Près de 8000 personnes se sont rassemblés hier soir à Bratislava à l’appel du collectif « Pour une Slovaquie intègre », créé aux lendemains du double meurtre du journaliste d’investigation Ján Kuciak et de sa compagne Martina Kušnírová. Les agriculteurs venus lundi en tracteurs de l’Est et du centre du pays se sont également joints à la foule.
Plusieurs rassemblements ont eu lieu en Slovaquie hier soir pour protester contre la corruption qui règne dans le pays. A Bratislava, six à huit mille personnes ont défilé à l’appel de l’initiative citoyenne « Za slušné Slovensko » (‘Pour une Slovaquie intègre »). Quelques centaines de manifestants se sont rassemblés à Banská Bystrica, Košice et Levice.
Il s’agit de la huitième fois que les Slovaques descendent dans la rue après le double meurtre du journaliste d’investigation Ján Kuciak et de sa compagne Martina Kušnírová en février dernier. Cette fois, les agriculteurs se sont également joints à ces rassemblements anti-corruption, afin de protester contre les pratiques mafieuses dans le secteur agro-alimentaire. Venus du centre et de l’Est du pays en tracteurs, ils ne sont toutefois pas parvenus à être reçus par le Premier ministre Peter Pellegrini ni par aucun membre du gouvernement.
Dans la capitale slovaque, le défilé a été emprunt de solennité avec une minute de silence dédiée à la mémoire d’Henry Serafica, un jeune Philippin tué début juin dans le centre-ville de Bratislava pour avoir voulu défendre ses amies d’une agression raciste.
Corruption : des colonnes de tracteurs convergent vers Bratislava
« Nous sommes avec vous »
Sur la place du Soulèvement national slovaque, les orateurs se sont succédés dans la soirée pour donner du relief à cette convergence des colères. Les figures de proue du collectif « Za slušné Slovensko », les étudiants Juraj Šeliga et Karolína Farská, ont accusé le pouvoir politique d’être responsable du piétinement de l’enquête sur le double meurtre de Ján Kuciak et de sa compagne. Juraj Šeliga a également eu un mot pour les agriculteurs, en moquant le Premier ministre Peter Pellegrini, « qui fait semblant d’être un grand agriculteur qui plante des pommes de terre, mais qui ne prend pas la peine de rencontrer les fermiers quand ils sont là ».
Les organisateurs s’en sont également pris au paquet de dépenses sociales annoncé début juin – près de 600 millions d’euros – dont le rôle est, selon eux, de calmer la gronde populaire. « Le gouvernement n’offre pas de solution, il ne fait que distribuer l’argent de façon populiste, mais sans changement de fond. Il y a de plus en plus d’informations sur des magouilles, et les tribunaux et le parquet se taisent », ont-ils pointé.
Une lettre de la sœur de Ján Kuciak a été lue: « Janko ne faisait pas cela pour lui-même. Il dévoilait les affaires pour nous tous. Je préférerais prendre ma famille avec moi et l’emmener ailleurs loin, loin de tout. Mais je ne peux pas. Nous devons tenir. Nous le devons à Ján et Martina. »
Les représentants des fermiers sont montés sur le podium plus tard aux cris de la foule « Nous sommes avec vous ». Ils ont remercié les habitants de Bratislava qui les ont soutenus et même nourris depuis leur arrivée en ville. Le meneur des fermiers protestataires, Patrik Magdoško, a déclaré : « notre protestation a eu du succès entre autres grâce à vous, Bratislaviens. Vous vous êtes tenus à nos côtés, nous vous remercions ! Nous avons eu du succès. Évidemment, nous ne faisons pas tellement confiances aux politiciens, nous allons continuer à suivre leurs actes. » Il a ensuite remercié les citoyens du sud de la Slovaquie en hongrois.
« Nous ne partons nulle part. Nous n’abandonnons pas, nous continuons ensemble. Nous créerons une vision pour une Slovaquie digne et juste ! », a harangué Juraj Šeliga pour clore le rassemblement.