La Défense européenne, de Tripoli à Gödöllő en passant par l’Otan

Dans mon dernier billet, j’ai pensé pendant quelques instants – pas longtemps rassurez-vous – que j’y étais peut-être allé un peu fort avec mon éternel scepticisme sur les possibilités qu’avaient l’Union européenne a être efficace.

En effet, peu de temps après la publication du dit billet, l’on pouvait lire dans la presse officielle des comptes rendus assez positifs sur les décisions prises par les pays membres dans le cas spécifique de la crise libyenne lors du Conseil informel des ministres de la Défense de l’Union européenne réunis à Gödöllő vendredi dernier.

Alors que cette question ne figurait pas, à l’origine, à l’ordre du jour de la réunion, elle en est devenue un élément dominant et on a pu lire des déclarations de Cathy Ashton concernant des sanctions prises à l’encontre de la Libye et de ses dirigeants actuels afin d’arrêter la violence, sanctions confirmées lundi par le conseil des ministres de l’Union européenne.

La Haute représentante de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité a même déclaré être en contact avec Hillary Clinton afin de pouvoir synchroniser les actions de Bruxelles avec ce que fait le reste de la communauté internationale. Jusque là tout va bien et l’optimisme laisse place au scepticisme.

Mais cela aurait été sans compter avec le secrétaire général de l’OTAN, Anders Fogh Rasmussen, qui, après avoir déclaré que la Libye n’était pas de son ressort la veille à Kiev a changé d’avis le lendemain à Budapest en déclarant que « l’OTAN peut agir comme un acteur et un coordinateur si ses Etats membres veulent entreprendre une action». Et de poursuivre, « court circuitant » ainsi magistralement le service de Madame Ashton : «Nous avons discuté avec les ministres de la Défense de l’Union européenne des moyens de contenir ce phénomène de façon pragmatique. C’est un exemple concret de la nécessité de coopération entre l’OTAN et l’UE (…)».

La responsable de la diplomatie européenne doit justement rencontrer Rasmussen ce mardi afin d’essayer de trouver des points d’entente pour mettre en place cette fameuse politique du «pooling and sharing» entre l’OTAN et l’UE. Nous verrons bien si le secrétaire général de l’OTAN ne tire pas une énième fois la couverture à lui. En effet, ce n’est pas la première fois que l’ancien Premier ministre danois essaie d’écarter Cathy Ashton. Pour l’heure, il est manifeste que l’homme a un sens de la communication bien plus habile que sa collègue de l’Union européenne et qu’un accord de coopération n’est pas prêt d’être trouvé.

Il faut dire aussi que les déclarations de la responsable de la diplomatie européenne sont creuses et vides à souhait. Et de reprendre l’éternel discours pour justifier le maintien de relations diplomatiques et commerciales mêmes avec les pays «dont le système de gouvernance ne nous plaisait pas» afin de les inciter à modifier leur comportement. J’aimerai bien que l’on nous cite un seul cas de la réussite d’une telle politique. Et je ne suis pas sûre qu’il soit très pertinent de s’appuyer sur les exemples de l’Iran et de la Corée du Nord pour rappeler qu’en son temps, l’Union et la communauté internationale ont su prendre des sanctions contre des régimes proscrits, prouvant ainsi indirectement qu’il y a au moins deux listes de pays hors la loi : ceux qui ne collaborent pas du tout et ceux qui sont prêts à le faire, pourvu qu’en échange on leur laisse la possibilité d’être seul maître à bord dans leur pays. Et d’oser préciser qu’elle (Catherine Ashton) «n’était pas convaincue que le monde serait un endroit plus sûr et que les Libyens vivraient mieux aujourd’hui si l’Occident avait refusé de négocier avec Kadhafi» – ce que nous ne saurons jamais – et de conclure, «nous devons adapter notre attitude aux circonstances qui changent. Le comportement scandaleux de Kadhafi ces derniers jours nous oblige de le renvoyer dans l’isolement».

A bon dictateur salut, restez dans les limites d’une dictature acceptable, ne vous faites pas remarquez, que l’on ne vous retrouve pas à la une des journaux et soyez tranquilles, ce n’est pas l’Union européenne qui viendra vous déranger.

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Cécile Vrain

Journaliste et docteur en Histoire des Relations Internationales de l'Université de Paris 1, spécialiste de la Hongrie.

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