Le « plus grand programme de sauvetage économique de tous les temps » annoncé en début de semaine n’est pas à la hauteur pour faire face à la catastrophe sociale qui a déjà débuté, estiment l’ensemble des partis d’opposition et des économistes hongrois.
Le premier ministre Orbán a annoncé lundi un programme de sauvetage de l’économie hongroise et ses ministres de l’Économie et de l’Innovation en ont précisé les contours mardi. L’État va réunir un total de 9 200 milliards de forints, soit 25 milliards d’euros, pour amortir les effets économiques ravageurs de la pandémie causée par le coronavirus en Hongrie au cours des mois et années à venir. Cela équivaut à 18-20 % de la richesse produite en Hongrie en un an (PIB), a précisé le gouvernement. Pour se faire, le budget annuel a été entièrement retoqué et le déficit public sera porté de 1 % à 2,7 %. Viktor Orbán s’est refusé à creuser plus profondément la dette publique, malgré la levée de la règle d’or des 3 % par la Commission européenne pour laisser la main libre aux États dans cette période de crise.
« Nous allons créer autant d’emplois que l’épidémie en a détruit », a affirmé Viktor Orbán. Le premier ministre, qui se vante d’avoir remplacé l’État social par une « société du travail », avait annoncé la couleur dès le départ : les efforts porteront sur la protection et la création des emplois, mais sans resserrer les mailles – déjà très lâches – du filet de protection sociale. Le gouvernement va prendre en charge 70 % des coûts salariaux des employés mis au chômage partiel pour une durée trois mois ; 2 000 milliards de forints de crédit subventionné et 500 milliards de garanties d’État seront mis à la disposition des entreprises en difficulté ; 600 milliards seront alloués au secteur du tourisme ; 450 milliards seront dédiés aux investissements pour la création d’emplois ; Un 13ème mois de retraite va être réintroduit mais progressivement sur 4 année.
Il n’a pas convaincu les partis d’opposition, qui ont critiqué ces mesures à l’unisson lors d’une conférence de presse commune lundi. Le Parti socialiste (MSzP) a plaidé pour une hausse de la protection sociale, très faible en Hongrie, en portant la durée des indemnités de chômage de 3 à 9 mois et à un minimum de 100 000 forints (un peu moins de 300 euros). Ces mesures « ne répondent pas aux problèmes des masses croissantes laissées sans travail, au désespoir des centaines de milliers de personnes menacées de licenciements [..] », a réagi pour sa part la Coalition démocratique (DK).
« Le gouvernement ne semble pas comprendre ou reconnaître la gravité de la crise ».
Des économistes montent au créneau
Quinze économistes ont signé une lettre ouverte dans laquelle ils appellent le gouvernement Fidesz à « une action plus décisive » pour répondre aux effets déjà dévastateurs de la mise à l’arrêt de pans entiers de l’économie. « Une crise économique et une catastrophe sociale se déroulent en Hongrie. Le plan publié par le gouvernement est insuffisant pour faire face à la crise économique et n’est pas à la hauteur de la catastrophe sociale », pointent-ils.
Selon ces économistes, le plan du gouvernement ne répond pas non plus à l’impératif de cohésion sociale et de solidarité, car il « ne met pas à contribution, même symboliquement, les couches les plus riches de la société ». Ils préconisent que l’Etat garantisse les salaires pour préserver les emplois ; augmente les aides sociales à commencer par l’allongement de la durée des allocation chômage (de trois mois seulement à l’heure actuelle) et l’augmentation des allocations familiales ; et mette à contribution les classes les plus aisées.
Les signataires – dont Ákos Péter Bod, Attila Chikán, Júlia Király… – critiquent aussi le fait que le plan sera financé non pas par des ressources supplémentaires, mais par des transferts d’argent public depuis d’autres domaines, et notamment par le retrait de fonds aux municipalités, qui ne seront plus en mesure de s’acquitter de leur mission sociale.
Les 15 économistes émettent également des doutes sur la fiabilité des prévisions macro-économiques du gouvernement. « Le gouvernement ne semble pas comprendre ou reconnaître la gravité de la crise. Il ne propose donc pas les ressources supplémentaires nécessaires pour sauver l’économie. Le gouvernement et la Magyar Nemzeti Bank (la banque centrale – Ndlr.) publient des objectifs de déficit budgétaire et des prévisions de croissance économique qui sont clairement insoutenables et nient la réalité ».