombreux étudiants étrangers qui, malgré la mise en place de cours en ligne, ont décidé de vivre une expérience Erasmus. Trois étudiants nous parlent de ce choix, et de l’impact des mesures liées à la pandémie de Covid-19 sur leur vie à l’étranger.

Si la situation liée à la pandémie de Covid-19 en Pologne semblait être une des plus rassurantes cet été, l’augmentation drastique du nombre de cas confirmés durant le mois de septembre a poussé le gouvernement polonais à mettre en place de nouvelles restrictions. Ainsi, depuis le 17 octobre, et en plus des mesures déjà mises en place, le nombre de personnes dans les magasins est limité, tout comme celui des salles de spectacles. Depuis le 24 octobre, les bars et les restaurants ne sont plus ouverts, hormis pour les plats à emporter. Les établissements scolaires sont dans l’obligation d’organiser des cours en ligne, ce qui était déjà le cas pour la majorité des universités varsoviennes. De telles mesures avaient été envisagée dès la fin de l’été.  De plus, les boîtes de nuit sont complètement fermées depuis le 17 octobre. 

Profiter, coûte que coûte

Malgré ces mesures, de nombreux étudiants, principalement européens, ont fait le choix de venir en Pologne, pour vivre coûte que coûte une année d’Erasmus. C’est le cas de Natália, étudiante slovaque à l’Université de Varsovie, que je rencontre au café « Pożegnanie z Afryką », dans la vieille ville. Étudiante de 23 ans, à l’élégant tailleur, plutôt timide, mais curieuse, elle a déjà passé le semestre dernier à Varsovie et a choisi de renouveler l’expérience pour son second séjour Erasmus. Après avoir commandé un vin chaud, elle explique que c’est la qualité des cours, même donnés en ligne, qui avait motivé son choix.

Natalia, étudiante en Erasmus à Varsovie.

Natália regrette néanmoins une nette différence entre les cours en ligne et ceux en présentiels. « Le semestre dernier, j’ai vu le passage des cours normaux aux cours en ligne, et je pense que certains professeurs ont très bien géré la situation. Mais j’ai également eu quelques cours, où le professeur se contentait d’envoyer des lectures, qu’évidemment, je ne lisais pas », avoue-t-elle en roulant les yeux d’un air entendu. En choisissant Varsovie une seconde fois, elle avait tout de même un espoir : « que les cours soient à 50% en ligne, et à 50% en présentiel. »

« Je tiens beaucoup à faire des rencontres internationales, je trouve que c’est un énorme cadeau qui nous est fait, je pense qu’il faut vraiment en profiter. » 

La situation est différente pour Léna, étudiante en sociologie à l’Université Côte d’Azur, à Nice, qui avait choisi de faire son Erasmus à Varsovie en décembre 2019 lorsque le mot pandémie n’avait même pas encore été prononcé. Lorsque je la rencontre, enveloppée dans un long manteau et une lourde écharpe, à « Shabby Chic », un autre café de la vieille ville où nous nous partageons toasts et sernik, accompagnés d’un latte à la citrouille, elle m’explique qu’elle a tout de même décidé de venir en Pologne, pour découvrir une autre culture, mais aussi pour rencontrer de nouvelles personnes. « Je tiens beaucoup à faire des rencontres internationales, je trouve que c’est un énorme cadeau qui nous est fait, je pense qu’il faut vraiment en profiter […]. Mais je tiens aussi à rencontrer des Polonais et des Polonaises parce que c’est le côté un peu culturel de l’expérience, j’ai envie de saisir leur culture, leur langue, leurs codes. »

Lena, étudiante en Erasmus à Varsovie.

Face à la fermeture des boîtes de nuit et aux inévitables cours sur zoom, l’étudiante ne s’avoue pas vaincue : elle utilise les groupes Erasmus des réseaux sociaux, mais aussi Tandem, une application qui permet de mettre en contact des personnes désireuses d’apprendre une langue, et rencontrer des personnes de différentes nationalités. Elle raconte d’ailleurs, avec les yeux qui pétillent, avoir rencontré un Polonais la veille, dans le même café où nous nous trouvons, grâce à cette application. Après une gorgée de latte, elle me dit aussi que se retrouver en groupes restreints de personnes qui partagent un même intérêt peut être une façon nouvelle se rencontrer : « Je pense que dans ces moments-ci, le numérique jouera rôle encore accru dans les rencontres. C’est un peu triste, mais ça peut aussi apporter pas mal de choses. » 

