Les marchés peuvent-ils avoir la peau d’Orbán ?

Comme la couleuvre doit être difficile à avaler pour Viktor Orbán… Peu après son élection l’an passé, il avait assuré le spectacle en envoyant paître le FMI, avec, rappelons-le, un panache qui en avait fait jubiler plus d’un. Cela paraît bien loin. Depuis, ni la croissance ni les créations d’emplois ne sont au rendez-vous ; les mesures économiques « hétérodoxes » mises en place par le gouvernement ont sérieusement agacé à l’étranger ; les agences de notation se font de plus en plus menaçantes –  BBB- de Standard & Poor’s et Fitch et Baa3 de Moody’s – ; le Forint est en chute libre. Si bien qu’Orbán est contraint de s’en remettre à un nouveau prêt du FMI. Un véritable camouflet politique pour lui qui avait promis de rendre au pays son indépendance économique bradée, selon lui, par le socialiste Ferenc Gyurcsany puis Gordon Bajnai.

« Si le FMI revient, moi je m’en vais !« _ Viktor Orbán

« La Hongrie n’a pas besoin d’un accord de prêt avec le FMI. Si le FMI revient, moi je m’en vais », AURAIT (le conditionnel est important) réagi le premier ministre en début de semaine dernière à l’annonce de Standard and Poor’s de placer la dette souveraine hongroise sous surveillance, croit savoir Hirszerzö, relayé par Presseurop.eu.

Les négociations finalement entamées vendredi portent sur l’octroi d’un prêt au début de 2012 pour « contribuer à la croissance économique hongroise », selon le communiqué du ministère de l’économie. Et si Orbán  n’avait pas réellement l’intention de négocier, mais seulement de gagner du temps et de calmer les marchés par cette annonce, s’interrogent certains analystes. En Hongrie, on se demande surtout comment il va faire pour négocier et trouver un accord sans accepter en contrepartie les exigences du FMI (probablement renoncer à tout l’arsenal de mesures non-conventionnelles inefficaces et qui dérangent les marchés).

Orbán a beau tenter de sauver les apparences et gonfler les muscles « à la maison », le discours ne sera peut-être pas le même face à l’équipe de Christine Lagarde. « Les accords FMI « à l’ancienne » comme celui auquel nous avons mis fin à l’automne 2010 revenait à les laisser nous dire ce que nous devions faire en Hongrie. […] Nous ne voulons pas renoncer à avoir les mains libres« , a-t-il affirmé en fin de semaine sur Kossuth Rádió.

Manif syndicale, octobre 2011 à Budapest (HU-lala)

Le FMI, c’est bon pour les socialistes…

L’équation simple – mais qui s’était révélée diablement efficace aux dernières législatives – qu’a réussi à imposer la droite est la suivante : FMI = parti socialiste (MSZP) = austérité. Elle va donc laisser beaucoup de sa crédibilité restante dans l’affaire.

Chez la Fidesz, on tente donc désespérément de se démarquer de la période MSZP. Le vice-président du parti, Lajos Kosa, déclarait vendredi  à l’agence de presse officielle MTI : « Ce qu’on fait les gouvernements socialistes dans le passé, de laisser pratiquement le FMI écrire leur programme gouvernemental pour ensuite le mettre en application sans réserves – enterrant les 13è mois de retraite et de salaire, en introduisant tout un tas de mesures d’austérité, en tentant d’introduire une taxe foncière générale qui s’appliquerait même aux propriétaires – cela n’arrivera pas car cela va à l’encontre de nos principes« . Le ministre de l’Economie, Gyorgy Matolcsy a martelé pour sa part : « Nous ne sommes pas dépendants de la bonne volonté d’autrui« . Vraiment ?

L’opposition peut se frotter les mains…

Les derniers sondages d’opinion (datés d’avant ces « évènements ») montrent qu’après un an et demi de pouvoir, la Fidesz a perdu une partie importante de son électorat. Les oppositions,  socialiste et d’extrême-droite, ont repris des couleurs. « Vous voyez, notre politique [d’austérité] était la seule possible », va probablement dire le MSZP. « La Fidesz et les socialistes, c’est la même chose », va sans doute marteler Jobbik. On avait beau savoir qu’en Hongrie l’opinion se retourne très rapidement au gré des alternances, tout de même, quelques mois en arrière, il était difficile d’imaginer Orbán « le tout-puissant » dans la tourmente.

La faute à quoi ? A un « nationalisme raté », comme le désigne le site de tendance libérale Hirszerzö ? A la mise en « esclavage organisé par les spéculateurs, les sociétés capitalistes, les agences de notation, l’OMC et le FMI », comme le dénonce le très conservateur Magyar Hirlap ? Toujours est-il qu’un an et demi seulement après son arrivée au pouvoir, la Fidesz semble avoir déjà perdu la partie.

On entend déjà les anti-Orbán (et ils sont de plus en plus nombreux) glousser de plaisir devant le fiasco annoncé. Mais qui sont les dindons de la farce, ceux qui vont payer la note ? Qui sont ceux qui paient la facture des mesures d’austérité déjà en place ? Le porte-parole du 1er ministre, Péter Szijjarto n’en démords pas, des centaines de milliers d’emplois seront créés, comme promis. Mais pas sûr qu’il y ait encore quelqu’un pour écouter ce genre de promesses…

Corentin Léotard

Rédacteur en chef du Courrier d'Europe centrale

Journaliste, correspondant basé à Budapest pour plusieurs journaux francophones (La Libre Belgique, Ouest France, Mediapart).

7 Comments
  1. voila’ donc une enieme occasion ratee…pour la Hongrie b-sur…..

    mais au fait tout cela on le savait deja’ en 2010..et meme avant….

    l`emergence d`une nouvelle generation politque s`impose…..

  2. Ce ne sont pas les marches qui ont eu la peau de la Hongrie, c’est simplement ses citoyens.

    Les Hongrois, vieux ou jeunes, ne desirent, en aucune facon, de faire de vrai changement, c’est tellement plus simple, de continuer a faire de l’argent noir, des faux emplois, et autres, que le pays va probablement ne plus existe.

  3. En quelques mots, il y a maintenant urgence!
    Zoltán Csefalvay, secrétaire d’état à l’économie, demande que les négociations pour cette demande de crédit reprennent au plus vite.

    Techniquement, il y a vraiment danger !
    Si la commission européenne engage, pour un motif quel qu’il soit, une procédure devant la cour européenne de justice avant que les négociations ne soient bouclées, l’aide pourrait être suspendue le temps de cette longue procédure (plus d’un an).

    A suivre

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