La Hongrie et le trafic d’êtres humains (1/3)

Elle a 20 ans et lui 24. Andrea Novák et József Budai étaient installés à Londres, où ils esclavageaient des jeunes filles de leur pays, la Hongrie. La semaine passée, ils ont été condamnés à huit années d’emprisonnement chacun, pour « exploitation sexuelle ».

Au moment de prononcer son verdict, le juge Simon Pratt de la Cour de Croydon a qualifié l’affaire de « the closest to human slavery as you could possibly get. » « Betty », le pseudonyme d’Andrea Novák, recrutait des jeunes filles vulnérables en leur faisant miroiter un salaire de plus de mille pounds par semaine. Certaines d’entre elles savaient qu’elles allaient travailler dans l’industrie du sexe. D’autres l’ignoraient. Pour s’octroyer les services de ces jeunes hongroises, mises à leur disponibilité de 9h du matin jusqu’à deux heures le jour suivant, les clients déboursaient 140 £ de l’heure. Elles n’en voyaient jamais la couleur, sinon quelques miettes.

C’est grâce au témoignage de Julianna notamment, une étudiante de 19 ans, que « le couple terrible » a été condamné. Durant les quelques jours qu’ont duré sa captivité et le travail forcé, elle a tenu régulièrement un journal intime qu’elle dissimulait à ses bourreaux. En voici quelques courts extraits, diffusés par la presse britannique et reproduit intégralement par The Independent, le weekend dernier.

« Tout s’est passé si vite. Dès que j’ai répondu à son annonce Betty m’a contacté. Sans me prévenir, elle m’a acheté un billet d’avion et c’était joué. Je savais que c’était un travail érotique, qu’il s’agissait de donner des services sexuels aux hommes, et je pensais que je serais capable de le faire. Mais je n’avais aucune idée de ce que cela serait. Je n’avais jamais fait ce genre de travail avant. J’ai pensé qu’il allait me permettre de réaliser mon rêve et que je serais en mesure de faire face. Je me trompais. […] Lorsque le téléphone sonne, c’est qu’un client arrive. A ce moment je vieillis vite et mes cheveux deviennent plus gris. Les clients vont et viennent. Je suis totalement bourré en permanence. Je ne mange pas, mais je bois, ça oui! Je ne peux pas dormir.3

Corentin Léotard

Rédacteur en chef du Courrier d'Europe centrale

Journaliste, correspondant basé à Budapest pour plusieurs journaux francophones (La Libre Belgique, Ouest France, Mediapart).

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