Ne pas renoncer aux rencontres

Son séjour polonais n’est donc en rien une déception puisque la découverte de nouvelles personnes, d’une nouvelle culture est selon elle l’essence de tout échange à l’étranger. Elle ajoute même que si ces méthodes rendent les rencontres plus difficiles et moins naturelles, elles sont simplement un autre moyen de découvrir des personnes : « Je pense qu’il faut se motiver à sortir et rencontrer des gens. Il y a beaucoup de choses qui nous sont enlevées avec les cours en ligne, ce côté moins spontané des rencontres, donc il faut des rencontres ailleurs. »

C’est aussi ce que confie Khaled, étudiant égyptien de l’Université de Rome, censé rester un semestre à l’École polytechnique de Varsovie. Si sa coupe afro et son sourire lui donnent un air plus fêtard que Natália, il m’explique ne pas être fan des rencontres d’un soir : « Je préfère rencontrer des gens à l’université, pas dans les boîtes de nuit…parce qu’ils sont toujours bourrés. » Mais les restrictions imposées aux bars et restaurants rend les rencontres « plus difficiles […], en ligne tu ne peux pas physiquement rencontrer les personnes », ajoute-t-il en finissant son chocolat chaud.

Khaled, étudiant en Erasmus à Varsovie.

Léna admet également que ce semestre en Pologne sera bien différent de celui qu’elle a passé au Mexique, deux ans auparavant et qu’elle évoque d’ailleurs avec un brin de nostalgie : « la fermeture des boites de nuit, je dois dire que c’est vraiment dommage quand j’étais au Mexique, je dois dire que [les expériences] tournaient surtout autour de ça ». Elle ne regrette cependant pas forcément ces soirées : « comme c’est fermé, on est obligé de passer plus de temps avec les gens et à se retrouver dans d’autres endroits comme les cafés. » Avec la fermeture des cafés et bars le 24 octobre, c’est un nouveau lieu de rencontre qui disparaît. Léna tente, encore une fois, de rester positive : « il reste encore les parcs, on a la chance d’en avoir beaucoup à Varsovie ! Et même s’il va faire froid, on mettra des gants ! ». Elle avoue tout de même que cela sera encore plus compliqué qu’auparavant.

Natália, pour qui les mesures paraissent être finalement peu utiles, surtout quand on sait que l’Organisation Erasmus de Varsovie, a mis en place une semaine d’intégration rythmée de soirées étudiantes et de sorties en boîtes de nuit.

Tous trois admettent cependant que les restrictions ne les empêcheront pas de participer à des soirées étudiantes si celles-ci sont organisées dans des appartements ou des endroits autorisés. Khaled précise qu’il respectera évidemment les mesures du gouvernement, même s’il les trouve parfois peu appropriées et estime notamment que certaines sont mises en place pour contrôler la population et non pour réellement la protéger. Il cite par exemple le port du masque dans la rue, d’ailleurs, au moment de régler l’addition, il oublie de remettre son masque ce qui ne semble choquer personne. Même sentiment pour Natália pour qui les mesures paraissent être finalement peu utiles, surtout si l’on tient compte du fait que l’ESN, l’Organisation Erasmus de Varsovie, a organisé fin septembre une semaine d’intégration rythmée de soirées étudiantes et de sorties en boîtes de nuit.

D’ailleurs, elle admet avec un sourire vouloir profiter de la dernière nuit avant la mise en place des restrictions du 17 octobre : « Je crois qu’ils ferment demain, donc j’irai ce soir pour la dernière nuit et si d’autres soirées sont organisées, j’irai parce que je m’ennuie tellement », conclut-elle avec une moue de lassitude et en jouant avec le citron resté au fond de son verre. Léna résume ainsi la situation : « Je n’ai pas envie de passer mon Erasmus à psychoter en me demandant si j’ai le Covid. Si j’ai la certitude de l’avoir je prendrai les précautions nécessaires, mais je pense qu’il faut savoir profiter de l’expérience, […] on a besoin de rencontrer d’autres personnes que ce soit dans un appartement, lors d’une rencontre. » Elle ajoute qu’elle vit seule et qu’elle ne met personne en danger en contournant les mesures. Natália, au contraire, vit dans une collocation de plusieurs étudiants ce qui rendrait, selon elle, un potentiel confinement plus agréable.

Cette année sera donc forcément particulière, y compris pour les étudiants d’Erasmus, qui auront peut-être du mal à comparer leur expérience à celle de leurs prédécesseurs, comme le souligne Léna, avant d’ajouter, pleine d’espoir, que les mesures permettront peut-être de « passer plus de moments intimes ou personnels avec la personne et de mieux la connaitre » et donc en rien de l’empêcher, d’une manière ou d’une autre, de profiter de son semestre à l’étranger.

Pauline Boudier

Étudiante à Varsovie.

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