Viktor Traski, mathématicien hongrois à Oujgorod, engagé volontaire dans l’est de l’Ukraine, a reçu le prix János Arany de l’Académie hongroises des sciences ce mardi.
Si la vie avait suivi son cours, Viktor Traski aurait reçu le prix János Arany lors de la 195e Assemblée générale de l’Académie hongroise des sciences, qui s’est déroulée le 3 mai à Budapest.
Mais c’est dans une vidéo de trois minutes, envoyée depuis le front en Ukraine orientale, que le mathématicien de Transcarpatie, la région du sud-ouest de l’Ukraine adossée à la frontière hongroise, a remercié ses pairs.
Depuis un abri militaire, il y décrit brièvement ses recherches, menées à l’Université nationale d’Oujgorod, visiblement peu dérangé par le son des bombardements qui se font entendre au loin.
« C’est exactement ce dont nous avons besoin pour l’artillerie ! », s’est exclamé l’officier en voyant débarquer le mathématicien dans le rang des volontaires, aux premiers jours de la guerre.
Sa brigade s’est retrouvée à plusieurs reprises sous le feu russe, mais sans faire de victime jusqu’ici, se réjouit-il.
Le produit d’une double culture
Pour en savoir plus sur le scientifique engagé volontaire, il faut consulter le site l’Alliance démocratique hongroise d’Ukraine qui lui a consacré un article.
Viktor Traski a soutenu sa thèse en 2016 à l’Université Taras Shevchenko de Kiev et enseigne, en tant que professeur agrégé, la théorie des fonctions réelles et complexes, l’analyse fonctionnelle et le calcul des probabilités au département de physique et de mathématiques de l’Université nationale d’Oujgorod (Ungvár, en hongrois).
N’ayant jamais reçu de formation militaire, il n’était pas réserviste et c’est donc en tant qu’engagé volontaire qu’il a rejoint la brigade de Transcarpatie.
Né sur le sol ukrainien dans un village proche d’Oujgorod, dans une famille de culture hongroise, il est un produit d’une double culture, hongroise et ukrainienne.
« Mes grands-parents paternels ne parlaient pas du tout l’ukrainien, mais mes parents ont toujours pris soin de communiquer dans deux langues à la maison, donc je parle parfaitement l’ukrainien et le hongrois », témoigne-t-il.
Sa femme, originaire elle aussi de la région et enseignante à l’Université d’Oujgorod, est de nationalité ukrainienne. Viktor parle hongrois à leurs deux enfants (David, trois ans, et Daniel, un an), tandis que sa femme leur parle en ukrainien.
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« C’est comme si l’histoire se répétait »
« Ma grand-mère paternelle (qui ne parlait pas ukrainien) m’a souvent raconté comment l’Armée rouge a « libéré » la Transcarpatie en 1944. Et quel sort attendait alors les Hongrois. C’est à peu près ce qu’il s’est passé à Boutcha, Irpin, Gostomil… », explique-t-il. « Mon grand-père a également été victime de représailles, il a été déporté aux travaux forcés dans le Donbass, uniquement parce qu’il était hongrois. Il a fallu de nombreuses années pour les réhabiliter ».
Les raisons de son engagement sont limpides et sa famille les a acceptées. « C’est comme si l’histoire se répétait. C’est pour ça que j’ai décidé de faire de mon mieux pour que cette atrocité n’atteigne en aucune façon la Transcarpatie ».
Trois autres Hongrois servent dans son unité, la 128e brigade de Transcarpatie.
Depuis 2014 et jusqu’au déclenchement de l’invasion russe, cent Transcarpates ont été tués dans les combats au Donbass, la plupart issus des rangs de la 128e brigade de Transcarpathie. 12 d’entre eux étaient hongrois.