À Munich, Volodymyr Zelensky a tenté de maintenir l’Ukraine dans l’agenda des Occidentaux

Lors de la conférence internationale sur la sécurité à Munich, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a prononcé un discours pour maintenir l’Ukraine dans les débats. Il a rappelé que le conflit dans le Donbass était loin d’être terminé.

Volodymyr Zelensky était pour la première fois présent comme chef d’État à la conférence sur la sécurité de Munich le 15 février dernier. Regrettant que l’Ukraine soit aussi peu mentionnée dans le rapport annuel de sécurité préparé en prévision de la conférence à Munich (une première depuis le début du conflit il y a cinq ans !), il a  insisté dans son discours sur la dimension européenne qu’avait le conflit armé dans le Donbass, afin qu’il ne soit pas considéré comme étant uniquement interne à l’Ukraine. “C’est une guerre en Europe, et elle dure depuis aussi longtemps que la Seconde guerre mondiale ».

L’accent a également été mis sur la Crimée et son annexion par la Russie qui n’a toujours pas été résolue à l’échelle ukrainienne et internationale. Enfin, contre un risque de léthargie des acteurs internationaux vis-à-vis du conflit dans le Donbass, il a rappelé que les “problèmes aigus ne devaient pas perdre leur pertinence, tant qu’ils n’étaient pas résolus”. À cela, le président ukrainien a ajouté que la fin du conflit dans le Donbass ne se ferait que lors du passage des territoires séparatistes et de la Crimée sous le contrôle du gouvernement ukrainien.

Volodymyr Zelensky à la conférence de Munich sur la sécurité. Source : Kyiv Post.

Sur les avancées politico-diplomatiques enregistrées par l’Ukraine depuis l’arrivée au pouvoir du président Zelensky, elles devraient se poursuivre en 2020 : “notre tâche principale aujourd’hui est d’assurer une mise en place rigoureuse des accords obtenus à Paris. L’Ukraine est prête et travaille dessus chaque jour. Chaque jour, pas à pas, nous allons vers la paix. Mais c’est une route dans les deux sens, et nous attendons avec impatience de voir les étapes suivantes” a-t-il souligné. Volodymyr Zelensky a ainsi confirmé qu’une nouvelle rencontre au format “Normandie” entre l’Allemagne, la France, la Russie et l’Ukraine devrait être organisée dans un futur proche.

Dans le Donbass, il a confirmé la nécessité d’un engagement au niveau militaire des deux côtés de la ligne de contact, en accord avec les accords de Minsk et les conclusions présentées suite à la réunion au format “Normandie” à Paris en décembre 2019. Dans ce domaine, de nouvelles échéances sont prévues en 2020 avec un échange de prisonniers entre l’Ukraine et la Russie d’ici le mois d’avril annoncé par le ministre des affaires ukrainien Vadim Pristayko. En effet, plus de 200 civils sont toujours emprisonnés dans les Républiques autoproclamées de Donetsk et de Lougansk, dans des “conditions inhumaines” a rappelé le président ukrainien, ainsi qu’une centaine de Tatars de Crimée détenus en Crimée et en Russie.

« Plus de 200 civils sont toujours emprisonnés dans les Républiques autoproclamées de Donetsk et de Lougansk. »

L’un des sujets de tensions en Ukraine depuis quelques mois concernait l’organisation future d’élections dans les territoires séparatistes de Donetsk et de Louhansk. Le président ukrainien a réaffirmé lors de son discours qu’il souhaitait que des élections se tiennent partout en Ukraine, y compris dans ces territoires, d’ici le mois d’octobre 2020, et qu’ils y travaillaient chaque jour. Néanmoins, elles n’auront lieu que sous certaines conditions. Le président ukrainien a insisté sur le fait que cela passera notamment par le contrôle de la frontière entre l’Ukraine et la Russie par les forces ukrainiennes, le respect la Constitution ukrainienne et les standards internationaux en matière d’élections. Tant que la sécurité ne sera pas assurée dans la zone, ces élections ne seront pas organisées. Le dialogue avec les populations du Donbass demeure un point fondamental pour Volodymyr Zelensky, “… je l’ai dit à Paris et je le répète encore : les gens dans le Donbass ont besoin d’élections qui seront organisées par l’Ukraine et reconnues par le monde entier”. Il refuse néanmoins l’ouverture de pourparlers avec les dirigeants de facto de ces Républiques autoproclamées, qu’il ne reconnaît pas.

Enfin, la situation humanitaire du Donbass a été abordée par le président, avec des annonces de la création d’un fond pour financer des projets infrastructurels à l’Est et les reconstructions dues au conflit, “Pour la première fois, un tel fond sera administré conjointement par la Banque mondiale, le Bureau présidentiel et le gouvernement ukrainien”, a-t-il souligné. Une dernière annonce a été faite par le président sur la création future d’un “ministère pour la réintégration et la restauration du Donbass en Ukraine”.

Très relayé par les médias ukrainiens en raison des annonces et les échéances qu’il contenait, son discours a été rapporté par le média russe Kommersant comme ayant pâti d’une organisation qualifiée “d’étrange”. En effet, le média russe a tenu à insister sur le fait que le président ukrainien a prononcé son allocution dans une salle plus petite que le hall principal de conférence, où le chef d’État français Emmanuel Macron, le ministre des affaires étrangères russe Sergueï Lavrov ou encore l’ancien président ukrainien Petro Poroshenko se sont exprimés lors de la conférence.

En parallèle de ce discours, la situation dans le Donbass a suscité de nombreux commentaires avec la publication le 14 février sur le site de la conférence de la sécurité à Munich, d’un plan en douze points sur la résolution du conflit proposé par des experts et organisations internationales. L’Ukraine et les États-Unis ont déclaré ne pas reconnaître ce plan de résolution et, dans les heures qui suivent, ce texte a été retiré du site, puis publié de nouveau. Signe du niveau de flottement et d’incertitude qui règne autour de la situation dans le Donbass à l’heure où, à peine quelques jours après ce sommet, la désescalade semble encore fragilisée dans l’Est de l’Ukraine.

Pauline Maufrais

Diplômée de l’université Paris I Panthéon-Sorbonne en Relations internationales et affaires étrangères avec une spécialisation sur l’espace russophone. Volontaire en service civique en Ukraine dans deux ONG spécialisées dans les droits de l’Homme.

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