La Slovaquie veut faire taire « sa » minorité hongroise

Il serait bon que les Hongrois et les autres minorités de Slovaquie renoncent à leurs projets estivaux et mettent à profit le mois d’août pour régler leurs éventuels problèmes administratifs, car à partir du 1er septembre, ils n’auront plus le droit de s’exprimer dans leur langue maternelle, ni dans l’administration, ni dans les médias.

Finis les « Jó napot kivánok » et les « Bocsánat, nem értem ». Les quelques 600 000 magyarophones du Sud du pays (10% de la population totale) devront désormais se fendre de « Dobrý den » et de « prepácte mi, nerozumiem », sous peine d’une amende pouvant aller jusqu‘à 5000 euros! La simple mention d’un nom de localité en langue minoritaire sera aussi passible d’amende. Une façon, pas très élégante, pour le pouvoir slovaque de rappeler à ces « dangereux séparatistes » qu’ils ne font plus la loi comme aux temps de la Grande Hongrie et qu’ils ne sont plus chez eux. C’est à peu près le message qu’avait adressé Nicolae Ceaușescu aux Hongrois de Roumanie dans les années 1980…

Les autorités hongroises ont choisi la voie diplomatique pour répondre à cette provocation. C’est l’eurodéputé du Fidesz Ádám Kósa (voir l’article sur Ádám Kósa, « l’euro buzz » du Fidesz ) qui a lancé la contre-attaque lors de la session inaugurale du Parlement européen en appelant ses collègues à prendre position sur cette loi qu’il juge discriminatoire et non-conforme aux principes de l’Union européenne. « Nous sommes les témoins d’une chasse aux sorcières institutionnalisée dirigée contre la minorité hongroise en Slovaquie » a pour sa part commenté Csaba Lukács du grand quotidien hongrois de droite Magyar Nemzet.

« Le temps du royaume de Hongrie est terminé ! » – Robert Fico

« Le temps du royaume de Hongrie est terminé et la Slovaquie ne se laissera pas dicter sa conduite par Budapest », a déclaré le Premier Ministre slovaque, Robert Fico, irrité par la contre-offensive diplomatique de Budapest. Pourtant la loi ne fait pas non plus l’unanimité côté slovaque. Le quotidien progressiste Sme a estimé que « la loi va à l’encontre du bon sens. Exiger que les membres de la minorité parlent slovaque entre eux est absurde ». Un avis que partage bien évidemment Pál Csáky, du Parti de la coalition hongroise, qui estime que « même sous la monarchie autrichienne, on n’avait pas une loi pareille. Elle est l’expression d’une mauvaise volonté et d’un impérialisme linguistique ». Son parti compte faire appel à la Cour constitutionnelle slovaque et au Conseil de l’Europe.

De part et d’autre de la frontière, les nationalistes s’attisent : quand les uns coupent les oignons, les autres pleurent. Côté slovaque, la percée de l’extrême-droite hongroise pourrait redonner de l’élan à Ján Slota, le leader du Parti National Slovaque (PNS), un parti d’extrême-droite membre de la coalition gouvernementale, tandis que la nouvelle législation slovaque est du pain bénit pour la frange nationaliste hongroise qui a l’habitude de faire son beurre sur ce type de provocations. A cette différence près qui est fondamentale : du côté slovaque, les provocations ne sont pas le fait d’une frange radicale de la population emmenée par un parti minoritaire, comme c’est le cas en Hongrie. Non, chez les Slovaques, ce type de comportement, xénophobe et ethnocentriste, est porté par le plus haut niveau de l’Etat. Ján Slota s’est notamment distingué à de multiples reprises pour ses diatribes anti-Roms et anti-Hongrois. Pour lui, les Hongrois de Slovaquie sont un « cancer sur le corps de la nation slovaque ». Sa solution ? « Envoyer des blindés sur Budapest » (Sic!). Des réflexions qu’il a partagé publiquement au cours de la campagne électorale qui a porté son parti au gouvernement…

Je te déteste un peu, beaucoup, passionnément…

Les relations entre les deux pays sont détestables depuis…toujours en fait. Depuis qu’ils sont tous les deux des Etats-nation souverains, c’est à dire (grosso modo) depuis le début des années 1990. C’est la gestion des eaux du Danube (toujours irrésolue) qui a d’abord empoisonné les rapports entre Hongrois et Slovaques, puis s’est imposée la question jusque là occultée par le pouvoir communiste de l’intervention de Budapest en faveur de ses minorités. Depuis l’entrée, en 2006, des nationalistes de Ján Slota au gouvernement slovaque, les relations entre les deux voisins sont devenues absolument excécrables.

Les tensions ne risquent pas de diminuer avec la prise de pouvoir probable en 2010 du leader du Fidesz, Viktor Orbán, qui se devra de flatter la frange nationaliste de son électorat pour qui la question du soutien aux minorités hongroises est primordiale. Il estime d’ailleurs que la coalition sociale-libérale au pouvoir a « […] affaiblit la Hongrie en la détournant des Hongrois vivant de l’autre côté de la frontière », et il a d’ores et déjà annoncé qu’il soutiendrait les volontés d’autonomie des Hongrois d’outre-frontière. Un sujet extrêmement sensible du côté de Pozsony… « oups », devrait-on dire Bratislava ?

Corentin Léotard

Rédacteur en chef du Courrier d'Europe centrale

Journaliste, correspondant basé à Budapest pour plusieurs journaux francophones (La Libre Belgique, Ouest France, Mediapart).

