Avec l’arrivée prochaine au pouvoir de la droite en Hongrie, la question des minorités hongroises du bassin des Carpates va immanquablement faire son grand retour. Le Fidesz n’a pas encore officiellement pris le pouvoir que déjà on réentend parler d’elles, et que déjà, les premiers contrecoups se font ressentir dans les pays voisins « abritant » une importante minorité magyare.
« Nous voulons mettre un terme à la discrimination dont sont victimes les Hongrois des pays voisins. » Par ces mots, János Martonyi, l’ancien et probable futur ministre des affaires étrangères de Viktor Orbán, dénonce le fait que ceux-ci n’ont pas accès à la citoyenneté hongroise, contrairement aux Magyars des Etats-Unis, d’Australie ou d’Europe de l’Ouest. Martonyi se défend pour autant de projeter un octroi massif de passeports hongrois. « Je voudrais une nouvelle fois mettre l’accent sur le fait que la citoyenneté pourrait seulement être octroyée sur une base individuelle, au cas par cas. »
Cela ne suffira certainement pas à rassurer les Etats voisins, surtout s’ils se souviennent du passage de Martonyi aux affaires étrangères de 1998 à 2002. Il avait fait de l’autonomie culturelle et territoriale des minorités hongroises une priorité de sa diplomatie. Il s’était notamment lancé dans une dangereuse surenchère lors de la guerre Otan-Serbie au printemps 1999, alimentant un parallèle entre les Albanais du Kosovo et les Hongrois de Voïvodine.
Le levier d’Orbán
Qu’il ait la majorité des deux-tiers au parlement ou pas, le futur premier ministre devra faire des concessions. Dès lors, il sera la cible perpétuelle des attaques de la droite radicale. Pour les contrer, il va devoir « donner dans » le nationalisme. Il dispose d’un levier très intéressant et qu’il a déjà exploité a plein lorsqu’il fut premier ministre, de 1998 à 2002 : les Hongrois d’outre-frontière. Rien de tel en effet pour un politicien hongrois que de s’ériger en défenseur du peuple et de l’identité hongroise – des thèmes chers aux droites traditionnelle et extrême – que de soulever la question des minorités hongroises. On peut donc s’attendre à ce que le nouveau gouvernement pousse des cris d’orfraie, à chaque fait divers impliquant un Hongrois de Slovaquie, de Serbie ou de Roumanie.
Du côté des Slaves du Sud…
Vendredi, les Présidents hongrois, serbe et croate se sont rencontrés dans le Sud de la Hongrie, à Pécs, pour discuter de cette question. László Sólyom, Boris Tadić et Ivo Josipović ont émis un communiqué commun dans lequel ils affirment l’utilité du concept de « nation culturelle » pour résoudre les problèmes liés aux minorités en Europe centrale et dans les Balkans. Les nations culturelles ont toutes un pays-mère responsable de leur famille ethnique a déclaré le président hongrois, précisant que cela ne pouvait en aucun cas s’accompagner de prétentions territoriales. S’il n’est rien ressorti de décisif de cette rencontre, elle a eu le mérite d’entretenir un dialogue constructif. Il n’en va pas de même avec les voisins Slovaques.
Du côté slovaque…
C’est avec la Slovaquie que cela risque de « coincer » le plus, notamment en raison de la loi linguistique slovaque de l’été dernier. Ján Slota, le leader de l’extrême-droite locale, qui participe à la coalition gouvernementale, a gratifié la presse d’une spectaculaire « sortie » samedi dernier via l’agence de presse TASR. Certainement en réaction à la victoire du Fidesz et pour donner le change à la percée de Jobbik. Selon lui, « la nation slovaque est présente historiquement sur ce territoire depuis plus de 1500 ans. Les tribus hongroises mongoloïdes qui sont arrivées ici sur leurs chevaux poilus répugnants viennent seulement de fêter leurs mille ans d’existence. Ces vagabonds, ces restes de nomades, sont très peu nombreux sur le territoire de la Hongrie actuelle. […] Saint Etienne[1]Fondateur du royaume de Hongrie s’est associé avec les princes slovaques et des chevaliers francs et a massacré ces mongols qui se trouvaient sur le territoire historique de la Hongrie. Il est possible que certain d’entre eux aient survécu en se cachant dans les marais de roseaux. », a déclaré le président du parti national slovaque (SNS).
Pas de quoi s’émouvoir franchement de cette nouvelle « sortie », quand l’on connaît le triste personnage et sa faculté à déblatérer des diatribes anti-hongroises et anti-roms, lui qui avait déjà préconisé de placer les Roms et les Hongrois dans des camps, et qui a déclaré très récemment posséder des informations sérieuses quant à des plans d’invasion de la Slovaquie par la Hongrie. Dans ce domaine, le seul qui soutient la comparaison avec lui est le serbe Tomislav Nikolić qui, au cours de la campagne qui avait bien failli le propulser à la présidence de la République en 2004, avait déclaré concernant les minorités de Voïvodine qu’après sa victoire, les Hongrois recevraient un sandwich et les Slovaques deux, car ils ont plus de route à faire…
Notes
↑1 | Fondateur du royaume de Hongrie |
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Et du côté roumain? Ils y sont quand même 2 millions de magyarophones, et pas seulement amasssés tout au long de la frontière!
