Viktor Orbán a délivré un discours martial, messianique et paranoïaque

Devant des dizaines de milliers de partisans rassemblés devant le parlement jeudi, le dirigeant hongrois Viktor Orbán a célébré le 170ème anniversaire de la révolution de 1848 avec un discours d’une rare violence, encensant la résistance des forces nationales de la Hongrie face aux forces mondialistes d’un Occident déjà condamné par la submersion migratoire. « Bruxelles veut changer la population de l’Europe », a-t-il affirmé dans une diatribe qui le place loin à l’extrême-droite sur l’échiquier politique européen.

Voici quelques extraits de son discours traduit en français par les soins du gouvernement hongrois et communiqué aux journalistes. Ils sont accompagnés par nos propres explications (en gras).

Le dirigeant hongrois reprend à son compte la théorie de type conspirationniste du « grand remplacement » qui a cours dans les milieux d’extrême-droite, selon laquelle les élites libérales chercheraient à substituer une population non-européenne à la population blanche et chrétienne d’Europe :

« La situation, mes chers amis, est que l’on veut nous prendre notre pays. Pas d’un trait de plume, comme il y a cent ans à Trianon. Ce que l’on veut maintenant, c’est qu’en l’espace de quelques décennies nous le remettions à d’autres, à des étrangers venus d’autres parties du monde, qui ne parlent pas notre langue, qui ne respectent ni notre culture, ni nos lois, ni notre mode de vie […]. »

« La Hongrie est notre patrie, elle est notre vie, nous n’en avons pas d’autre, et c’est pourquoi nous lutterons jusqu’au bout pour elle et ne nous rendrons jamais. Nous savons qu’au bout du compte ce sont eux qui se trouveront face à nos candidats dans chaque circonscription. Leur mission est d’arriver au pouvoir pour mettre leur grand plan à exécution. Le grand plan consiste à briser la Hongrie qui se trouve en travers du chemin des migrants et à installer en quelques années d’abord quelques milliers, puis des dizaines et des dizaines de milliers de migrants dans le pays. Si nous laissons faire, sur les deux décennies à venir, des dizaines de millions de migrants prendront la route de l’Europe à partir de l’Afrique et du Proche-Orient. »

L’Union européenne – que le Premier ministre hongrois avait déjà accusée d’être « du côté des terroristes » – est ensuite directement accusée d’oeuvrer à ce plan :  

« Bruxelles ne protège pas l’Europe, car Bruxelles souhaite soutenir et organiser la migration au lieu de l’arrêter. Bruxelles veut diluer, changer la population de l’Europe, en sacrifiant notre culture, notre mode de vie et tout ce qui nous distingue en tant qu’Européens des autres peuples du monde. »

Viktor Orbán dépeint un Occident décadent et voué à la disparition, en opposition à la résistance des peuples orientaux :

« Les nations et les peuples de l’Europe occidentale perdent petit à petit, pas à pas, leurs quartiers et leurs villes. Il est de fait que ceux qui n’arrêtent pas la migration à leurs frontières sont perdus. Ils se feront absorber lentement, mais sûrement. […] Les jeunes d’Europe occidentale connaîtront encore le jour où ils se retrouveront en minorité dans leur propre pays et perdront le seul endroit du monde où ils pouvaient se sentir chez eux. »

Il s’inscrit dans la lignée des dirigeants d’extrême-droite dits « civilisationnistes » – dont Marine Le Pen fait partie – qui divisent le monde d’aujourd’hui entre nationalistes et mondialistes :

« L’Europe et la Hongrie se trouvent en plein milieu d’un choc de civilisations. […]  Jamais encore les forces nationales et mondialistes ne se sont affrontées comme aujourd’hui. D’un côté nous, les millions de sensibilité nationale, de l’autre l’élite mondialisée. D’un côté nous, qui croyons dans les Etats-nations, dans la défense des frontières, dans la valeur de la famille et du travail, et face à nous ceux qui veulent une société ouverte, un monde sans frontières ni nations, un nouveau type de famille, un travail dévalorisé et des ouvriers bon marché, dans un monde où règne la cohorte opaque de bureaucrates qui ne doivent de comptes à personne. Les premiers représentent les forces nationales et démocratiques, les seconds, les forces supranationales et antidémocratiques. »

Les passages suivants de son discours comportent une très nette connotation antisémite et visent évidemment l’homme d’affaires George Soros, incarnation du Mal aux yeux du Fidesz :

« Nous devons lutter contre un réseau international structuré en empire. Contre des médias entretenus par des groupes étrangers et des oligarques de l’intérieur, contre des activistes professionnels stipendiés, contre des fauteurs de troubles organisateurs de manifestations, contre le réseau des ONG financées par les spéculateurs internationaux, englobé et incarné dans la personne de George Soros. »

« Nous avons affaire à un adversaire qui est différent de nous. Il n’agit pas ouvertement, mais caché, il n’est pas droit, mais tortueux, il n’est pas honnête, mais sournois, il n’est pas national, mais international, il ne croit pas dans le travail, mais spécule avec l’argent, il n’a pas de patrie, parce qu’il croit que le monde entier est à lui. »

Le Premier ministre s’est aussi fait menaçant vis-à-vis de ses adversaires politiques, dans une mise en garde qui n’augure pas d’un apaisement après les élections dans la vie politique hongroise, marquée ces quatre dernières années de mandat par la violence des discours de haine et de diffamation. Les ONG notamment pourraient avoir à subir de nouvelles saillies du pouvoir :

« Nous réglerons naturellement nos comptes après les élections, aux niveaux à la fois moral, politique et juridique. »

Viktor Orbán a conclu son discours en appelant la jeunesse hongroise à la défense de la patrie menacée dans sa survie :

« Jeunes hongrois, la patrie a besoin de vous aujourd’hui. La patrie a besoin de vous, venez, rejoignez-nous dans notre lutte, de manière à ce que quand vous aurez à votre tour besoin d’une patrie, elle soit encore là. »

Photo : Botár Gergely / MTI.