Encore un référendum en Europe. Cette fois en Hongrie, sur la politique de relocalisation de 160.000 réfugiés dans les différents pays de l’UE. Le premier ministre hongrois, Viktor Orbán, qui depuis plusieurs mois est sur le devant de la scène pour « dénoncer » cette politique européenne, entend « donner la voix » aux électeurs sur la question. Il s’agit d’une politique démagogue visant à renforcer son pouvoir en interne, à dévier l’attention des vrais problèmes du pays et qui finit par renforcer la xénophobie, le racisme et le nationalisme dans le pays et au-delà.
Article publié originellement le 7 juillet7 2016 dans Révolution permanente. |
La Hongrie risque en effet d’être « écrasée ». Elle devra accueillir une « masse » de… 1.294 réfugiées. En réalité il s’agit d’un nombre ridicule de personnes à accueillir par rapport aux réels besoins des centaines de milliers de migrants qui essayent d’arriver en Europe. En effet, le vrai objectif d’Orbán est de renforcer son pouvoir en interne. Depuis qu’il manipule de façon xénophobe la question des réfugiés sa popularité a progressé. Cela lui permet d’une part de faire face à la pression du parti d’extrême-droite Jobbik et d’autre part de faire diversion et d’éviter de parler des vrais problèmes qui touchent les travailleurs et les classes populaires comme l’éducation, la santé et la situation économique en général.
Lors du référendum, qui se tiendra le 2 octobre prochain, les électeurs devront répondre à la question : « Voulez-vous que l’Union européenne décrète une relocalisation obligatoire de citoyens non hongrois en Hongrie sans l’approbation du Parlement hongrois ? ». Même si la légalité du référendum est remise en cause par les autorités européennes, pour que celui-ci soit valide la participation doit dépasser 50%.
Alors que le Jobbik soutien le référendum et appelle, comme le gouvernement, à voter « Non » l’opposition social-démocrate appelle au boycott de celui-ci. Merkel s’est exprimée contre l’initiative aussi.
L’onde de choc du Brexit
Mais si ce type de discours racistes et xénophobes a autant de succès parmi la population, y compris au sein des classes populaires, ce n’est pas seulement dû au mérite des politiciens démagogues en Hongrie (et ailleurs) mais bien le résultat du caractère profondément antidémocratique et impérialiste de l’UE elle-même.
Les partis démagogues de droite essayent en effet d’exploiter l’opposition aux impositions bureaucratiques de politiques antipopulaires de Bruxelles en déviant cette colère des masses vers un sentiment nationaliste, raciste et xénophobe.
Sur la question des réfugiés nous devons en effet pointer l’hypocrisie des puissances centrales de l’UE. Non seulement le nombre de personnes à relocaliser dans les pays membres est ridicule mais cette répartition ne prend aucunement en compte la volonté des migrants eux-mêmes. Car une autre grande réalité c’est que l’écrasante majorité des migrants veut s’installer dans les pays les plus développés du continent (notamment en Allemagne) et non dans des pays périphériques plongés dans le sous-développement et la pauvreté.
C’est sur cette réalité qu’Orbán base sa démagogie xénophobe. Cependant, malgré ses discours et sa rhétorique, le premier ministre hongrois n’est aucunement un eurosceptique. Bien au contraire. Il a même fait campagne contre le Brexit aux côtés de David Cameron. Sa réelle volonté est de renégocier les traités européens de façon à donner plus de poids aux Etats nationaux. Avec les pays du groupe dit de Visegrad (Pologne, Rép. Tchèque, Slovaquie et Hongrie) Orbán tente d’empêcher que l’Allemagne et les pays du « Nord » avancent vers la construction d’une UE à deux vitesses où les pays d’Europe centrale et de l’Est resteraient à la marge. En ce sens, avec le Brexit, ces pays ont plutôt perdu un allié de taille comme la Grande-Bretagne qui s’est toujours opposée à ce projet.
La xénophobie d’Orbán se retournera contre les travailleurs hongrois travaillant dans l’UE
Sur la question de ladite « crise migratoire » malgré les efforts de la presse de présenter Angela Merkel comme une dirigeante « accueillante » et Orbán, ainsi que d’autres politiques populistes de droite de la région, comme les principaux ennemis des réfugiés, la réalité est bien autre. En effet, il y a une complémentarité totale entre les puissances centrales de l’UE et les gouvernements des pays périphériques comme la Hongrie : c’est dans ces pays que les puissances telles que l’Allemagne ont « sous-traité » la répression des migrants. Ainsi, les barbelés érigés à la frontière entre la Hongrie et la Serbie pour bloquer la route des migrants bénéficiaient principalement à l’Allemagne, à l’Autriche et aux pays du nord de l’Europe où la plupart des migrants veulent s’installer.
Mais ces discours racistes et xénophobes du gouvernement hongrois sont un danger pour les travailleurs hongrois eux-mêmes. En effet, ils participent au renforcement du gouvernement et à ses politiques antisociales en interne mais aussi aux tendances nationalistes et racistes à travers le continent.
Les débats autour du Brexit en sont un bon exemple. En Grande-Bretagne, où malgré leur statut de « citoyens européens » les conditions de vie des travailleurs d’Europe centrale et de l’Est sont déjà très difficiles, la question des « travailleurs de l’Est » a été au centre des discours xénophobes. Comme pointe le site francophone d’information sur la Hongrie Hulala : « [en Grande-Bretagne] en 2015, sur les 2,7 millions de ressortissants européens, plus de 805 000 étaient des citoyens polonais, soit plus du tiers des migrants originaires de l’Union européenne. La même année, on dénombrait près de 350 000 Roumains, 79 000 Hongrois, 75 000 Slovaques, 65 000 Bulgares et environ 42 000 Tchèques, soient au total plus d’1,4 millions de ressortissants centre- ou est-européens. Cette immigration récente, principalement due aux différents élargissements de l’Union européenne depuis 2004, explique à elle seule que le nombre de ressortissants de l’UE aient dépassé en 2014 celui des immigrés originaires des autres régions du monde ».
Avec la victoire du Brexit et les débats xénophobes qui s’ouvrent sur le fait de savoir si les ressortissants de l’UE pourront rester ou non en Grande-Bretagne une fois que celle-ci sera partie de l’Union, la stigmatisation des travailleurs d’Europe centrale et de l’Est, dont les hongrois, va s’accentuer.
Plus que jamais la solidarité internationaliste de la classe ouvrière en Hongrie et dans tout le continent doit s’exprimer avec nos sœurs et frères de classe migrants et réfugiés arrivés sur le continent fuyant la misère ou la guerre et rejeter ce type d’initiatives réactionnaires comme le référendum hongrois.