Les élections législatives slovaques se tiennent aujourd’hui samedi 12 juin, au terme d’une campagne électorale placée sous le signe du patriotisme et du nationalisme largement alimentée par les récentes évolutions du paysage politique en Hongrie. Deux partis hongrois peuvent espérer entrer au parlement.
La campagne électorale a atteint un paroxysme dans la médiocrité, dimanche 6 juin, quelques jours seulement avant les élections. Prenant prétexte de l’inauguration d’une grande statue du prince Svatopluk – du royaume de Grande-Moravie, au IXe siècle – dans un haut-lieu de la capitale slovaque, le premier ministre socialiste sortant et favori des sondages, Robert Fico, s’est répandu dans un discours lyrique, voire larmoyant, sur la grandeur de la nation slovaque. « J’appelle les patriotes de la Slovaquie toute entière. Venez avec vos enfants, vos petits-enfants, et montrez leur que la grandeur et l’histoire de notre château n’a rien a envié à ceux de Wawel et Hradčany [A Cracovie et Prague, ndlr]. » « L’ événement » était retransmis en direct par la télévision nationale slovaque.
La surenchère des nationalismes de part et d’autre du Danube
C’est sans surprise que le contexte hongrois a été un facteur clé dans la campagne électorale. Avec la loi sur la double citoyenneté votée récemment par Budapest, ainsi que sa volonté de réunir la nation culturelle hongroise via le « Jour de l’Unité nationale », le nouveau gouvernement hongrois Fidesz a donné du grain à moudre aux politiciens slovaques, qui n’ont pas manqué de dramatiser la portée de ces lois, dans le but de raviver la « bonne vieille peur du Hongrois » et s’ériger en défenseur de la nation slovaque menacée. Les analystes politiques s’attendent donc à ce que les nationalistes slovaques capitalisent sur cette peur le jour du scrutin.
Beaucoup des 500.000 Hongrois vivant dans le sud de la Slovaquie, s’ils sont favorables à cette loi leur octroyant plus facilement la citoyenneté hongroise, ont compris cependant que le timing de Budapest était pour le moins inopportun. Cité par Kateřina Zachovalová, une journaliste tchèque indépendante, le maire de la ville slovaque à majorité hongroise de Komárno, Tibor Bastrnák estime « qu’après avoir attendu ceci pendant des décennies, nous pouvions encore attendre cinq semaines de plus. Ce n’est pas bon pour nous, les Hongrois qui vivons de ce côté de la frontière, si Slota est au pouvoir. »
Ján Slota, le nom est lâché. Il est une sorte de « bouffon-épouvantail » de la politique slovaque, classé à l’extrême-droite, violemment anti-hongrois (parmi d’autres choses), et dont le parti national slovaque SNS participe à la coalition gouvernementale , avec le parti socialiste de Robert Fico. Ce personnage est d’ailleurs à l’origine d’un projet de loi fièrement intitulé « Patriotic Act » qui vise à raviver le patriotisme des jeunes générations. Bien que soutenu par le très versatile Robert Fico – qui opposait la « tradition antifasciste slovaque » au nationalisme hongrois, dans une interview au Figaro le 4 juin -, ce dernier a estimé qu’il serait plus judicieux d’attendre que les élections soient passées avant de le soumettre au vote du parlement, devant les réactions irritées d’une grande partie de l’opinion publique slovaque.
Deux partis pour une communauté hongroise
Le Parti de la coalition hongroise (SMK/MKP), qui est le parti historique des Magyars de Slovaquie et Most-Híd, fondé par des renégats du SMK/MKP en 2009, sont ce qu’il convient de désigner des « partis ethniques », au sens où ils représentent l’intérêt des Hongrois, captent l’essentiel de leurs votes et n’attirent pas (ou peu, pour ce qui est de Most-Híd) d’électeurs non-hongrois. A quelques jours du vote, ces deux partis se livrent une bataille serrée pour capter les votes de la minorité hongroise. Tous les deux flirtent dans les sondages avec les 5% d’intentions de vote, le seuil nécessaire pour entrer au parlement slovaque. Il est vraisemblable que l’un d’entre eux atteigne ce seuil, mais aucun analyste politique ne s’est encore risqué à pronostiquer lequel. Une faible participation favoriserait SMK/MKP, tandis qu’une forte participation serait plus favorable à Most-Híd. La récente polémique liée à la loi hongroise sur la double citoyenneté pourrait avantager SMK/MKP, plus radical que Most-Híd.