Élections législatives en Ukraine : une nette victoire pour le camp présidentiel

La vague « dégagiste » portée par le président Volodymyr Zelensky a bien déferlé sur la Rada. Les électeurs ukrainiens ont placé son parti « Serviteur du peuple » largement en tête des élections législatives qui se sont déroulées hier.

Un peu plus de trente-cinq millions d’électeurs ukrainiens ont été invités hier à renouveler les 450 sièges que compte la Rada – le parlement ukrainien, dans le cadre d’élections législatives anticipées voulues par le président fraîchement élu Volodymyr Zelensky. Le parti présidentiel « Serviteur du peuple » a bel et bien transformé l’essai. Alors qu’il ne comptait que deux députés lors de la législature précédente, la formation créée par M. Zelensky pourrait remporter la majorité absolue au terme du dépouillement de tous les bulletins de vote.

Avec un peu plus de 42% des suffrages exprimés selon les dernières estimations, le chef de l’État a définitivement rempli son pari et recueilli le soutien des Ukrainiens séduits par ses promesses de renouveau politique. Avec un bémol important toutefois : un taux de  participation frôlant la barre des 50% (49,79%), soit un recul de deux points par rapport au scrutin parlementaire de 2014.

Les vétérans de la politique ukrainienne, l’ancien président Petro Porochenko (dont le parti « Solidarité européenne » a fait 8,9 % des voix) et Ioulia Tymochenko (Union panukrainienne « Patrie », 7,6 %) essuient quant à eux un camouflet important, dans la mesure où aucun des deux ne sera en situation de monnayer chèrement son soutien au parti majoritaire.

Ils sont talonnés de près par un nouveau venu sur la scène politique ukrainienne : Sviatoslav Vakartchouk (6,3 %), chef de file du parti europhile et libéral Holos, chanteur et compositeur du groupe de rock Okean Elzy. Ce dernier, malgré un score plutôt faible, pourrait pourtant être le partenaire de M. Zelensky dans une coalition à venir.

Un bouleversement du paysage politique ukrainien

Ces élections législatives – malgré le caractères encore partiel des résultats – laissent entrevoir deux grande nouveautés. Au contraire des législatures précédentes, le clivage ukrainophones/russophones semble voler en éclat. La formation prorusse Plateforme d’opposition n’a recueilli que 13% des suffrages, bien loin de ce que le vivier de l’électorat russophone pouvait laisser espérer au mouvement de Iouri Boïko, ancien membre du Parti des régions.

Ces élections avaient d’ailleurs été convoquées après que le président Volodymyr Zelensky ait manifesté son opposition à l’adoption d’une loi renforçant l’usage de la langue ukrainienne en dehors des sphères privée et religieuse, rendant ainsi patent l’incompatibilité des vues entre le président nouvellement élu et la majorité législative en place. Il manifestait ainsi son ambition de dépasser les anciens clivages.

D’autre part, la constitution ukrainienne prévoit que la moitié des sièges de la Rada revienne de manière proportionnelle à des élus via un scrutin de liste, tandis que l’autre moitié des députés serait élue dans les circonscriptions. Ce système avait tendance à privilégier les potentats locaux  et les réseaux clientélistes. Mais les premiers résultats semblent réfuter cette tendance, confirmant ainsi le soutien populaire apporté au parti présidentiel « Serviteur du peuple ».

Enfin, les formations d’extrême droite comme Svoboda ou Secteur droit, avec lesquelles les dirigeants ukrainiens de l’après-Maidan avaient entretenu des relations pour le moins complaisantes, sont totalement exclues du jeu politique. Cette marginalisation de la droite nationaliste devrait mettre fin aux accusations de collusion entre les forces pro-européennes et les milieux néofascistes, telles que formulées par le Kremlin.

Quel nouveau cap ?

Si les tendances actuelles se confirment, et que les scrutins dans les circonscriptions plébiscitent Volodymyr Zelensky, il n’est pas inenvisageable que le nouveau président gouverne seul. Cette situation serait inédite, non seulement depuis la révolution de Maidan, mais aussi depuis la dissolution de l’URSS et l’indépendance de l’Ukraine en 1991.

Si tel n’est pas le cas, il pourra toujours trouver des partenaires de coalition – dans un gouvernement et une Rada largement acquises à Serviteur du peuple – auprès des partis de l’Union panukrainienne « Patrie » de Ioulia Tymochenko ou encore de Holos. Quoi qu’il en soit, Volodymyr Zelensky se trouve dans une position de force pour entamer les réformes promises et redonner à l’Ukraine une incarnation forte sur la scène internationale.

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Gwendal Piégais

Docteur en histoire

Université de Bretagne occidentale, spécialisé en histoire militaire, Première Guerre mondiale, Europe Centrale, Russie impériale et soviétique