3 Comments
  1. Français habitant en Slovaquie et ayant un hongrois comme meilleur ami, je vais essayer d’être le plus objectif dans ces relations Slovaquie-Hongrie. Car après 4ans passé en Slovaquie, on peut commencer à prendre partie.

    Pour revenir sur cette loi, les hongrois peuvent toujours parler en hongrois chez eux, les noms des rues et des villes du sud de la Slovaquie sont toujours dans les 2 langues, sur STV2 (chaîne publique donc d’état) vous avez toujours très tard le soir le journal en hongrois, vous avez toujours des écoles matérnelles, primaires, collèges et lycées d’enseignement en lanque exclusivement hongroise (le slovaque est limite une LV2 dans ce cas là)… . En gros pas de changement depuis le passage de cette loi.

    Les relations entres les 2 pays sont mauvaises à cause de : 1- les médias qui font leur beure sur des faits divers pouris mais qui, du fait de leur médiatisation, ne font qu’envenimer la situation. 2- les politiques slovaques et hongrois qui utilisent ces faits divers pouris pour faire eux aussi leur beure. Dans la pratique, les gens cohabitent plutôt bien. Donc le premier enseignement est de RELATIVISER tout ce quipeut être écrit sur les tensions entre les 2 pays. d’un côté le politico-média qui fout le bordel et de l’autre le peuple qui cohabite.

    Ce qui gêne les slovaques, c’est la Magyardska garda, espèce de garde hongroise peuplé de nationalistes/fascistes/racistes qui ont arrêté de faire tourner leur cerveaux en 1920 à la suite du Trianon. Ils vivent dans le rêve de la renaissance du royaume de Hongrie d’avant 1920. Pas un seul de ces « gardes » n’a connu cette période mais bon. Ensuite vous avez les 2 parties de droite, le fidesz, qui vient de gagner les élections, et le Jobbik, partie d’extrème droite. En Slovaquie, l’homme politique qui fout le plus le bordel c’est Jan Slota, leader du partie nationaliste SNS. C’est aussi un grand commique celui là, il déteste les hongrois et même dans son programme écrit de campagne électoral (juin 2010) il se permet de faire des commentaires dégradants à l’encontre des hongrois. à l’opposé on trouve le leader du partie des hongrois Pal Czagy (SMK) qui est aussi toujours là pour n remettre une couche. Je préférais largement plus l’ancien leader Bela Bugar qui était plus là pour représenter la minorité plutôt que d’appuyer les revendications nationalistes des hongrois.

    Pourquoi les slovaques sont pas content. On pointe très souvent les slovaques comme les méchants et les pauvres petites minorités hongroises comme les gentils persécutés. Désolé mais c’est pas ça. Ces minorités hongroises ont la nationalité slovaque et ont les mêmes droits que tous les citoyens slovaques de la République de Slovaquie. Ils peuvent parler en hongrois partout où ils vont (du moment qu’on les comprend), ils ont des écoles matérnelles, primaires, collèges et lycées en langue hongroise. Pour l’université en langue hongroise ils doivent aller en Hongrie. Les noms des villes, des rues (pas toutes), bureaux administratifs sont en hongrois, jusqu’à peu, les tests du permis de conduire se faisait aussi en hongrois. Bref, il y a quand même tout un dispositif mit en place. Alors quand les slovaques entendent les hongrois (et là la distinction est importante entre peuple et politiques car on entent que les politiques, pas le peuple) se plaindre et bah ça les énerves !! Car nous sommes en SLOVAQUIE et non en Hongrie. Les minaurités hongrois font la même scène en Roumanie, Serbie… . Tous ces changements on eut lieu il y a presque 100 ans maintenant mais le hongrois à la tête dure (c’est aussi pour ça que je les admires).

    Donc non les slovaques ne sont pas méchants (je le pense sincèrement) et il existe chez les slovaques une réelle peur de voir un jour une armée hongroie venir récupérer leurs territoires d’avant 1920.

    Les relations viennent de nouveau de s’envenimer avec un projet de naturalisation des minorités hongroises. En gros, les minorités hongroises de Slovaquie (et de nationalité slovaque) peuvent demander la nationalité hongroise sans résider en Hongrie. Certains slovaques voient dans cela un premier pas vers une tentative progrssive de récupération de territoires, d’autres une simple provocation de la part de la Hongrie . Je n’ai pas suivie tout le dossier mais cette nouvelle est très mal prise côté slovaque.

    Le nationnalisme a fait une montée en flêche en Hongrie aux dernières élections donc à voir.

    Bonne soirée à tous et à toutes

    Olivier Le Mince

  2. Bonsoir, juste pour faire savoir qu’il ne faut aller loin pour voir la même chose en plus petit ….. Ben oui, faite un tour en Belgique, où Flamands et Wallons ou Wallons et Flamands se mangent la tête; Surtout du côté Flamand …Mais là aussi il faut relativiser; C’est surtout le fait des « hommes politique » et des « x-trémistes » (mais à quoi bon parler de ces gens là ?), le peuple là aussi est plus ou moins copain-copain… Mais tout de même, nous allons couper votre ville natale en deux et je vais garder une moitié qui parlera ma langue, vivra comme moi, …. et je vous laisse l’autre moitié. Croyer vous que les habitant qui vivent de mon côté vont appréciés ? Et vous ? Enfin, laissons tomber, et essayons de former une Europe unie et non toute raffistolée, et tournons nous plutôt vers les frontières de l’Europe et protégeons-là, nous nous en porterons que mieux. Bonne nuit.

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