Peut être un intéressant prochain article sur ces sicules (székely) et non pas hongrois qui vivent enclavés dans les quelques comtés de hargita ou de Covasna…
excellent article de fond, bravo
moi qui croyais (naïvement ?) que les questions de minorités n’auront plus lieu d’être avec l’Europe : être Hongrois, Slovaque ou Roumain… pfff : qu’elle importance? dans l’absolu bien sûr… tant qu’il y a discriminations au sein même des Etats, sur fond de récupération politique en plus
au delà d’un sentiment d’appartenance culturelle, linguistique, (historique ? ) ce n’est plus ces questions de nationalité qui devraient se poser,pour les citoyens européens que nous sommes : il suffit pour s’enconvaincre de lire la dernière analyse de Pierre Lelouche parue hier dans Le Monde
http://www.lemonde.fr/europe/article/2010/04/20/pour-pierre-lelouche-l-europe-est-menacee-de-declassement-rapide_1340428_3214.html
le vrai danger est là…
mais j’entends déjà les foudres de F… balivernes, billevesées, utopie, blablabla
mais je suis un peu perplexe comme dans cette guerre ouverte entre Flamands et Wallons : et nous les Belges, on se met de quel côté ?
et moi la franco-hongroise? je fais quoi ?
LS
Il est temps aussi de se poser la question en Europe, pour une des plus grandes minorités sur le continent, les Hongrois de Roumanie, Slovaquie, Serbie, Slovénie qui sont plus de 3-4 millions si je ne me trompes pas. C’est quand meme 1/3 de la Hongrie actuelle!
La Fidesz aura le mérite de relancer le débat auprès de l’UE, surtout dès 2011.
Bonjour, eh oui, encore moi.
C’est vrai que les Magyars sont en droit de réclamer leur terres, je dis bien : LEUR TERRES, et le retour de leur peuple après le « vol » de 1920, mais bon, que les partis de droite soit au pouvoir, ok, mais il faut se dire que si nous voulons faire une europe unie il faut s’entendre malgré nos différences. Moi aussi, comme beaucoups de hongrois je suis nationaliste, même plus que mes parents et pourtant je suis né en Belgique.Mais bon il faut mettre de l’eau dans son et penser au futur et pas toujours pleurer sur le passé. Nom d’une pipe soyont Européen avant tout, pour le rest nous verrons plus tard, et les partis extrême qu’ils soient d’un bord ou d’un autre sont jamais, je crois que l’histoire nous l’a assez démontré. Une bonne journée àtout les Européens ….
P.S.: je voulais dire « de l’eau dans son vin », « pour le reste » et « ou d’un autre ne sont jamais bon ». Mes excuses.
Pour Attila:
Moi aussi j’ai été élevée dans l’amour de la Hongrie, mais ne confondons pas patriotisme et nationalisme !
» le patriotisme c’est l’amour des siens, le nationalisme, c’est la haine des autres » a dit un jour Romain Gary
LS
être Hongrois, Slovaque ou Roumain… ? oui être européen est une belle idée surtout pour qu’il n’y ait pas que les USA, l’Inde ou la Chine qui tiennent le pouvoir, c’est l’idée de base de l’europe. Je ne vois pas en quoi l’idée de pouvoir qui transparait dans la plupart des messages serait une notion si mauvaise…La culture n’est qu’une autre réalité politique et économique du pouvoir, rien de plus.
Ce qui par contre me semble « curieux » c’est qu’il est toujours aussi facile de tomber sur les Slovaques quand il s’agit de défendre les minorités hongroises, toujours facile de tomber sur les Hongrois quand il s’agit de défendre les Roms… Je connais assez de Hongrois vivants en Transylvanie pour voir que leurs papiers roumains ne signifient rien pour eux, ils se disent Hongrois et s’ils y votaient, pour ceux que je connais, bien peu voteraient pour le Jobbik.
On oublie d’ailleurs, bien vite comment l’Espagne ou l’Italie se sont constitués, pour ne prendre que ces deux exemples. Aujourd’hui « tout le monde » aime l’Espagne du Nord, Barcelone…(c’est encore la mode), pourtant les élécteurs (c’est une démocratie) sont en train par le relai des politiques de faire mourir tranquillement le sud, idem pour l’Italie, encore plus catastrophiquement. Quant à la Belgique, c’est à chacun son tour d’avoir raison ou tord, Les Francophones puissants avant ne voulaient plus des Flamands, maintenant c’est juste le contraire. La flandre devenue riche ne veut plus des pauvres du sud.
Mais pourquoi rejeter systématiquement la faute sur les politiques ? Peut-être parce qu’ ils ont exactement le même défaut que l’ensemble des élécteurs et de la population : Il faut être du côté des « puissants » pour se rassurer ou du côté des « faibles » pour avoir bonne image. Affaires d’opportunisme, de séduction et de pouvoir donc.
Et comme il faut choisir parait-il un côté, on choisit en fonction de son milieu social celui qui nous rassure le plus et le mieux, et qui fait qu’on réitère notre appartenance à un « clan ». En plus on aime pas avoir tord, donc les méchants sont toujours en face et quand ils ne sont pas en face, ce sont ou des traites ou des imbéciles.