En Tchéquie, une enquête sur « les héros du travail capitaliste »

Le projet d’enquête de Saša Uhlová explore les conditions de travail auprès des salariés les moins payés de Tchéquie.

Article publié le 7 septembre 2017 dans Political Critique sous le titre « The Heroes of capitalist Labor. Hulala est membre du réseau Political Critique.

Il y a cinq jours, le magazine en ligne A2larm.cz a publié le premier volet d’une série d’enquêtes menées par la journaliste Saša Uhlová, intitulée « Les héros du travail capitaliste » (« Hrdinové kapitalistické práce »). Ce projet, soutenu par la Fondation pour le journalisme indépendant, explore les conditions de travail des travailleurs non qualifiés et à faibles revenus dans les entreprises tchèques. Saša Uhlová a exercé plusieurs emplois sous une fausse identité, à temps partiel ou temporaire. Pendant des mois, elle s’est intéressée aux salaires perçus par les employés, à l’application du code du travail, et a exploré la situation générale et les histoires de vie des personnes qui occupent les emplois les moins rémunérés de Tchéquie.

Les personnes qui travaillent dans des emplois indispensables travaillent souvent dans des conditions insupportables et ne sont pas correctement rémunérées pour leur travail.

Depuis février, Saša Uhlová a travaillé dans différentes régions du pays, notamment dans une laverie d’hôpital, une usine de transformation de poulet, comme caissière dans un supermarché, dans une usine fabriquant des rasoirs et dans une usine de tri des déchets. À l’exception de l’usine de rasoir, elle a découvert que le code du travail n’était pas respecté, sous des formes diverses, dans tous les emplois qu’elle a occupés. « Il est fréquent que les différents travailleurs reçoivent des salaires différents pour faire le même travail et que les employeurs prolongent souvent les heures de travail dans les limites définies par la loi », explique Saša Uhlová. « J’ai été surprise de voir combien il est difficile de combiner des heures de travail rigides avec la vie personnelle et familiale. Le travail a souvent des effets négatifs sur la santé des travailleurs », ajoute la journaliste d’investigation.

Les employeurs prolongent souvent les heures de travail au-delà des limites définies par la loi.

« Les informations que Saša Uhlová révèlent au grand public portent sur des sujets fondamentaux qui ont été jusqu’ici ignorés par le journalisme tchèque, notamment les problèmes relatifs à la place du travail dans la société. Saša s’est concentrée sur des emplois souvent oubliés, ce en dépit de leur extrême importance pour le fonctionnement de la société. Ses enquêtes montrent que les personnes qui occupent ces emplois indispensables, comme dans l’alimentation ou la santé, travaillent souvent dans des conditions insupportables et ne sont pas assez rémunérés en conséquence. Pouvons-nous changer cela ? Je suis convaincu qu’A2larm, avec le soutien de la Fondation pour le journalisme indépendant, peut ouvrir un débat plus large sur cette question », explique Jaroslav Fiala, le rédacteur-en-chef du média tchèque.

Saša Uhlová s’est intéressée aux histoires de vie des personnes qui travaillent dans les emplois les moins payés en Tchéquie.

L’immersion entreprise par Saša Uhlová fait l’objet d’un documentaire – Limits of Work – réalisé par Apolena Rychlíková. Ce petit film est en cours de production pour la télévision, en coopération avec la Télévision tchèque, l’École des Arts de la scène, du cinéma et de la télévision à Prague, ainsi que la société de production Hypermarket, dans le cadre d’un cycle de documentaires d’enquête. Le long métrage sera présenté au Festival international du film documentaire à Jihlava. La télévision tchèque diffusera le film en novembre 2017 et les auteurs effectueront à une tournée de projection dans de plus petites villes tchèques en 2018. Le film et le débat ouvert sur les conditions de travail suscitent également l’intérêt en Pologne, où la revue Krytyka Polityczna envisage d’organiser une série de projections avec Saša Uhlová et Apolena Rychlíková.