Alors que l’on se presse pour venir en aide aux réfugiés d’Ukraine, plus au Nord, le long de la frontière avec le Bélarus, la traque des migrants se poursuit.
Les yeux du monde sont rivés sur la frontière ukrainienne, où continuent d’affluer les réfugiés. Pendant ce temps, les activistes toujours présents à la frontière polono-bélarusse, côté polonais, désespèrent. Depuis quelques jours, les tentatives de passages d’exilés originaires principalement du Moyen-Orient se sont faites plus fréquentes. Et pour cause, le « camp en dur » de Bruzgi, dans un centre logistique situé côté bélarusse de la frontière, a été liquidé. 400 personnes s’y trouvaient encore à la date du 20 mars, d’après le média Motolkohelp.
Ce camp sommaire avait été installé en novembre 2021, alors que quelques 4 000 migrants qui avaient convergé vers la Pologne s’étaient retrouvés coincés aux environs du passage frontalier de Kuźnica. Mais depuis le 22 mars, l’entrepôt est vide. Si une centaine d’Irakiens, qui logeaient dans le centre de Bruzgi ont pu être rapatriés à Erbil grâce à un vol depuis Minsk, plusieurs dizaines d’entre eux – dont de nombreuses personnes moins mobiles, avec enfants ou souffrant de handicap – ont tenté leur chance à la frontière polonaise.
Reportage avec les bénévoles à la frontière qui tue, entre la Biélorussie et la Pologne
Le corps d’un homme retrouvé
Un groupe de 16 personnes notamment s’est retrouvé piégé dans les marais de Siemianówka, avec un nouveau-né de 40 jours. Née dans le centre de Bruzgi, la petite Tree a pu en être extirpée in fine, comme ses compagnons d’infortune, par les Gardes-frontières (Straż Ganiczna). Ces personnes se trouvent toujours sur le sol polonais, pour le moment à l’abri d’un énième refoulement au Bélarus, pratique dont le groupe a déjà été victime plusieurs fois, selon les activistes de Grupa Granica.
Par ailleurs, le 18 mars, un autre père de famille trouvé par Straż Ganiczna en territoire polonais a été « reconduit » côté bélarusse de la frontière toujours selon Grupa Granica. Ce regroupement d’ONG et de particuliers aidant à la frontière polono-bélarusse, estimait le 17 mars qu’il y aurait encore au moins un millier de personnes à se trouver côté Bélarus.
Le 21 mars, Straż Ganiczna a relevé que 134 personnes avaient tenté de franchir la frontière polono-bélarusse : un record pour l’année 2022. Grupa Granica a de son côté reçu des appels à l’aide concernant 125 personnes les 20 et 21 mars. Quelques jours plus tard, venant s’ajouter au bilan tragique des refoulements pratiqués des deux côtés de la frontière, le corps d’un homme – non identifié a été retrouvé sans vie dans la forêt de Białowieża le 24 mars. Le parquet polonais a établi qu’il s’y trouvait là depuis déjà plusieurs semaines. Une vingtaine de décès a été avérée dans ces forêts depuis le début cet épisode migratoire orchestré par Alexandre Loukachenko à l’été 2021, selon Oko.press.
« Les standards appliqués pour l’aide apportée à la frontière polono-bélarusse sont très différents de ceux appliqués pour la frontière polono-ukrainienne ».
Marta Górczyńska
Le lendemain, quatre activistes de Grupa Granica, ont été convoquées devant le tribunal d’Hajnówka. Leur tort ? Avoir pris à bord de leur véhicule une famille d’exilés qui erraient depuis trois mois dans les forêts de Podlachie. Accusés d’organiser un franchissement irrégulier de la frontière, le parquet avait exigé trois mois d’arrestation. « C’est absolument choquant » a déclaré Marta Górczyńska, avocate au sein de Grupa Granica dans une vidéo partagée sur Twitter le 25 mars.
« On voit que les standards appliqués pour l’aide apportée à la frontière polono-bélarusse sont très différents de ceux appliqués pour la frontière polono-ukrainienne : à la frontière ukrainienne cette aide est bien vue. À la frontière polono-bélarusse, en revanche, malgré une violence inouïe dans les bois et la présence de personnes handicapées, d’enfants en bas âge, de personnes qui ont été torturées… on ne laisse pas les organisations humanitaires s’en approcher ». Les activistes seront tous finalement relaxés.