Lundi sur la place des Héros à Budapest, des milliers de fans ont accueilli le onze magyar de retour de France après un Euro réussi au-delà de toutes espérances, malgré une lourde défaite en huitième de finale contre la Belgique. C’est donc l’heure du bilan.
La Hongrie est rentrée à la maison ce lundi, mais elle restera une des belles surprises de ce championnat d’Europe. Oublions le score du dernier match livré contre des Belges qui figurent parmi les favoris de la compétition, car l’équipe a montré un visage très séduisant jusqu’à la fin, ne se recroquevillant jamais et se livrant corps et âme à chaque occasion. Outre la figure fantasque et les parades de grande classe du gardien Gábor Király, les médias hongrois et étrangers ne tarissent pas d’éloges sur le jeu proposé par les Magyars.
Les plus de dix mille supporteurs hongrois qui ont fait le déplacement en France ont assurée une ambiance incroyable dans les stades, à Marseille, Lyon, Bordeaux et Toulouse. Dommage que certains d’entre eux aient choisi d’arborer le t-shirt noir Magyarország si sinistre en de pareilles circonstances. De même, on passera sur les drapeaux de la grande Hongrie et les Vesszen Trianon! («à bas Trianon!») revanchards lancés par quelques hurluberlus à côté de leurs pompes. La fête a été belle en France, mais aussi en Hongrie, où chacun des quatre matchs a donné lieu à des scènes de joie collective dans les rues. Même après le huitièùe perdu contre la Belgique !
Euro : qui sont les Ultras hongrois coupables de salut nazi ?
Le mercredi 22 juin risque de rester gravé longtemps dans la mémoire des fans. Au terme d’un match d’anthologie contre le Portugal (3-3), Budapest était prise de frénésie collective : des dizaines de milliers de personnes prenant possession du nagykörút pour fêter la qualification en 8è de finales, défilant sous le regard de Ferenc Puskás au niveau de l’Oktogon (la pub Unicum !). «Toute la ville est là ! Regarde bien ça Öcsi, c’est pour toi !», s’époumonait un homme d’une bonne soixantaine d’années.
«Le passé est révolu» (Bernd Storck)
Ce beau résultat permet à la fédération hongroise d’entrevoir le futur avec optimisme car il y a fort à parier que cet Euro 2016 va créer des vocations chez les jeunes et – qui sait – peut-être même que le public reviendra vers les stades qu’il a déserté depuis de longues années. Bernd Storck, le sélectionneur allemand de l’équipe nationale de Hongrie est optimiste pour le futur du foot hongrois. Il a déclaré lundi à la chaîne sportive de la télé publique M4 : «Nous avons livré une grande bataille, chapeau bas à notre performance d’ensemble dans le championnat d’Europe. Le passé est révolu, maintenant les éliminatoires pour la coupe du monde sont devant nous. L’équipe a montré qu’elle a la capacité et la volonté de jouer au football et je suis très optimiste».
Géza Mészöly est du même avis, le foot magyar en sortira plus fort. Il a évolué 18 fois avec la tunique nationale et connu deux clubs français (Le Havre et Lille) au cours de sa carrière. Nous avions eu la chance de l’avoir au micro de Francia Hangja une heure avant le coup d’envoi du match Hongrie-Islande.
Ria, ria, Orbánia!
Cette belle réussite sportive pour la Hongrie, c’est aussi une grande victoire politique pour son leader. Viktor Orbán marginalise ainsi encore un peu plus ses opposants, ceux qui dénoncent par exemple les millions dépensés dans des stades flambants neufs au dépens des secteurs de la santé et de l’éducation qui tombent littéralement en ruines.
Mais surtout, et c’est là sa grande victoire : ce mois de juin 2016 fera date dans la conscience nationale, restera comme un apogée de « l’Orbánisme » et contribuera à écrire sa légende, celle qui fait de lui LE dirigeant hongrois de la Hongrie post-communiste.
Lorsque László Bartus du Népszava.us entend le Ria, Ria, Hungária! qui a tant résonné en France et en Hongrie ces derniers temps, il comprend Ria, ria, Orbánia! Pour lui, comme pour le journal Libération, foot, business et politique font un mauvais ménage à trois. Viktor Orbán a en effet fait du foot un des piliers du renouveau du nationalisme hongrois (patriotisme, diront les mieux-veillants). L’interrogation sous-jacente, dans le contexte politique hongrois, est en quelque sorte la suivante : derrière les belles manifestations de joie de supporteurs dans les rues, ne faut-il voir que le signe d’un patriotisme parfaitement légitime (surtout pour un peuple qui s’est longtemps senti brimé dans sa fierté nationale), ou également un résultat du nationalisme attisé par le pouvoir à son service ?
Et maintenant, cap sur la Coupe du monde, dans deux ans en Russie. Ria, Ria… !
Hongrie : le renouveau national, cela passe aussi par le foot
Photos : Index.hu